Publication du second rapport de la commission pontificale pour la protection des mineurs (Tutela minorum)
10/11
<< Semaine du 13 au 19 octobre 2025 >>
Publication du second rapport de la commission pontificale pour la protection des mineurs (Tutela minorum)
Une partie du document laisse la parole aux victimes/survivants.
Mais le rapport souligne aussi de fortes disparités dans la mise en œuvre des politiques de prévention. Il appelle à une plus grande transparence dans la gouvernance des diocèses, notamment lors de la démission ou de la destitution d'évêques impliqués dans des cas d'abus ou de négligence. Les raisons d'une démission doivent être clairement communiquées, insiste le rapport, qui demande plus largement aux Églises locales de bien faire remonter les données.
[…]
« La Commission note une résistance culturelle considérable en Italie à la lutte contre les abus. Les tabous culturels peuvent empêcher les victimes, survivants et leur famille de parler de leurs expériences et de les signaler aux autorités. » Cette remarque, inhabituelle par sa franchise, illustre la difficulté du dossier italien. Malgré des progrès en matière de formation, l'Église transalpine tarde à bâtir une réelle culture institutionnelle de la transparence dans toutes ses régions.
— La Croix
Conclusions et observations principales 🡵
Cette année, les conclusions et les observations principales comprennent :
- Les éléments d'un vadémécum opérationnel destiné aux victimes/survivants d'abus survenus dans un contexte ecclésial, fondé sur l'étude spécifiquement consacrée par la Commission à ce sujet. Sur la base des conclusions de cette étude, le vadémécum distingue six domaines que l'Église doit examiner davantage pour s'acquitter de ses obligations à l'égard des victimes/survivants : 1) Accueil, écoute et prise en charge, 2) Communication : excuses publiques et privées, 3) Soutien spirituel et psychothérapeutique, 4) Soutien financier, 5) Réformes institutionnelles et disciplinaires, et 6) Initiatives de sauvegarde au sein de la communauté ecclésiale.
- L'importance d'un protocole simplifié relatif à la démission et/ou la destitution des chefs ou du personnel de l'Église dans les cas d'abus ou de négligence. En s'appuyant sur les conclusions du Rapport annuel pilote, qui sont maintenant confirmées par son étude sur les réparations, la Commission a souligné l'importance de communiquer publiquement les raisons de la démission et/ou destitution, quand la décision est liée à des cas d'abus ou de négligence. Un tel protocole, ainsi que toute forme de communication connexe, devrait garantir le respect des principes relatifs à la confidentialité et à la présomption d'innocence.
- L'intérêt de créer un réseau universitaire regroupant les centres de recherche universitaires catholiques qui se spécialisent dans les droits humains, la prévention des abus et la sauvegarde, afin de recueillir des données pertinentes dans les pays et les régions couverts par le Rapport annuel. Dans le cadre de l'approfondissement continu de ses conclusions, la Commission note qu'un tel réseau pourrait contribuer à la diversification des sources pour la méthodologie du Rapport annuel.
- L'importance de développer un mécanisme de signalement systématique et obligatoire concernant le ministère de sauvegarde des Églises locales. En conformité avec sa structure organisationnelle unique, l'Église possède depuis longtemps la capacité de documenter et de recueillir des données pertinentes concernant ses différents ministères. La Commission note la capacité de l'Église de promouvoir une transparence et une responsabilité plus grandes, par l'exploitation de sa forte tradition de rapports périodiques, afin d'y inclure les politiques de sauvegarde et leur mise en œuvre.
- Le rôle clé joué par les nonces apostoliques qui cheminent aux côtés des Églises locales. La Commission note l'importance de sa proximité avec le corps diplomatique du Saint-Siège, lequel occupe, partout dans le monde, une place unique pour encourager, soutenir et accompagner le ministère de sauvegarde dans les Églises locales.
Conclusions du groupe de discussion des victimes/survivants (p35 et suivantes)
Responsabilisation des chefs de l'Église
Le fait que des chefs de l'Église ne rendent pas de comptes a été un problème fréquemment soulevé par les victimes/survivants. Le besoin urgent que les évêques et les supérieurs majeurs soient tenus responsables en cas de négligence ou de dissimulation a été souligné à plusieurs reprises. Une personne victime/survivante a expliqué que l'évêque local avait reçu son signalement, mais avait ensuite bloqué tout contact et rompu la communication lorsqu'il avait compris qu'il s'agissait d'un crime de harcèlement sexuel. De manière similaire, de nombreuses autres victimes/survivants ont témoigné avoir dû soumettre plusieurs signalements, car les précédents avaient « disparu ». Ce témoignage le reflète : « J'ai envoyé deux lettres à l'évêque pour lui dire ce qui s'était passé ; c'était il y a cinq ans, et je n'ai toujours pas reçu de réponse ». La Commission prend acte de cet appel à une plus grande responsabilité de la part des chefs de l'Église, ainsi que du besoin d'un processus canonique plus clair concernant la démission ou la destitution dans les cas de négligence et de dissimulation.
Accès des victimes/survivants aux informations
Le besoin fondamental de pouvoir accéder aux informations concernant leur dossier est une préoccupation majeure pour les victimes/survivants. Elles l'expriment comme un élément essentiel de leur parcours de guérison. L'une d'elles a expliqué : « Vous voulez savoir, et ils ne vous disent rien. C'est comme être envoyé au purgatoire. » La Commission constate depuis longtemps ce manque d'information aux victimes/survivants et a souligné cette lacune dans son premier Rapport annuel (pour l'année de référence 2023), appelant à un meilleur accès à l'information pour les victimes/survivants concernant le suivi de leur dossier. Dans ce deuxième Rapport annuel, la Commission continue de mettre en avant cette préoccupation dans ses recommandations aux Églises locales, auxquelles échoit principalement la responsabilité de communiquer individuellement les mises à jour aux victimes/survivants.
La guérison par la vérité
Le besoin pour l'Église de reconnaître ses fautes en réponse au fléau des abus s'est imposé comme un appel fort des victimes/survivants en faveur du renouveau de l'Église. Comme l'exprime ce témoignage : « L'Église elle-même a besoin de guérison, et en reconnaissant les torts du passé et en faisant preuve d'humilité, elle peut rétablir la confiance et l'intégrité. » Ou cet autre : « La vérité doit être rendue publique. » Un autre témoignage encore portait presque exclusivement sur la notion de reconnaissance, soulignant que la reconnaissance publique est au cœur de tout processus de réparation. La reconnaissance publique est essentielle pour éviter que les victimes/survivants, se sentant ignorées ou réduites au silence, ne replongent dans la souffrance.
La Commission fait pleinement écho à cet appel à dire la vérité, y compris à travers l'adoption d'un cadre de justice par la conversion, qui sous-tend l'ensemble de son travail. Conformément à cet appel des victimes/survivants et au pilier de la « vérité » dans la justice par la conversion, la Commission reconnaît et salue les études indépendantes de reconnaissance de la vérité commandées par les différentes Églises locales mentionnées dans la Section 1 de ce Rapport annuel. Par ailleurs, la Commission recommande systématiquement que les Églises locales de la Section 1 adoptent des protocoles de communication solides pour partager efficacement les informations sur les cas avec le public. En effet, la Commission considère cette démarche comme un élément essentiel du parcours de guérison des victimes/survivants et de leur entourage.
Compréhension incomplète de la réparation par l'Église
La compréhension incomplète de la réparation par l'Église est apparue comme un obstacle au parcours de guérison des victimes/survivants. Une victime/survivant a expliqué que les réparations financières, lorsqu'elles sont organisées de manière indépendante et équitable, peuvent avoir un impact significatif sur la vie des victimes/survivants, en leur permettant d'accéder aux soins psychologiques nécessaires et de retrouver un sentiment de dignité. Toutefois, de nombreuses victimes/survivants ont indiqué que l'indemnisation financière était souvent perçue avec suspicion, comme si elle mettait un prix sur la souffrance. De même, des victimes/survivants ont dénoncé l'attitude de responsables ecclésiaux privilégiant les règlements financiers au détriment d'une véritable responsabilité. Comme le déclare une victime/survivant: « Ils m'ont proposé 20 000 dollars, mais tout ce que je voulais, c'étaient des excuses. » Un-e autre témoigne : « La réponse de l'évêque était inadéquate, uniquement centrée sur l'argent, et elle n'a apporté aucune justice ». Un autre témoignage encore a souligné que l'indemnisation financière n'était pas le besoin essentiel.
Les victimes/survivants ont constamment exprimé ce point de vue auprès de la Commission. Le besoin premier n'est pas une compensation financière, mais la reconnaissance du préjudice subi, des excuses sincères et des actions significatives pour prévenir les abus à l'avenir. Or dans de nombreux cas, les victimes/survivants rapportent que la réponse de l'Église se limite à des règlements qui ne règlent rien, à des gestes purement symboliques et à un refus persistant d'engager un dialogue de bonne foi avec les victimes/survivants.
L'introduction du présent Rapport annuel examine le pilier de la « réparation » dans le cadre de la justice par la conversion, et cherche à promouvoir une approche plus mature de la pratique des réparations, une approche qui reflète mieux les besoins des victimes/survivants et leurs préoccupations. Les victimes/survivants ont proposé des exemples concrets : mémoriaux, liturgies dédiées, reconnaissances publiques, lettres formelles de reconnaissance du tort, accompagnement pastoral et mesures de prévention des abus. La Commission reconnaît la diversité des pratiques qui sont comprises dans la notion de réparation, au-delà de l'indemnisation financière, et accueille favorablement toute réflexion complémentaire sur leur efficacité. La Section 1 de ce Rapport annuel adresse à chaque Conférence épiscopale des demandes visant à recueillir des exemples de leurs expériences en matière de réparations et à évaluer comment l'Église locale peut accompagner la réparation des torts causés aux victimes/survivants d'abus sexuels au sein de l'Église.
Manque de services psychologiques
Les victimes/survivants ont particulièrement souligné l'absence de soins psychologiques offerts à eux et à leurs communautés. L'une d'elles a déclaré : « J'ai eu de la chance de trouver un thérapeute. Beaucoup de victimes n'ont pas cette opportunité. » Comme l'a précisé un-e autre, cette forme de réparation « ne devrait pas dépendre d'une initiative personnelle ou d'un coup de chance, mais passer par un processus structuré et garanti ». Un-e autre encore a insisté sur le fait que les services de soutien psychologique et de santé mentale devraient être facilement accessibles aux victimes/survivants, précisant que la famille, également profondément affectée, doit aussi recevoir un accompagnement. La Commission souligne dans l'Introduction de ce Rapport annuel l'importance d'offrir des services psychologiques aux victimes/survivants et continuera de suivre les évolutions dans les Églises locales, conformément à son mandat. La Commission a fait de ce suivi un élément fort de son Initiative Memorare, qui prend de l'ampleur dans les pays du Sud, et entretient un dialogue avec les Églises locales du monde entier.
Besoin d'une Église plus à l'écoute
Un point constant et fortement exprimé a émergé autour du désir des victimes/survivants de se sentir écoutées et reconnues dans ce qu'elles ont vécu. Elles ont souligné la nécessité de « discussions ouvertes sur les effets des abus… pour faire tomber les croyances nocives », et ont recommandé que « les laïcs soient formés pour remettre en question les stéréotypes néfastes ». De nombreuses victimes/survivants ont également insisté sur l'importance d'adopter un langage pastoral tenant davantage compte des traumatismes, afin de promouvoir une Église plus à l'écoute, une Église qui respecte la dignité et l'autonomie des victimes/survivants. Plusieurs victimes/survivants ont spécifiquement mentionné la nécessité d'éviter tout langage qui ferait allusion à leur souffrance comme un acte rédempteur. Les victimes/survivants ont qualifié cela de déformation théologique, manipulatrice et spirituellement abusive. Ils ont aussi souligné l'importance d'éviter les formulations qui laisseraient entendre que l'Église est innocente ou que la réparation serait facultative ou abstraite. Les victimes/survivants ont fourni des exemples concrets de langage utile pouvant accompagner cette conversion, notamment, « traumatisme spirituel », « atteinte psychologique durable », « blessure morale » et « devoir de justice ».
La Commission intègre particulièrement ces préoccupations dans la Section 2 de ce Rapport annuel, qui met en lumière les stéréotypes et les stigmates culturels fortement ancrés autour des abus. Elle pointe également des préoccupations de ce type dans certaines Églises locales évoquées dans la Section 1.
Les victimes/survivants ont ensuite partagé leurs expériences liées au signalement de leur cas auprès des autorités ecclésiales. En effet, certain-es se sont heurtés à du déni et du rejet, au lieu d'une écoute attentive. L'une d'elles a expliqué : « L'évêque a déclaré qu'il ne voulait plus entendre parler de l'affaire. » Dans ce même contexte de signalement, une autre a dit: « La trahison par l'institution, qui prétend incarner l'autorité morale, a été plus douloureuse encore que l'agression elle-même ».
La Commission souligne clairement que les victimes/survivants ont besoin et sont en droit de recevoir une écoute ouverte et non de se heurter à des obstacles tels que le silence ou le rejet. Comme l'a affirmé une victime/survivant : « Croire les victimes/survivants sur parole devrait être la position de principe ». La Commission promeut particulièrement ce paradigme dans ses recommandations aux Églises locales figurant en Section 1, en ce qui concerne le développement de structures de signalement accessibles et accueillantes au sein des diocèses, conformément à Vos estis lux mundi. Elle reflète également cette exigence dans sa recommandation d'augmenter le nombre de professionnels de la sauvegarde formés au recueil des signalements et à une écoute tenant compte des traumatismes.
Gestion adéquate des auteurs d'abus
Une préoccupation constante a émergé chez les victimes/survivants concernant la gestion appropriée des auteurs d'abus. Beaucoup ont témoigné d'une tendance, dans les communautés ecclésiales, en particulier parmi le clergé, à qualifier les abus uniquement de péché, et non de crime. Les victimes/survivants ont clairement indiqué qu'elles ne devraient pas vivre dans l'incertitude quant à l'engagement, ou non, de la responsabilité de leurs agresseurs. Cette question englobe, entre autres, la pratique consistant à muter les auteurs d'abus dans d'autres diocèses. Une victime/survivant a expliqué : « Le prêtre qui a abusé de moi a été envoyé dans un autre pays, où il a continué son ministère ». La Commission souligne que cette pratique peut constituer un obstacle à la justice et que les victimes/survivants la dénoncent, à juste titre, comme une source d'inquiétude majeure et un risque constant de nouveaux abus. L'élaboration de protocoles solides de gestion des auteurs d'abus fait partie des recommandations que la Commission adresse à de nombreuses Églises locales dans la Section 1 de ce Rapport annuel.
Contrôle rigoureux de tout le personnel de l'Église
Les victimes/survivants ont souligné la nécessité de procéder à un contrôle rigoureux de tout le personnel ecclésial, afin de réduire au minimum le risque d'abus. En évoquant ces dispositions concernant le clergé et les personnes consacrées, elles ont précisé que cela devait inclure des évaluations psychiatriques avant l'ordination, ainsi que des évaluations périodiques tout au long de la vie sacerdotale. Elles ont également insisté sur la nécessité d'évaluer les personnes non ordonnées travaillant au sein de l'Église locale. L'une des victimes/survivants a notamment évoqué l'importance d'évaluer tout le personnel ecclésial en contact avec des mineurs ou des adultes vulnérables. Dans la Section 1 de ce Rapport annuel, la Commission formule régulièrement des recommandations spécifiques aux Églises locales en vue de vérifications d'antécédents rigoureuses en matière de sauvegarde, applicables à tout clerc, religieux ou autre agent pastoral venant d'une autre juridiction ecclésiastique. Elle reconnaît et félicite également les Églises locales qui ont intégré ces exigences à leurs politiques et procédures.
Absence de structures claires de signalement
Les victimes/survivants ont souvent dénoncé l'absence de structures claires de signalement. L'une d'elles a déclaré : « L'Église crée activement des obstacles au recueil des plaintes », tandis qu'une autre a expliqué : « Il n'existe aucune structure officielle pour traiter les cas d'abus ». De même, un-e autre victime/survivant a indiqué qu'aucun référent diocésain et aucune structure d'accompagnement n'étaient en place pour les victimes/survivants. La Commission est particulièrement préoccupée par ces constats, d'autant plus que Vos estis lux mundi exige de chaque diocèse une structure de signalement accessible et publique. La Section 1 de ce Rapport annuel met en lumière les manquements de certaines Églises locales à répondre à cette exigence, et recommande l'Initiative Memorare, centrée sur le renforcement des capacités, à toute Église qui voudrait bénéficier de ressources supplémentaires pour garantir des structures de signalement accessibles et visibles.
Politiques et formations en matière de sauvegarde dans tous les diocèses
Les victimes/survivants ont souligné l'importance des politiques de sauvegarde et des formations sur la sauvegarde, tout en insistant sur le fait que, dans certaines Églises locales, le protocole de sauvegarde n'est pas publié, ce qui empêche l'exercice pourtant fondamental de la responsabilité et de la transparence. L'une d'elles a indiqué avoir demandé à consulter ce protocole pendant plus de cinq ans, sans jamais y parvenir. Les victimes/survivants ont exprimé une inquiétude plus large : certaines politiques et procédures de sauvegarde n'existent que sur le plan formel et ne sont pas nécessairement mises en œuvre. Une autre victime/survivant a expliqué que les administrateurs laïcs de son diocèse n'avaient aucune connaissance de ces protocoles de sauvegarde, ce qui soulève de graves questions sur l'inculturation réelle de ces politiques. Une autre a souligné que la formation liée à ces lignes directrices était perçue comme un exercice purement administratif, une simple case à cocher, sans véritable engagement. Les victimes/survivants ont souvent formulé ces préoccupations comme relevant d'un abus et d'une complicité structurels, et non uniquement individuels, qui doivent être reconnus et traités comme tels. L'ensemble de ces constats rejoint les préoccupations de la Commission, telles qu'exprimées dans les Sections 1 et 2, concernant la mise en œuvre effective des lignes directrices locales en matière de sauvegarde.
Collaboration avec les autorités civiles ou d'autres instances indépendantes de la hiérarchie ecclésiale
Les victimes/survivants ont souligné l'importance d'enquêtes et de mécanismes de signalement indépendants de la hiérarchie de l'Église. Cela inclut la nécessité d'une coopération et d'une collaboration effectives avec les autorités civiles. L'une d'elles a expliqué que les responsables ecclésiaux étaient souvent en situation de conflit d'intérêts. Une autre a précisé que les amitiés et les relations personnelles entre membres du clergé contribuaient à entretenir ces conflits d'intérêts. La Commission reconnaît la nécessité d'un système de signalement et d'enquête digne de confiance, et insiste régulièrement sur l'importance d'impliquer des experts laïcs qui ne relèvent pas de la hiérarchie ecclésiale. Elle recommande également, de manière constante, la mise en place d'un mécanisme d'audit externe afin de garantir un examen indépendant de l'ensemble du dispositif de sauvegarde de l'Église. Enfin, la Commission préconise une collaboration définie et transparente avec les autorités civiles, afin que les victimes/survivants puissent poursuivre leur quête de justice par la voie civile, si tel est leur souhait
Collaboration avec les victimes/survivants et leurs groupes de défense
Les victimes/survivants ont souligné la nécessité pour les responsables de l'Église de collaborer davantage avec les victimes/survivants et leurs groupes de défense dans l'élaboration des politiques ecclésiales. Comme l'a expliqué l'une de ces personnes, la communauté des victimes/survivants se sent souvent exclue des efforts de sauvegarde mis en place dans l'Église locale, alors même qu'elle possède une expérience vécue qui pourrait éclairer la formulation des politiques de l'Église concernant les abus. La Commission reconnaît la richesse des enseignements que peuvent apporter les victimes/survivants aux efforts de l'Église en matière de sauvegarde, et elle recommande d'associer systématiquement les victimes/survivants à l'élaboration des politiques par les Églises locales mentionnées dans la Section 1 de ce Rapport annuel. La Commission salue les Églises et les congrégations religieuses qui donnent l'exemple de telles collaborations.
Résistance aux réformes en matière de sauvegarde
De nombreuses victimes/survivants évoquent une forte résistance aux réformes en matière de sauvegarde dans leurs Églises locales. Cette remarque est parlante à cet égard : « L'Église a réussi à standardiser le dogme et la liturgie dans le monde entier ; pourquoi a-t-elle échoué à standardiser ses politiques de réponse aux abus ? ». Les victimes/survivants ont également expliqué que cette résistance entraînait des incohérences entre les diocèses, lesquelles créent des failles permettant à des auteurs d'abus d'échapper à toute responsabilité. Comme l'a noté une victime/survivant : « Le manque de cohérence entre diocèses permet aux agresseurs de se déplacer sans être repérés. » La Commission s'emploie à identifier et traiter ces incohérences au sein des différentes Églises locales lorsqu'elle les constate, et met particulièrement en lumière les tendances régionales en ce sens dans la Section 2 du Rapport annuel.
Représailles de la part de responsables ecclésiaux à l'encontre des victimes/survivants
Les victimes/survivants ont fait part de témoignages troublants de représailles exercées par des responsables de l'Église à l'encontre de celles et ceux ayant dénoncé les abus qu'ils et elles ont subis. Une victime a raconté : « Mon frère était séminariste. L'évêque a dit à ma famille que ma plainte pouvait compromettre son ordination. » Une autre a témoigné qu'un prêtre de l'Église locale avait publiquement déclaré leur famille excommuniée après qu'elle a signalé les faits. Une autre encore a raconté : « J'ai signalé mon cas, et l'évêque est resté silencieux pendant des mois. Quand j'ai insisté, il a envoyé des représentants pour me manipuler, affirmant que je créais des problèmes. » La Commission reconnaît que les victimes/survivants et leurs défenseurs peuvent être exposés à des discriminations, des conséquences professionnelles et une exclusion sociale, entre autres formes de représailles. Elle attire l'attention sur ces risques dans la Section 2 de ce Rapport annuel. Par ailleurs, la Commission recommande fréquemment la mise en place de politiques de protection des lanceurs d'alerte dans les Églises locales mentionnées en Section 1, et salue celles qui ont déjà publié une politique de protection des lanceurs d'alerte.
Stigmatisation, exclusion et rejet de la faute sur les victimes : l'entretien d'une culture du silence
Les victimes/survivants ont témoigné de l'existence d'une culture du silence, entretenue par le rejet de la faute sur les victimes et par des stigmatisations qui empêchent les personnes concernées de signaler les abus. L'une d'elles a déclaré : « Lorsque j'ai parlé, ma propre paroisse s'est retournée contre moi. Des gens disaient que je voulais nuire à la réputation du prêtre. » Les victimes/survivants ont régulièrement expliqué qu'au lieu de les reconnaître comme victimes d'un crime, on les accusait d'avoir tenté les prêtres. Face au rejet de la communauté, une victime/survivant a affirmé : « Les paroissiens ne devraient pas juger les victimes/survivants, mais plutôt participer activement à rendre l'Église plus sûre. » Et comme l'a expliqué une autre : « De nombreuses victimes cessent de chercher de l'aide quand leur premier témoignage est accueilli par le blâme. » La Commission reconnaît ces pratiques culturelles injustes et exprime, dans la Section 2 du présent Rapport annuel, une vive préoccupation quant à leurs effets destructeurs. Elle relève également ces pratiques préoccupantes dans certaines Églises locales mentionnées dans la Section 1.
Un fardeau invisible, souvent porté en silence au sein des autres fidèles
Les victimes/survivants ont fréquemment témoigné que l'Église semblait donner la priorité à la protection des auteurs d'abus plutôt qu'à celle des victimes, les laissant seules face aux conséquences des agressions subies. Comme le dit explicitement un témoignage : « Les survivants sont laissés seuls face à leur traumatisme. » Une autre victime/survivant a expliqué : « Je n'ai jamais demandé d'aide à personne. J'ai essayé de vivre avec cela, seul-e ». Une autre encore a affirmé : « Une Église qui ne prépare pas ses membres à la question des abus sexuels, que ce soit dans l'Église ou dans tout autre cadre social, est une Église qui échoue dans sa mission de protéger les plus vulnérables ». Plusieurs victimes/survivants ont proposé des pistes concrètes pour lutter contre ce manque de sensibilisation, dont le fait d'aborder la question des abus dans les homélies et lors de la préparation aux sacrements. La Commission reconnaît le profond isolement que vivent souvent les victimes/survivants dans la gestion de leur traumatisme, et elle réfléchit, dans la Section 2 de ce Rapport annuel, aux conséquences de l'absence de sensibilisation au sein de la communauté ecclésiale, qui laisse les victimes souffrir en silence.
Manque de respect de la confidentialité
Les victimes/survivants ont rapporté que certaines Églises locales avaient traité leurs cas sans respect de la confidentialité. L'une d'elles a expliqué que les abus qu'elle avait subis étaient devenus largement connus dans son diocèse sans son consentement. Elle a ajouté que, au lieu de le protéger, les prêtres et les membres de l'Église discutaient ouvertement de son cas, portant atteinte à sa vie privée. Une autre victime/survivant a témoigné que des responsables de l'Église avaient divulgué des plaintes, exposant ainsi les victimes/survivants à la stigmatisation et à la discrimination. Une autre a affirmé : « Les responsables de l'Église doivent faire respecter une stricte confidentialité pour protéger les survivants ». La Commission reconnaît qu'une violation de la confidentialité peut être préjudiciable, voire dangereuse, pour les victimes/survivants, et attire particulièrement l'attention sur ce point dans la Section 2 de ce rapport. La confidentialité est essentielle au respect des lois morales et civiles.
Cas d'absence de réaction sur des abus en cours
Les victimes/survivants ont signalé des cas d'abus toujours en cours dans leurs communautés ecclésiales et restés sans réponse. L'une d'elles a dit avoir connaissance de prêtres entretenant des relations sexuelles avec de jeunes filles et des religieuses. Une autre a expliqué : « Les cas d'avortements forcés chez les religieuses sont ignorés par les autorités ecclésiales ». Une autre encore a confié : « Chaque fois que j'entends parler d'un nouveau cas, je me dis : ça ne finira donc jamais ? ». La Commission exprime une profonde inquiétude face à ces situations et rappelle régulièrement aux responsables ecclésiaux leur responsabilité, légale et morale, de traiter pleinement ces affaires, conformément aux normes canoniques et civiles applicables. Le Groupe d'étude sur la vulnérabilité de la Commission a également entamé des travaux visant à explorer davantage le concept de vulnérabilité, contribuant ainsi au développement de la compréhension ecclésiale des adultes vulnérables. Dans la Section 1, la Commission renvoie régulièrement les Églises locales aux conclusions de ce Groupe d'étude.
Obstacles supplémentaires pour les communautés marginalisées
Les victimes/survivants ont expliqué que les communautés marginalisées rencontraient souvent des obstacles supplémentaires ; il est plus difficile pour elles de signaler les abus et d'obtenir un traitement approprié de leur cas. L'une d'elles a cité la forte culture patriarcale de son Église locale, qui empêche les femmes et les filles de s'exprimer. Une autre a déclaré : « Les autorités du séminaire ne se sont intéressées qu'à mon orientation sexuelle, pas aux abus que j'avais subis de la part de mon formateur et d'autres séminaristes ». La Commission est consciente que des facteurs sociaux aggravants augmentent le risque d'abus et de violence fondés sur le genre et entravent le traitement approprié des plaintes. Elle souligne particulièrement, dans la Section 2 du rapport, que la politisation et la polarisation des questions liées au genre compromettent les avancées, pourtant urgentes, en matière de sauvegarde et de dialogue.
Lenteur dans l'administration de la justice
Les victimes/survivants ont déploré la lenteur dans l'administration de la justice via les mesures disciplinaires internes à l'Église. La Commission partage de longue date cette préoccupation, notamment dans la Section 3 de son Rapport annuel pilote (année de référence 2023). Dans la Section 1 du présent Rapport annuel, la Commission note que de nombreux évêques partagent également cette préoccupation, surtout dans un contexte où ils doivent relever des défis majeurs et développer des procédures plus efficaces pour traiter les questions disciplinaires au sein de l'Église.
Manque d'ouverture de la Curie romaine envers les victimes/survivants
Les victimes/survivants perçoivent souvent la Curie romaine comme peu sensible à leur égard. Pour contrer cette tendance, l'une d'elles a suggéré : « Lorsque Rome demande des rapports aux diocèses, elle devrait y intégrer la perspective des victimes/survivants, et non uniquement les récits institutionnels ». La Commission prend dûment acte de cette préoccupation. Conformément à sa nature propre, elle considère que son mandat s'étend à la promotion de processus et de procédures davantage centrés sur les victimes/survivants et intégrant leurs apports spécifiques. La Commission documente cette prise en compte dans la Section 3 du Rapport annuel.
Modifications spécifiques apportées à la lumière du Groupe de discussion RA
Après un examen attentif des commentaires formulés par les victimes/survivants à propos de ce Rapport annuel, la Commission a apporté diverses modifications et améliorations au texte. En effet, l'apport des victimes/survivants a permis d'identifier plusieurs points clés où le texte pouvait mieux refléter les enjeux importants à leurs yeux, et ainsi centrer davantage l'analyse sur leur expérience vécue et leurs perspectives.
Informations complémentaires
Commission pontificale pour la protection des mineurs
- https://www.tutelaminorum.org/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Commission_pontificale_pour_la_protection_des_mineurs
- https://www.la-croix.com/religion/abus-le-vatican-salue-des-progres-inegaux-dans-l-eglise-mondiale-20251016
- https://www.lefigaro.fr/actualite-france/mgr-thibault-verny-la-lutte-contre-les-abus-sexuels-n-est-pas-un-dossier-secondaire-au-vatican-20251016
- https://www.tutelaminorum.org/annual-report/
Présentation
Créée en 2014 par François, la Commission pontificale pour la protection des mineurs est un organe consultatif du Saint-Siège chargé de promouvoir la prévention des abus et d'accompagner les Églises locales. Ses débuts ont été mouvementés : critiques sur son manque de pouvoir, départs de membres…
Ses travaux ont été relancés par l'adoption d'une méthodologie d'audit mondiale et la création du Fonds Memorare, un programme de solidarité destiné à financer la mise en place de structures de protection dans les diocèses plus pauvres du Sud global.
— La Croix
La commission a connu deux démissions retentissantes : celle de l'Irlandaise Marie Collins, en 2017 et celle du jésuite allemand Hans Zollner, en 2023 🡵.
Rapports annuels 🡵
- Publié en 2024, au sujet de l'année 2023
- Publié en 2025, au sujet de l'année 2024
Présidents
- Cardinal Sean O'Malley (2014-2025)
- Mgr Thibault Verny (depuis 2025)