Affaire Bétharram : la congrégation confirme l'indemnisation des victimes de personnels religieux comme laïcs

Depuis que les bétharramites ont reconnu leur « responsabilité » dans ces violences perpétrées durant plusieurs décennies, seules les victimes de violences sexuelles commises par des religieux ont pu obtenir des réparations, c'est-à-dire des indemnisations financières. Une vingtaine d'entre elles ont ainsi vu leur dossier traité par la Commission Reconnaissance et réparation, une institution créée en 2021 à la suite de la publication du rapport Sauvé, du nom de l'ancien vice-président du Conseil d'Etat chargé de l'enquête Jean-Marc Sauvé, sur les violences sexuelles dans l'Église. Elles ont reçu 35 000 euros en moyenne. Une vingtaine d'autres attendent que leur dossier soit traité.

Cette solution laissait de côté les victimes de violences sexuelles commises par des laïcs employés dans les établissements de la congrégation, surveillants en premier lieu, mais aussi les victimes de violences physiques parfois extrêmes. Les pères de Bétharram s'étaient pourtant engagés, en mars, à assumer leurs responsabilités envers toutes les victimes.

« Faire la différence entre les victimes de Pierre Silviet-Carricart [religieux et ancien directeur de Notre-Dame-de-Bétharram, visé par des plaintes pour viol et qui s'est suicidé en 2000] et celles de Damien Saget [ancien surveillant, visé par 19 plaintes pour viols et agressions sexuelles] n'a aucun sens. Les traumatismes sont les mêmes », appuie Jean-Pierre Massias, président de la commission indépendante sur les violences commises à Notre-Dame-de-Bétharram.

C'est la congrégation de Bétharram elle-même qui, en mars, avait confié les rênes de cette commission indépendante à l'Institut francophone pour la justice et la démocratie, une organisation bayonnaise spécialisée dans la justice transitionnelle, dirigée par le professeur de droit public Jean-Pierre Massias, un habitué des missions en Afrique ou dans l'espace post-soviétique.

La commission, à laquelle participent des membres de la congrégation et des collectifs de victimes, a rapidement préconisé de permettre aux victimes de violences commises par des laïcs de s'adresser, elles aussi, à la Commission Reconnaissance et réparation, un cas de figure encore exceptionnel dans le fonctionnement de cette institution.

Tout en donnant un accord de principe, la congrégation a traîné des pieds. Elle a repoussé plusieurs fois l'officialisation publique de ce mécanisme, et n'a pas pris les initiatives nécessaires à son financement. « Jusqu'à hier, rien n'était validé », confie Jean-Pierre Massias en recevant Le Monde à Bayonne, vendredi 10 octobre, en évoquant des « discussions tendues ».

L'accord devait finalement être rendu public lundi 13 octobre, ouvrant la possibilité pour les personnes victimes de laïcs (une cinquantaine se sont déclarées à ce jour) de se tourner immédiatement vers la commission indépendante puis vers la Commission Reconnaissance et réparation, avec de premières indemnisations attendues début 2026. Dans une réponse écrite aux questions du Monde, Simone Panzeri, vicaire régional de la congrégation de Bétharram (soit son chef pour la zone Europe-Afrique), confirme cet engagement, et évoque « un pas en continuité avec les choix faits jusqu'à présent par la congrégation ».

Il aura donc fallu « un long exercice de persuasion » pour accélérer le calendrier, poursuit Jean-Pierre Massias – euphémisme derrière lequel se dissimule un véritable ultimatum lancé ces derniers jours par la commission indépendante, qui a menacé de stopper ses travaux et de rendre public le désaccord. « Les victimes ne pouvaient plus attendre, justifie Jean-Pierre Massias. Pour certaines, c'est urgent et vital : il y a une grande détresse morale face à une situation qui paraissait bloquée, après l'agitation médiatique des premiers mois. Et le traitement différencié crée un sentiment d'injustice et d'incompréhension, accroissant les tensions déjà existantes entre victimes. »

Le nœud du problème est financier. Les bétharramites pourraient être amenés à débourser quelque 3 millions d'euros pour indemniser les victimes de violences sexuelles – commises par des religieux aussi bien que des laïcs. Or, la commission indépendante a mené un audit du patrimoine de la congrégation, qui s'établit à environ 5 millions d'euros. Il s'agit pour l'essentiel de biens immobiliers, dont une bonne moitié sont difficilement vendables, à commencer par la partie aujourd'hui inoccupée du site de Bétharram.

Le Monde

Alain Esquerre réclame un accompagnement des victimes

La congrégation des pères de Bétharram annonce qu'elle va indemniser toutes les victimes, des religieux comme des laïcs. Est-ce une avancée décisive ?

Alain Esquerre : C'est ce qui était prévu. Depuis le 4 mars 2025, ils [la congrégation, NDLR] ont reconnu leur responsabilité, et rien n'a été fait jusqu'à présent. Ils ne veulent pas bourse délier et ils jouent la montre, encore. Mais ils ne vont pas s'en tirer avec un chèque !

[…]

Que demandez-vous ?

Alain Esquerre : Il ne faut pas réduire cette histoire à une question financière, il faut pouvoir accompagner les victimes sur le plan personnel et psychologique. Il faut se mettre à la place des victimes, pour qui toutes ces démarches sont de nouveaux traumas.

Ouest France

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