Père Gaël Giraud : le cumul de dérives universitaires et du cléricalisme ?
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Père Gaël Giraud : le cumul de dérives universitaires et du cléricalisme ?
L'article de Flore Pierson publié dans La Vie a été très commenté cette semaine.
Sauf mention contraire, les citations ci-dessous sont extraites de l'article de Flore Pierson publié dans La Vie 🡵. L'ensemble des témoignages rassemblés dans l'article de la Vie et dont certains sont reproduits ici constituent selon Gaël Giraud des « allégations et des insinuations » qu'il dément « formellement et en bloc » 🡵.
Dans le milieu scientifique
L'article de La Vie donne la parole à des doctorants qui disent avoir travaillé avec Gaël Giraud selon un mode de fonctionnement quasi sectaire, le groupe replié sur lui-même avec un fort contrôle social. De plus, d'anciens doctorants décrivent des comportements tels que l'appropriation de résultats de recherche, ou encore l'annonce de collaborations fictives :
Selon David, Gaël Giraud ira même plus loin : « Étant l'un des rares à m'être suffisamment éloigné de ce fonctionnement sectaire pour arriver à travailler un peu, j'avais quelques résultats, qui plus est en théorie économique, ce que Gaël envie le plus. J'ai donc fait l'objet de prédation sur ma recherche. » D'abord, en avril 2022, Gaël Giraud met en ligne un article scientifique qu'il cosigne avec deux physiciens. Or, l'article contient des équations et des paragraphes issus de la recherche de David — ce que Gaël Giraud aurait reconnu par la suite. À force d'appels, de messages et de mails envoyés par le jeune homme en détresse, l'un des coauteurs finit par publier une deuxième version expurgée du plagiat, mais la première est toujours en ligne. Simultanément, il aurait également forcé David à accepter, en amont, que lui et un de ses amis apposent leurs signatures sur un article en cours de rédaction auquel ils n'au- raient pas contribué. Enfin, en décembre 2022, David présente à Gaël des avancées sur sa thèse. Quelle n'est pas sa surprise de découvrir, quelques semaines plus tard, l'annonce par Gaël Giraud d'un séminaire public diffusé en ligne… dont le titre et le résumé seraient, trait pour trait, ce que David lui avait présenté. Celui-ci remue alors ciel et terre, et le séminaire est annulé à la dernière minute, après que la mission intégrité scientifique de Georgetown aurait informé Gaël Giraud que David avait déposé un signalement contre lui.
Enseignante et chercheuse dans une célèbre université à l'étranger, et bien intégrée dans le milieu académique jésuite, Sylvie* raconte : « Pour solliciter des financements, il avait créé une fausse présentation intégrant le nom de notre institution, son logo, la photo d'un de nos membres, ainsi que ceux d'un autre programme, et l'a faite circuler. Il y annonçait que nous collaborions, ce qui n'était absolument pas le cas. Nous l'avons découvert par hasard, j'étais abasourdie. Contacté, il a nié l'évidence, accusant les autres. »
C'est dans ce contexte que des plaintes et signalements auraient été déposées contre Gaël Giraud :
Selon les informations que La Vie a pu recouper, au moins cinq plaintes ont été déposées à Georgetown contre Gaël Giraud, pour harcèlement (auprès de l'Institutional Diversity, Equity & Affirmative Action) ou plagiat (auprès de l'Office of Research Oversight), et un courrier collectif de membres du programme a été envoyé en mai au doyen. Contactée, l'université n'a pas répondu. Certaines plaintes se seraient soldées par la signature d'accords de confidentialité, parfois assortis de compensations financières.
David a fait des signalements internes au CNRS pour plagiat et autres manquements à l'intégrité scientifique. Ceux-ci aboutiront à la reconnaissance d'un préjudice (le prérapport de l'expert que La Vie a pu consulter indique : « Le préjudice subi par M. David X. est à double titre significatif, avec d'une part « l'absence cinglante de reconnaissance pour un travail de qualité fourni » et d'autre part « la fragilisation de son programme de recherche en cours induite par la récupération sans reconnaissance de quelques-unes de ses idées originales en cours d'exploitation. » »), mais n'auront pas de conséquence pour Gaël Giraud (le verdict final n'aurait pas été communiqué à David).
Deux femmes décrivent des relations d'emprise
Aujourd'hui accompagnée psychologiquement, elle peut raconter cette histoire depuis peu de temps. À la douleur s'ajoute la culpabilité de ne pas avoir vécu la vie religieuse qu'elle désirait. « Je sais maintenant que j'ai été dans une relation d'emprise, permise par cette fascination qu'il exerçait sur moi. Selon mon avocate, les relations sexuelles qui me faisaient tant de mal pourraient s'apparenter à un viol. » Gaël Giraud évoque de son côté une « très belle relation d'amitié » et dément, pour toutes ses relations, tout « crime »
« L'éloignement m'a permis de réaliser à quel point nos relations sexuelles n'allaient pas du tout. Il me faisait comprendre que si je n'en voulais pas, il ne voudrait plus de moi, donc je m'y astreignais. Mais j'appréhendais les nuits que je devais passer avec lui. » Cette appréhension aurait notamment reposé sur des relations sexuelles qu'elle considère, avec le recul, non consenties, ce que Gaël Giraud dément « formellement et catégoriquement », se disant même prêt à produire des documents écrits qui attesteraient du contraire. Le sentiment de malaise et de manipulation ressenti par la jeune femme est décuplé par la pression que Gaël Giraud aurait exercée sur elle au moment de leur rupture : « Il a insisté par personne interposée pour que je lui écrive expressément que nos relations sexuelles étaient consenties, poursuit Chloé. J'ai mis du temps à comprendre que notre relation n'était pas normale. C'est le propre de l'emprise. J'étais en fait installée dans une vision de la sexualité qui était celle de la contrainte. Il me faisait douter de moi sur ce plan, en me disant que j'avais un problème. »
Sur le plan canonique
Une enquête canonique vise Gaël Giraud
Les jésuites ont pris conseil auprès du TPCN. Une enquête préliminaire canonique a été ouverte, mais celle-ci n'est pas confiée au TPCN.
Un signalement canonique déposé par Gaël Giraud
Interrogé, Gaël Giraud a déclaré à La Vie avoir « déposé un signalement canonique contre le père Thierry Dobbelstein pour harcèlement moral et abus d'autorité ».
Le communiqué des jésuites
Communiqué à la suite de l'article consacré au P. Gaël Giraud [La Vie, 17 décembre 2025]
À la suite de la parution dans le magazine La Vie daté du mercredi 17 décembre 2025 de plusieurs témoignages faisant état de faits graves reprochés au Père Gaël Giraud, la Province jésuite d'Europe occidentale francophone souhaite témoigner tout son soutien à l'égard des personnes qui ont été blessées dans leur intégrité morale et physique.
Dès que nous avons été informés de faits décrits comme une agression sexuelle, nous avons accueilli ces paroles avec toute l'attention, l'écoute et l'empathie qu'exige une telle situation.
Conformément aux procédures internes de la Compagnie de Jésus, un signalement a été adressé au Procureur de la République. Parallèlement, une enquête préliminaire canonique a été ouverte à la demande de la Province et dans le respect du droit de l'Église catholique. Cette enquête est toujours en cours et a pour objet d'évaluer s'il y a matière ou non à l'ouverture d'un procès canonique.
La Province souhaite également préciser que le Père Gaël Giraud est actuellement en retrait de toutes ses activités pastorales et qu'elle attend le retour de l'enquête préliminaire canonique pour décider des prochaines mesures conservatoires qui pourraient être prononcées à son encontre.
La Province jésuite d'Europe occidentale francophone réaffirme son engagement à prévenir toute forme d'abus, à accueillir et accompagner la parole des personnes qui témoignent, à coopérer pleinement avec les autorités civiles et ecclésiales compétentes, et à respecter la présomption d'innocence dans le cadre des procédures en cours.
La Province rappelle également qu'elle a mis en place en 2016 une cellule d'écoute et de prévention, accessible via son site internet et qui a pour vocation de recueillir tout témoignage concernant des situations d'abus, de harcèlements ou de violences sur les personnes, de la part de jésuites ou de leurs partenaires.
Nous appelons chacun à porter dans leurs pensées ou dans leurs prières toutes les personnes victimes.
Article publié le 17 décembre 2025
Informations complémentaires
Compagnie de Jésus
- https://www.jesuites.com/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Compagnie_de_J%C3%A9sus
- https://www.jesuites.com/abus-et-violences-sexuelles-appel-a-temoignages/
- https://france3-regions.franceinfo.fr/bretagne/morbihan/lycee-saint-francois-xavier-de-vannes-c-etait-la-face-sombre-et-inconnue-de-l-etablissement-dans-les-annees-50-60-3188667.html
- https://covijez.over.blog/2025/05/collectif-des-victimes-d-abus-sexuels-par-des-pretres-jesuites-7.html
- https://www.facebook.com/groups/1910594509715823/
Appel à témoignages
Le site internet des jésuites dispose d’une page regroupant les appels à témoignages. Ils concernent :
- Jean Mambrino, jésuite
- Henry Collard, Albert Stevens et Jules Francken, jésuites – Collège Saint-Michel à Bruxelles
- Gilbert Lamande, jésuite – Saint-Louis de Gonzague Paris (Franklin)
- Louis Mouren, jésuite – Association les liens brisés #1
- Association les liens brisés #2
Fin 2024, sur toute la France, 176 personnes se sont manifestées (dont 139 pour dénoncer des faits d'agressions à connotation sexuelle : paroles, gestes, ou rapports sexuels) depuis 1949. Leurs témoignages ont permis d'identifier que 115 jésuites s'étaient rendus coupables d'agressions (psychiques, spirituelles, morales, physiques ou sexuelles). La cellule d'écoute rapporte également des signalements en Belgique avec 43 dénonciations pour des abus sexuels 🡵.
Sur les 115 jésuites s'étaient rendus coupables d'agressions (psychiques, spirituelles, morales, physiques ou sexuelles) 🡵, seulement 6 font l'objet d'un appel à témoignages sur le site internet des jésuites (Jean Mambrino, Henry Collard, Albert Stevens, Jules Francken, Gilbert Lamande et Louis Mouren).
Collectif des victimes d'abus sexuels par des prêtres jésuites
Ce collectif a pour vocation de rassembler le plus grand nombre de victimes d'agressions sexuelles commises par des prêtres jésuites ou des laïcs employés par la Compagnie de Jésus, afin de les aider à se libérer de l'emprise mortifère toujours active de leurs agresseurs (enfermement, isolement, culpabilité, honte, peur, silence), les encourager à parler et à échanger leurs expériences. Il vise aussi à permettre d'établir un dialogue réel et de travailler de concert avec les jésuites sur un certain nombre d'objectifs essentiels pour briser le silence et rendre dignité et justice aux victimes. Toute personne sensible à cette démarche peut aussi rejoindre ce collectif 🡵.
- Le groupe Facebook : https://www.facebook.com/groups/1910594509715823/
- Le site Internet : https://covijez.over.blog/2025/05/collectif-des-victimes-d-abus-sexuels-par-des-pretres-jesuites-7.html
- Email : covijez@gmail.com
Voir aussi :