Mgr Delmas, en accord avec le père Joseph Renaud, lui retire toutes ses responsabilités diocésaines

La décision de Mgr Delmas

A la suite de la médiatisation des nominations du père Joseph Renaud, et dans le contexte du scandale provoqué par la nomination du père Dominique Spina par Mgr de Kerimel à Toulouse, Mgr Delmas, en accord avec le père Renaud, revient sur sa décision.

Interrogé par Mediapart, le diocèse d'Angers a en effet expliqué que Mgr Delmas a « d'un commun accord » avec Joseph Renaud décidé de lui retirer les différentes responsabilités diocésaines qu'il lui avait précédemment confié. Le prélat ne quitte pas seulement ses fonctions de délégué à la protection sociale du clergé, auxquelles il venait d'accéder, il renonce aussi à des charges plus anciennes qu'il exerçait depuis la fin de l'exécution de sa peine de deux ans de prison, dont quatre mois ferme.

D'après l'annuaire diocésain, le père Renaud cumulait par exemple, en 2025, les fonctions d'aumônier et de notaire (rédacteur des actes juridiques du diocèse). « Aucune de ces charges n'implique d'être en contact avec des mineurs », indique le diocèse, tout en expliquant que Mgr Delmas comme le père Renaud, âgé de 76 ans, ont tous les deux fini par prendre conscience que ces fonctions « pouvaient susciter une incompréhension et étaient susceptibles d'ajouter au trouble des fidèles ».

Mediapart

Quelques jours avant, mon interview pour Golias

Comment avez-vous réagi après avoir découvert que le diocèse d'Angers avait nommé un prêtre condamné pour détention et diffusion d'images pédopornographiques ? Que pensez-vous de cette nomination ? Quel lien voyez-vous entre cette affaire et celle de Dominique Spina à Toulouse ?

Avec la nomination du père Dominique Spina comme chancelier dans le diocèse de Toulouse, et de celle du père Joseph Renaud comme notaire dans le diocèse d'Angers, le parallèle est frappant. Les deux ont été condamnés : le premier pour viol sur mineurs, le second pour détention et partage d'images à caractère pédo-pornographique par voie électronique (et les enfants photographiés ont probablement été violés, même si ce n'est pas par le père Renaud). Les deux prêtres ont été « recasés » à l'officialité diocésaine. Pour moi, cela est scandaleux à plus d'un titre. D'abord, et comme l'a magnifiquement dit Mélanie Debrabant (Présidente de l'association Fraternité Victimes) dans une tribune de la Croix : « Comment accepter qu'un prêtre agresseur, même s'il a purgé sa peine, puisse être mieux traité qu'une victime ? » [1]. « on ne peut pas parler de la réinsertion des agresseurs sans avoir d'abord tout fait pour la réparation de leurs victimes. Ces prêtres sont logés, salariés, accompagnés, soutenus pour leurs frais juridiques et médicaux. Comment accepter qu'un prêtre agresseur, même s'il a purgé sa peine, puisse être mieux traité qu'une personne victime qui, elle, en paiera le prix toute sa vie ? ». Je trouve de plus qu'il y a un côté scandaleux à donner à un prêtre condamné un poste dans l'officialité diocésaine, qui doit garantir l'application du droit de l'Église. L'Eglise en est d'ailleurs pleinement consciente ; le canon 483 du code de droit canonique prévoit que « Le chancelier et les notaires doivent être de réputation intacte et au-dessus de tout soupçon ». Alors que faire ? Je suis convaincu qu'il n'est plus possible d'exercer un ministère comme prêtre quand des crimes ou délits graves ont été commis. Quel que soit son ministère, le prêtre est considéré comme une personne de confiance. Cela ne veut pas dire qu'il est irréprochable, bien entendu ! Mais certains crimes et délits rompent le lien de confiance avec le peuple de Dieu. C'est bien évidemment le cas des viols sur mineurs, ou de la détention et du partage d'images à caractère pédo-pornographique, pour reprendre la situation des pères Spina et Renaud. D'une certaine manière, c'est un peu comme un banquier qui détournerait l'argent d'une banque. Quel que soit son repentir, la confiance est rompue, et personne ne souhaitera lui confier les économies d'une vie à l'avenir ! Pour le cas des prêtres, on entend parfois qu'il serait mieux qu'ils restent dans un ministère où ils puissent être encadrés, voire surveillés. Mais quel évêque, quel curé peut prétendre encadrer ou surveiller un prêtre 24 heures sur 24 ? Comme le résumait Mgr Jacques Blaquart lors du procès du père Olivier de Scitivaux à propos de son pouvoir pour faire respecter ses mesures disciplinaires : « Je n'en ai pas beaucoup, l'évêque n'est pas un général » [2]. La question reste donc entière : que faire ? Pour moi, il faut commencer par protéger (un peu) les communautés chrétiennes en publiant les sanctions. Cela n'est pas une solution miracle, mais cela complexifie la récidive. Et c'est déjà un moyen simple, et certainement plus efficace que de prétendre surveiller un prêtre alors que personne n'en a les moyens dans l'Église. Cette mesure n'est bien entendu pas exclusive d'une meilleure proposition d'accompagnement des victimes, bien au contraire, et il reste tant à faire ! Elle n'est pas non plus exclusive d'un accompagnement psychologique des prêtres incriminés. Et dans tous les cas, il faut considérer l'impossibilité d'un prêtre de retrouver un ministère dans l'Église. Dès lors, il me semble tout à fait normal — qu'il ait été ou non reconduit à l'état laïc — que le prêtre occupe « un emploi ordinaire comme tout citoyen », selon la proposition de Mgr Giraud [3]. Pour ma part, je trouve scandaleux qu'un prêtre, qui a trahi aussi profondément son engagement et la confiance de ceux qui lui étaient confiés, puisse poursuivre sa vie dans une maison dorée (car ce n'est aucunement une prison), loin des contingences matérielles, aux frais du peuple de Dieu qu'il a si manifestement trahi !

[1] https://www.la-croix.com/a-vif/comment-accepter-qu-un-pretre-agresseur-meme-sil-a-purge-sa-peine-puisse-etre-mieux-traite-quune-victime-20250807
[2] https://france3-regions.francetvinfo.fr/centre-val-de-loire/loiret/orleans/proces-scitivaux-j-aurais-du-faire-mieux-le-diocese-d-orleans-a-su-pendant-20-ans-avant-de-signaler-les-faits-de-pedocriminalite-2973134.html
[3] https://www.lavie.fr/christianisme/la-collegialite-entre-eveques-ne-suffit-pas-mgr-giraud-denonce-la-nomination-a-toulouse-dun-pretre-condamne-pour-viol-100449.php

Après la publication de votre article sur Après la CIASE autour de ce prêtre, avez-vous reçu des réactions ou des confirmations de personnes le connaissant ?

Pour ce prêtre, cela pas été le cas. Mais j'ai déjà été contacté par plusieurs victimes qui souhaitaient me remercier au sujet d'autres prêtres mentionnés sur le site Internet. La première qui m'a contacté m'a beaucoup marqué, et a été un moteur de mon engagement à poursuivre le site Internet Après la CIASE. Elle me disait avoir découvert sur mon site des sanctions canoniques de son agresseur ! Elle n'avait tout simplement pas été tenue au courant. En effet, les sanctions canoniques sont le plus souvent « non publiques » (pour ne pas dire tenues secrètes). Puis elles sont parfois révélées dans la presse, pour montrer que l'Église a bien pris des mesures quand elle est mise en cause. Et si les victimes ne lisent pas la presse, elles ne sont jamais au courant. Cet exemple ouvre par ailleurs le sujet du fonctionnement de la justice de l'Église, qui n'est absolument pas adaptée à une prise en compte de la souffrance des victimes… mais cela est un autre débat !

Comment souhaitez-vous être présenté dans l'article ? Et votre site ?

Je suis Antoine, un catholique pratiquant engagé dans ma paroisse. Je suis à la fois déçu par les dysfonctionnements systémiques de l'Église dans sa gestion des crimes et délits sexuels, mais optimiste sur sa capacité à améliorer son fonctionnement pour prendre davantage soin des victimes. J'ai été très marqué par l'impact de l'association « La Parole Libérée ». Grâce à la médiatisation, elle a accéléré de manière spectaculaire la prise en compte des violences sexuelles dans l'Église (même s'il reste tant à faire !). A ma mesure, j'ai choisi de mettre en visibilité sur le site internet apres-la-ciase.fr de nombreux articles de presse de manière à documenter le phénomène dans son ensemble et montrer ainsi les schémas qui se reproduisent. En cela, mon travail ne se substitue aucunement aux associations qui soutiennent les victimes au quotidien (financièrement, amicalement, avec du conseil juridique,…) et je cherche à œuvrer dans la même direction.

Comment avez-vous été informé de cette nomination scandaleuse à Angers d'un prêtre condamné ?

Je ne sais plus par qui, mais c'était par les réseaux sociaux X (anciennement Twitter) et Bluesky. C'est à vrai dire ma principale source d'information. Et le fonctionnement des réseaux sociaux a été une raison qui m'a poussé à créer le site internet apres-la-ciase.fr Sur les réseaux sociaux plus qu'ailleurs, chaque nouvelle pousse la précédente dans l'oubli, ce qui empêche d'avoir une vue d'ensemble de la situation.

Propos recueillis par Olivier Perret

Golias

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