Nomination de l'Abbé Spina : tribune et contre tribune

La tribune de soutien à Mgr de Kerimel

Abus dans l'Église, « certains actes paraissent désormais éternellement impardonnables », Juliette Gaté

Certains actes paraissent désormais éternellement impardonnables. On entend dire que quiconque a commis ce péché le portera toujours. On ne veut plus le voir. On ose penser qu'il n'est plus des nôtres. Qu'importe que la justice et le temps soient passés.

Mgr de Kerimel, pour avoir osé penser autrement en confiant une mission dans l'Église au père Spina, auteur d'un viol sur mineur il y a trente ans et condamné à de la prison à ce titre il y a vingt ans, scandalise. « Décidément non », crie la foule, l'auteur de ce crime n'est pas des nôtres. Et celui qui ose parler encore de miséricorde dans ces circonstances a perdu la raison, ajoute-t-elle. Et pourtant.

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Alors comment peut-on, dans l'Église, si aisément condamner ad vitam aeternam ? Comment peut-on sans complexe et sans connaître, hurler en chœur qu'il est inconcevable d'offrir de nouveau une place à un homme, un prêtre, qui a commis des actes atroces mais qui a aussi purgé une peine, vieilli, peut-être changé ?

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Face aux horreurs que l'homme commet parfois, moi baptisée et avocate, je crois qu'il est toujours possible de retrouver la vie. Dans l'assourdissant cri du monde, je fais silence et je tente de trouver, concentrée sur le bruit de la brise légère, le chemin étroit qui y conduit. Il passe par la justice, la peine et le pardon.

La Croix

La tribune de réponse

« Comment accepter qu'un prêtre agresseur, même s'il a purgé sa peine, puisse être mieux traité qu'une victime ? », Mélanie Debrabant

On ne peut faire croire que la problématique de la réinsertion des prêtres agresseurs tienne en cette seule alternative : chancelier ou mort sociale. Mgr Giraud, unique évêque à avoir réagi publiquement à ce jour, ébauchait dans une interview à La Vie une troisième voie bien plus intéressante : « Je ne vois pas pourquoi un prêtre ayant purgé sa peine ne pourrait pas prendre un emploi ordinaire comme tout citoyen. » Cela n'empêcherait nullement une vie fraternelle avec d'autres prêtres, un soutien humain et spirituel, la célébration de la messe en privé s'il en a le droit… Soyons clairs : il n'est pas question de refuser au père Spina de poursuivre son « chemin de vie ». Il est plutôt question de décence, de compassion et de cohérence.

Car on ne peut pas parler de la réinsertion des agresseurs sans avoir d'abord tout fait pour la réparation de leurs victimes. Ces prêtres sont logés, salariés, accompagnés, soutenus pour leurs frais juridiques et médicaux. Comment accepter qu'un prêtre agresseur, même s'il a purgé sa peine, puisse être mieux traité qu'une personne victime qui, elle, en paiera le prix toute sa vie ?

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Malgré le motu proprio Vos estis lux mundi du pape François, nous ne connaissons personne ayant bénéficié d'une aide financière pour ses frais psychologiques. Il n'existe pas de consultation spécialisée en psychotraumatisme, dédiée et financée par l'institution. Les personnes victimes sont laissées seules ; charge à elles de trouver des soignants compétents et disponibles, et de payer leur prise en charge. Les procédures canoniques restent opaques, laissant régulièrement la personne victime dans l'ignorance du processus, de ses conclusions et des éventuelles sanctions.

Aujourd'hui, différentes associations aident davantage les personnes victimes que l'Église ne le fait. Ne serait-il pas enfin temps pour l'institution de prendre résolument le parti de la Miséricorde : celle qui se tient à genoux devant ces vies brisées et qui fait tout son possible pour réparer ?

La Croix

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