Affaire Spina : les réactions se poursuivent

Réaction du collectif Voix Libérées

Le collectif Voix Libérées, qui rassemble des victimes d'abus sexuels dans l'Église, prend acte de la décision de l'archevêque de Toulouse de revenir sur la nomination de l'abbé Dominique Spina comme chancelier du diocèse. Cette décision, bien que tardive, était indispensable. Mais le communiqué publié à cette occasion soulève de profondes inquiétudes et appelle plusieurs remarques critiques.

Une équivalence insoutenable

L'archevêque dit demander pardon aux victimes, mais dans le même souffle il demande pardon à l'agresseur, qu'il « estime » et auquel il reconnaît ne pas avoir donné « la juste place à laquelle il a droit ».

Cette mise en parallèle est insupportable. On ne peut pas mettre sur le même plan la souffrance irréversible d'une victime de viol et la frustration d'un prêtre privé d'un poste de pouvoir. Cette équivalence constitue une nouvelle violence symbolique pour toutes les victimes : elle banalise leur douleur et réduit leur combat à une simple « opinion » dans un débat entre « pour » et « contre ».

Une justification théologique qui esquive le fond

Le communiqué se déploie dans un long discours sur la miséricorde, la réinsertion, le pardon biblique. Certes, l'Évangile appelle à la conversion des pécheurs, mais les comparaisons invoquées – Matthieu le collecteur d'impôts, Pierre le renégat, Paul le persécuteur – n'ont rien à voir avec la réalité des abus sexuels commis par des clercs sur des mineurs.

Mélanger ces figures évangéliques à la question des violences sexuelles, c'est risquer de minimiser la gravité de ces crimes et d'offrir une justification spirituelle à ce qui reste inacceptable : placer un prêtre condamné pour viol sur mineur à un poste de gouvernance diocésaine.

L'angle mort institutionnel

Dans ce communiqué, il n'y a aucune réflexion sur les défaillances institutionnelles qui ont permis qu'une telle décision soit prise.

Comment est-il encore possible, en 2025, que l'on envisage la nomination à une fonction clé de l'administration diocésaine d'un prêtre condamné pour crime sexuel ? Où sont les garde-fous, les procédures de vérification, la consultation préalable des victimes ?

Plutôt que de s'interroger sur « comment tenir ensemble justice et miséricorde », l'urgence était de se demander : comment éviter de reproduire une telle faute institutionnelle ?

Le piège de la « justice restaurative » détournée

L'archevêque invoque la « justice restaurative ». Mais il en donne une vision partielle, voire dévoyée.

La justice restaurative ne peut exister que si les victimes sont reconnues, écoutées, et consentent à un processus de rencontre. Elle ne peut pas être un slogan servant à légitimer la réhabilitation d'un auteur de crime sans la participation des survivants. Ici, le mot est instrumentalisé : il ne sert pas à réparer, mais à justifier une décision d'institution.

Un message désastreux aux victimes et à la société

En réduisant la colère et l'indignation suscitées par cette nomination à de simples « émotions », le communiqué minimise la légitimité de la révolte des victimes.

Il envoie un message très clair : les survivants doivent apprendre à dépasser leur blessure, à entrer dans une logique de pardon et de miséricorde, tandis que l'institution, elle, ne se remet pas sérieusement en cause.

Cela démontre une fois de plus que la parole de l'Église sur les abus est encore prise dans une tension insoluble : protéger son clergé ou reconnaître pleinement ses victimes. Et trop souvent, ce sont les victimes qui paient le prix du compromis.

Nous pouvons continuer à réaffirmer :

  • Aucun prêtre condamné pour des crimes sexuels ne devrait pouvoir occuper une fonction de gouvernement ou de représentation dans l'Église.
  • La miséricorde invoquée ne peut pas servir d'alibi pour banaliser des crimes. Elle ne peut avoir de sens que si elle s'accompagne d'un chemin clair de justice, de vérité et de prévention.
  • La réflexion sur « justice et miséricorde » ne peut pas se faire sans les victimes. Elles doivent être consultées, respectées, et placées au centre de toute démarche d'Église sur ce sujet.
  • Le retrait de cette nomination doit s'accompagner d'une réforme des procédures pour que jamais plus une telle décision ne puisse être envisagée.

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