Nomination de l'Abbé Spina : encore de nouvelles réactions

La miséricorde est sagesse de Dieu, elle ne fait jamais l'impasse sur les petits

Une Tribune d'Isabelle Chartier-Siben, Médecin et victimologue, présidente de l'association « C'est à dire » d'aide aux victimes d'abus

La question n'est pas du tout de savoir si l'on va être gentil ou méchant avec ce prêtre, la question qui est soulevée est de savoir s'il convient d'attribuer le poste de chancelier à cet homme.

Ainsi la réflexion de maître Gâté est juste sur un certain plan et elle vient toucher notre désir le plus profond d'un retour à l'harmonie originelle mais elle se heurte au mystère de l'incarnation et de la mort du Christ. Incarnés, nous devons veiller à ce que ces actes délictueux et criminels ne se reproduisent pas. Des êtres fragiles, des enfants ont leur vie qui a basculé dans l'enfer des traumas psychiques, des familles entières ont été détruites par l'horreur de ces actes.

Nous devons nous, Église du Christ, nous comporter en adultes responsables. Nous devons en premier lieu faire de la prévention une priorité, puis toujours progresser dans l'aide que nous pouvons apporter aux victimes, et accompagner de manière humaine et professionnelle les agresseurs ou potentiels agresseurs.

L'idée n'est certainement pas de favoriser une société victimaire ou uniformisée, sans foi en la grâce. Mais on ne peut pas prendre le risque d'une telle nomination au même titre que l'on ne peut rouler à 150km/h sur des petites routes de montagne même si l'on est bon conducteur et que l'on prie beaucoup. Et on le voit bien par les réactions suscitées, la nomination au poste de chancelier, poste à la visibilité évidente, ne correspond pas aux critères d'une décision respectueuse de tout un chacun.

Lorsque la puissance du désir, désir aussi bon soit-il, devient puissance plus forte que la réalité nous tombons automatiquement dans la démonstration abusive. Il y a ainsi dans l'article de Juliette Gaté un glissement entre le début auquel on adhère bien volontiers et la suite qui néglige les situations réelles. La miséricorde est sagesse de Dieu. Elle ne fait jamais l'impasse sur les petits et le salut de tous. Personne ne peut se l'approprier. Encore moins un évêque qui a la charge de l'ensemble des âmes de son diocèse.

La Croix

Malaise dans le diocèse de Toulouse : « La question des abus incite à changer d'échelle »

À la suite du communiqué de la Conférence des évêques de France demandant à Mgr Guy de Kerimel de revenir sur sa décision, le théologien Jean-François Chiron rappelle la souveraineté de l'évêque dans son diocèse et souligne le besoin de traiter les questions de violences sexuelles au niveau national.

L'évêque est-il tout-puissant dans son diocèse ?

Jean-François Chiron : Le principe, c'est que l'évêque est seul maître dans le gouvernement de son diocèse. Dans son motu proprio Apostolos suos de 1998, Jean-Paul II avait été très attentif à rappeler cette « souveraineté », sur laquelle les conférences épiscopales ne doivent pas empiéter. Ensuite, le pape peut intervenir partout dans l'Église en vertu de son pouvoir de juridiction mais, en pratique, c'est rarissime. Il peut aussi agir à travers le dicastère pour les évêques, mais ça ne se fait pas de manière publique et, de toute façon, Rome n'intervient pas « à chaud ». Le dicastère intervient ainsi en cas de défaillance morale de l'évêque ou de gestion financière problématique : certaines « démissions » s'expliquent ainsi.

[…]

Manque-t-il une instance dans l'Église pour gérer ce type de situation ?

Jean-François Chiron : Comment institutionnaliser des procédures incitatives vraiment efficaces, notamment entre évêques, tout en sachant qu'elles ne seront pas juridiquement contraignantes ? Un « comité de sages », à l'échelle nationale, composé d'évêques et de fidèles représentatifs, pourrait avoir un rôle à jouer.

Une évolution pourrait venir de la mise en œuvre d'une plus grande synodalité au niveau des diocèses. Aujourd'hui, l'évêque s'entoure d'un conseil épiscopal, mais celui-ci n'a guère d'existence juridique, alors qu'on sait bien que c'est là que se prennent les décisions.

Même si la décision continue à relever de l'évêque seul, une plus grande participation en amont serait bénéfique. Le conseil presbytéral, voire le conseil pastoral diocésain, où la diversité des points de vue est garantie par l'élection, pourrait être consulté lorsqu'une décision litigieuse est envisagée. Si ça avait été le cas, on n'en serait pas là à Toulouse.

La Croix

La réponse de l'association Parler et revivre à Juliette Gaté

Réponse de l'association Parler et Revivre à la tribune de Juliette Gaté : Abus dans l'Église, « certains actes paraissent désormais éternellement impardonnables », Juliette Gaté

Chaque verdict, chaque sanction, chaque geste de miséricorde doit d'abord mesurer les plaies durables, les cauchemars récurrents, la confiance fracassée que l'abus et les violences inscrivent dans la chair et l'âme des personnes victimes.

Oublier cela, c'est exiger d'elles un double tribut : subir le crime hier, pour aujourd'hui porter la charge morale de pardonner. Dans quel but ? Pour que l'auteur et l'institution retrouvent leur tranquillité ?

Nous l'affirmons : le pardon n'efface pas la mémoire.

[…]

Permettre le retour en société d'un ancien auteur de crime ne revient pas à effacer les faits commis. Cela ne revient pas non plus à sonner le tocsin de la mort sociale à l'égard de ce même auteur lorsque ce dernier a purgé sa peine suite à sa condamnation pénale.

Une réhabilitation sociale est possible mais elle ne peut ni ne doit être une promotion.

[…]

La souffrance première des personnes agressées semble être la grande absente du champ de vision de Maître Gaté, comme si cette souffrance n'était qu'un bruit de fond gênant face à sa quête de réhabilitation.

Peut-on vraiment parler de miséricorde quand on se refuse à nommer et à regarder d'abord la blessure en face ?

Parler et revivre

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