Cardinal Jean-Marc Aveline : sa gestion controversée dans quatre dossiers d'abus

L'enquête de Paris Match évoque quatre affaires distinctes s'étalant sur plusieurs décennies, de nature et de gravité très différentes, dans lesquelles la responsabilité du Cardinal Jean-Marc Aveline est plus ou moins directe. Et qui, mises bout à bout, voudraient démontrer un climat d'omerta et de minimisation autour de ces affaires. Certains éléments factuels demeurent incomplets, d'autres font l'objet de versions contradictoires entre l'hebdomadaire et le diocèse 🡵.

Pour répondre à cette enquête, le diocèse de Marseille a publié un communiqué 🡵 relayé sur le site internet de la conférence des évêques de France 🡵.

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Le père Xavier Manzano, vicaire général du diocèse de Marseille

Le père Xavier Manzano a manifestement eu une relation non ajustée avec un père de famille en instance de divorce et ses enfants 🡵.

Vacances passées ensemble et avec les enfants, garde régulière de ces derniers, participation aux tâches domestiques dans le foyer Louis Martin… L'attache entre les deux hommes semble même suffisamment ancrée pour que le prêtre s'autorise à signer un recommandé à sa place. « Le père Manzano s'était installé la moitié du temps au domicile de l'époux, et les enfants dormaient régulièrement chez lui, à l'archevêché », déclare un intime du couple. Selon le rapport du père Lalanne, « plusieurs témoins ont manifesté leur étonnement et leur scandale » devant cette situation incongrue et inappropriée. À Paris Match, Xavier Manzano affirme avoir logé chez Louis Martin « en toute amitié » et invité ses enfants « avec leur père, quand ils demandaient à me voir ». Il ajoute: « Personne ne m'a jamais dit directement être scandalisé. Quant aux témoins auxquels il est fait allusion, je pense qu'il s'agit surtout de certains amis de Mme Martin. »

Paris Match

Dans la mesure où il n'y a pas eu de violences sexuelles ni même de gestes équivoques ou ambigus de nature sexuelle à l'égard des membres de cette famille, le diocèse de Marseille n'a pas remis en question l'attitude du prêtre dans son communiqué 🡵 (ce que l'on peut déplorer).

On ne peut que déplorer que soit mêlée aux situations précédentes, qui relèvent du domaine des abus et des violences sexuelles, une mise en cause du Père Manzano. Il n'a jamais été question en ce qui le concerne de violences sexuelles ni même de gestes équivoques ou ambigus de nature sexuelle à l'égard des membres de cette famille. Insinuer le contraire est profondément injuste et inacceptable. Les personnes concernées l'ont, d'ailleurs, formellement démenti.

Dans le cadre d'une procédure de divorce dans les années 2010, l'épouse reprochait au Père Manzano, jusqu'alors ami du couple, d'avoir pris fait et cause pour son mari et de s'être trop impliqué dans la vie de cette famille, en cultivant des liens forts avec le mari et les enfants du couple. Les enfants désormais adultes ont témoigné par écrit, n'avoir absolument rien à reprocher au Père Manzano et lui ont au contraire manifesté leur reconnaissance.

Diocèse de Marseille

Cependant, il semble probable que Mgr Aveline aurait pu trouver un vicaire général qui n'ait pas été mis en cause pour une relation non ajustée afin de mieux respecter le code de droit canonique :

§1. Le Vicaire général et le Vicaire épiscopal seront prêtres, âgés d'au moins trente ans, docteurs ou licenciés en droit canonique ou en théologie, ou du moins vraiment compétents dans ces disciplines, recommandables par leur saine doctrine, leur vertu, leur prudence et leur expérience dans la conduite des affaires.

§2. La fonction de Vicaire général et de Vicaire épiscopal ne peut être cumulée avec celle de chanoine pénitencier, ni confiée à des consanguins de l'Évêque jusqu'au quatrième degré.

Canon N° 478 - Code de Droit Canonique CIC/1983

Le séminaire saint Luc et le père Christophe de Dreuille

Le séminaire Saint-Luc se situe dans le diocèse d'Aix et Arles. Mgr Aveline, en tant qu'archevêque de Marseille, n'en est donc pas directement responsable. Cependant, dans la mesure où il se trouve à la tête de la province ecclésiastique de Marseille, l'évêque d'Aix et Arles est sous son autorité. De plus, le séminaire formant des séminaristes du diocèse de Marseille, il ne peut se désintéresser de ce qui s'y passe.

Dans l'article de Paris Match, deux personnes de l'équipe du séminaire Saint-Luc sont mises en cause 🡵 :

  • « Un encadrant » pour des gestes déplacés ;
  • Le père Christophe de Dreuille, qui a été supérieur du séminaire Saint-Luc, est accusé d'agression sexuelle. Une plainte (classée sans suite faute de preuve) a été déposée contre lui.

« Ils ne forment pas, ils cassent », témoigne un ancien séminariste devenu prêtre, qui confie avoir subi alors « harcèlement et agression sexuelle » de la part d'un encadrant. « Au cours d'un entretien, il s'est mis à genoux, m'a caressé puis a tenté de m'étreindre avant que je le repousse », raconte-t-il aujourd'hui. Mise au courant, sa hiérarchie n'a jamais tenu compte de ce qui s'était passé. Le formateur est resté en place comme si de rien n'était. Ce cas n'est pas isolé. Valérie S. a également été victime d'abus. Elle accuse le père Christophe de Dreuille, alors recteur de l'institution. L'accompagnement spirituel, confie celle qui n'avait à l'époque pour seule ressource qu'un maigre dédommagement de 250 euros et qui était logée gratuitement au séminaire, a rapidement dérivé vers une relation toxique. De Dreuille multiplie les sollicitations de rendez-vous, met en place des confessions de plus de sept heures pour la pousser à révéler des pans entiers de sa vie, y compris les plus intimes. C'est au cours de ces rencontres incessantes, selon elle, qu'il se serait livré à des attouchements. Dans la plainte qu'elle déposera plus tard, on peut lire: « Elle a souvent senti lorsqu'il la tenait serrée contre lui qu'il était en érection, cela se voyait à travers son pantalon, parfois même en public, à la chapelle du séminaire. » « Il dépassait tous les cadres », explique Valérie S., dénonçant « le sentiment d'impunité totale lié à ses fonctions de directeur ».

Paris Match

Dans le communiqué du diocèse, il n'est pas fait mention des attouchements qui auraient été commis par le père Christophe de Dreuille sur Valérie S., une enseignante du séminaire logée sur place. De plus, le diocèse pointe explicitement la responsabilité des archevêques successifs : Mgr Christophe Dufour et Mgr Christian Delarbre.

Le Cardinal n'a jamais reçu, de la part de séminaristes en formation au séminaire diocésain d'Aix-en-Provence, de plaintes pour agressions sexuelles qui auraient été commises par l'un de leurs formateurs du séminaire d'Aix. Il n'a pas eu non plus connaissance d'une situation d'abus commise par un des formateurs du séminaire d'Aix, dont un des prêtres du diocèse de Marseille aurait été victime. Le Cardinal redit sa disponibilité pour recevoir toute personne qui aurait été victime de tels actes.

L'ancien supérieur dont il est question dans l'article est prêtre du diocèse d'Aix-et-Arles, ce sont donc les archevêques successifs d'Aix-et-Arles qui ont pris les décisions concernant cette situation.

Diocèse de Marseille

Le père Charles Sighieri

En 2019, Mgr Jean-Marc Aveline, adresse un signalement au procureur de la République. Il était là muni de trois récits d'agressions sexuelles subies par trois séminaristes pour des faits courant de 2003 à 2019 🡵. Il suspend le père Charles Sighieri en janvier 2020, mais sans fournir d'explication dans sa paroisse : « Un jour, il a disparu, on n'a pas compris pourquoi », opine une laïque. Ici, on a évoqué une « raison de santé », là un « burn out. Dans l'Église c'est souvent ce qu'on dit pour ne pas dire autre chose », murmure un autre 🡵.

Le père sera condamné en mai 2023, pour agressions sexuelles « par personne abusant de l'autorité que lui confère sa fonction » de prêtre sur de jeunes séminaristes : deux ans de prison avec un sursis probatoire de trois ans, obligation de soins, interdiction durant dix ans de toute activité professionnelle ou bénévole auprès de mineurs : il est aussi désormais inscrit au fichier des délinquants sexuels 🡵.

Cependant, il faudra attendre le mois de novembre, alors que la presse va publier un article, pour que le diocèse communique enfin 🡵. Pour légitimer ce retard de communication, le diocèse invoque les préparatifs de la venue du pape François en septembre 2023 : « Nous avions reçu les conclusions à ce moment-là, mais il se passait alors un certain nombre de choses à Marseille », relate le père Brunet.

Mgr Aveline est également accusé d'avoir reçu une confidence au sujet des agressions du père Sighieri, le jour de son ordination épiscopale en 2014. Accusation qui aurait été ignorée jusqu'en 2019 🡵. Le communiqué du diocèse apporte la réponse suivante, qui semble suggérer que Mgr Aveline n'a jamais reçu les confidences dont il est question : « Si le Cardinal Aveline avait reçu, au milieu des festivités de son ordination comme évêque auxiliaire […] une information à propos d'agissements du P. Sighieri, il aurait sans aucun doute proposé à la personne, selon son habitude, de prendre rendez-vous » 🡵.

Le père Jean-Pierre Hours

En 2020, Mgr Jean-Marc Aveline a connaissance par son vicaire général, le père Xavier Manzano, des aveux filmés du père Jean-Pierre Hours accusé d'agressions sexuelle et de viol. Cependant, il ne fait que transmettre le dossier aux Oblats de Marie-Immaculée auxquels appartient le père Hours. Ce dernier reste ainsi au contact de jeunes adultes du diocèse de Marseille jusqu'en 2023 au sein de la résidence d'étudiants Ricard-Digne 🡵 🡵.

De plus, selon l'article de Paris Match, le cardinal Aveline aurait contacté une victime (Yacine) six mois après avoir pris connaissance des aveux filmés du père Jean-Pierre Hours, et lui aurait demandé de ne surtout pas faire de vagues. Dans le communiqué du diocèse de Marseille, « le Cardinal Aveline dément formellement avoir contacté la personne nommée Yacine dans l'article et avoir tenu les propos rapportés » 🡵.

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