L'Église face à l'épineuse question des prêtres condamnés

Aujourd'hui, les tentatives de réhabilitation, après la peine, se font au cas par cas. Mais cet empirisme a trois inconvénients majeurs. Laisser les évêques seuls face au « dilemme du père » dont un fils commet le mal sur un autre. Laisser les fidèles dans l'incompréhension du système des peines encourues en fonction des délits commis. Enfin, laisser la société dans le flou face à une Église sans principe d'action identifié sur ce sujet, alors même que sur d'autres, famille, éducation, environnement, etc., elle sait être claire.

La Croix

« Ce ne peut être que du cas par cas », analyse Alain Christnacht, à la tête de la commission interdisciplinaire chargée de conseiller les évêques sur le devenir des prêtres auteurs de violences sexuelles. Car derrière l'étiquette de prêtre abuseur se cachent des profils psychologiques et criminologiques très différents.

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Pour le prêtre de la Mission de France interrogé par La Croix, l'Église pourrait inventer de nouvelles formes de ministère dit « de l'ombre », permettant à ces hommes consacrés de continuer à exprimer « l'offrande de leur vie ». Les exemples existent déjà, de manière informelle, détaille-t-il. Comme ce clerc condamné qui fait du portage de repas, embauché par une structure de services à la personne. « Il célèbre de manière privée le matin. Il a son salaire. La proximité avec les personnes âgées qu'il rencontre l'aide dans son ministère. »

Une forme de sacerdoce exercé « de manière discrète, à l'image des prêtres-ouvriers ». « Il est possible d'être reconnu en retournant dans la vie civile, trouver un métier qui correspond à ses compétences, avec un ministère de prêtre qui se vit de manière discrète », résume-t-il. « Ils sont prêtres pour l'éternité, mais pas fonctionnaire du culte pour l'éternité », abonde Natalia Trouiller.

L'Église de France mesure l'ampleur du travail qui l'attend. Les évêques ne se sont pas encore emparés des recommandations du groupe de travail post-Ciase consacré à l'accompagnement des prêtres auteurs, rendues au printemps 2023. Elles pointaient des réflexions concernant directement l'exercice du discernement de l'évêque dans ces situations.

Comme le souligne le groupe de travail, l'évêque cumule avec le prêtre une « triple relation ambiguë : prêtre ami (frère), autorité d'accompagnement (père) et autorité disciplinaire (« patron »). D'où la recommandation centrale : « L'évêque ne peut pas être seul, en première ligne juge et partie. » Mais cette délégation nécessaire représente aussi un dessaisissement de son autorité traditionnelle. La commission animée par Alain Christnacht, chargée de conseiller les évêques sur ces dossiers délicats, reste sous-sollicitée, révélant les réticences épiscopales à prendre conseil sur ces questions auprès des laïcs.

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