La bibliomancie : une vidéo de Sylvaine Lacout

Dans le cadre du MOOC Ouvrir la Bible dont nous avons déjà parlé sur ce blog, Sylvaine Lacout (de la communauté des Béatitudes) aborde le thème de la « bibliomancie », cette pratique qui consiste à ouvrir la bible en apparence « au hasard » pour recevoir une parole donnée et reçue sous la conduite de l'Esprit Saint.

Il est difficile de produire un discours équilibré à ce sujet. D'un côté, il y a des attestations très solides de l'utilisation de cette pratique avec saint Augustin ou saint François. D'un autre, l'emploi de cette démarche dans certaines assemblées de prière doit nous interroger, tant pour la manière d'exercer cette pratique (qui a été utilisée largement de manière manipulatoire) que pour son recours parfois systématique, bien loin de l'usage qu'ont pu en faire saint Augustin ou saint François.

En tant qu'exégète, Sylvaine Lacout s'interroge sur la manière (mais n'aborde pas le sens de la fréquence de son recours). Elle nous invite à nous détourner de tout fondamentalisme recevant une phrase sans prise de recul et au pied de la lettre. Elle nous invite également à faire attention à l'utilisation qui peut être faite d'une phrase tirée de la bible dont l'interprétation peut se trouver confisquée par une personne mal intentionnée.

Au contraire, elle insiste sur la nécessité d'une distance critique dans la réception d'une phrase tirée de la bible afin que celle-ci soit parole de Dieu. Elle nous rappelle l'exigence de convoquer la pensée pour resituer la phrase dans son contexte selon une approche exégétique… ce qui, il faut le reconnaître, n'est que très rarement fait dans les assemblées de prière.

[2:30] La parole de Dieu est largement convoquée dans les assemblées charismatiques. Elle est citée spontanément ou tirée de la Bible lors de la prière des frères par exemple. Elle est présente dans l'expression de certains charismes comme le charisme de prophétie ou le charisme de science. Les prières de guérison ou les prières de délivrance s'appuient aussi sur elle. L'utilisation de la parole dans ces assemblées, souvent sorties de son contexte littéraire, soumise à une approche de type fondamentaliste, tirée au hasard comme on dit, d'une façon quasi magique, ce que certains appellent la fameuse Bibliomancie, n'est pas sans poser la question de son instrumentalisation. Le document de la commission biblique pontificale de 1994 de l'interprétation de la Bible dans l'église dira que : « Le fondamentalisme invite sans le dire à une forme de suicide de la pensée. Il met dans la vie une fausse certitude, car il confond inconsciemment les limitations humaines du message biblique avec la substance divine de ce message ».

[3:36] Toutes ces pratiques que nous venons d'énoncer ne sont pas en soi mauvaises. Pier pour ses frères fait partie de la nature propre, de la vocation du chrétien, de son identité même. Il existe néanmoins un certain nombre d'écueils à éviter en particulier dans l'utilisation de la parole. En effet, certains cas récents tendent à montrer que l'instrumentalisation de la parole peut conduire à des abus, dans le cas des abus spirituels, pouvant d'ailleurs conduire aussi à des abus sexuels grâce à des techniques de manipulation mentale comme l'autosuggestion, la persuasion coercitive, le chantage affectif.

— Vidéo Youtube - Ouvrir la Bible - les risques de la Bibliomancie - Sylvaine Lacout

Dans son ensemble, cette intervention adresse une mise en garde claire contre la réception d'une phrase de la bible comme un « prêt à penser », accueilli sans convoquer ni l'intelligence, ni la réflexion exégétique. Sylvaine Lacout se place ainsi dans la droite ligne des vidéos précédentes présentées par le père Lefebvre.

On regrettera cependant que Sylvaine Lacout ne parle spécifiquement de la bibliomancie que durant quelques dizaines de secondes. On ne peut donc que souhaiter que la réflexion se poursuive pour approfondir ce sujet !

Remarque : le site Internet SOS Discernement propose un très bon article intitulé Tirer une parole, ouvrir sa Bible au hasard ? Pour une juste pratique qui pourra être consulté avec profit.