Les suicidés, grands oubliés du scandale des établissements catholiques
Olivier dit avoir rapidement « décidé de se tenir à carreau », pour optimiser ses chances d'être rapatrié à Bordeaux après cette année de troisième. « N., lui, a tenté de se rebeller. Il s'en est pris encore plus plein la figure. »
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À la fin de la troisième, les deux amis sont rapatriés par leurs parents à Bordeaux : « On n'était pas dans le même lycée, mais on est restés inséparables. » Olivier dit avoir eu la chance de retrouver son environnement et son équipe de hockey. « N., lui, est revenu avec un syndrome de guerre du Vietnam, ils l'ont cassé en trois », souffle le quinquagénaire.
Les deux garçons n'ont plus reparlé de cette année-là. « On faisait des conneries d'ados, se souvient l'ex-pensionnaire. N. faisait de la moto et du tennis, il était beau gosse, mais il ne se passait jamais rien de bien avec les filles. Il avait des hauts et des bas. » L'année de sa terminale, il a pris la carabine de son grand-père dans son garage et l'a retournée contre lui : « Plus qu'une vie foutue, c'est une famille en vrac. » Après cela, Olivier a « formaté son disque dur » et quitté le Sud-Ouest.
Combien d'anciens élèves de Bétharram n'ont pas survécu aux violences physiques et/ou sexuelles qu'ils y ont subies ? « Personne ne le sait, mais ça semble considérable, bien au-dessus de la moyenne en tout cas », dit le lanceur d'alerte Alain Esquerre.
Dans son rapport de 2023, la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants (Ciivise) insistait bien sur la longévité des traumas : « en l'absence de soins adaptés », les « souffrances extrêmement importantes […] peuvent durer toute une vie ». Elle rappelait les résultats de l'enquête Baromètre santé 2017 : les personnes ayant subi des violences sexuelles avant 15 ans sont deux fois plus concernées par un épisode dépressif au cours des douze derniers mois. Quant aux hommes victimes, ils sont cinq fois plus concernés par des tentatives de suicide au cours de leur vie
Informations complémentaires
Suicide
Le 3114, numéro national de prévention du suicide
Si vous êtes en détresse et/ou avez des pensées suicidaires, si vous voulez aider une personne en souffrance, vous pouvez contacter le numéro national de prévention du suicide, le 3114.
Le 3114 est accessible 24h/24 et 7j/7, gratuitement, en France entière.
Un professionnel du soin, spécifiquement formé à la prévention du suicide, sera à votre écoute.
Le 3114 est piloté par le Ministère en charge de la santé.
Le 3114, c'est également un site Internet : https://3114.fr/
Enseignement privé catholique
- https://www.ciase.fr/rapport-final/
- https://www.francetvinfo.fr/societe/education/affaire-de-violences-sexuelles-a-notre-dame-de-betharram/des-excuses-quelques-annonces-et-une-promesse-de-reflexion-comment-l-enseignement-catholique-reagit-aux-temoignages-de-violences-physiques-et-sexuelles-dans-ses-etablissements_7127985.html
- https://www.la-croix.com/societe/affaire-betharram-pour-philippe-delorme-tout-ce-qui-contribue-a-lutter-contre-les-violences-est-une-bonne-chose-20250220
- https://prevention-harcelement.enseignement-catholique.fr
- https://prevention-harcelement.enseignement-catholique.fr/auto-evaluation-sur-le-harcelement/
- https://prevention-harcelement.enseignement-catholique.fr/plan-boussole/
- https://www.nouvelobs.com/societe/20250508.OBS103665/on-ne-peut-pas-se-contenter-de-dire-nous-sommes-une-grande-famille-la-grande-majorite-des-faits-est-derriere-nous-apres-betharram-l-enseignement-catholique-face-aux-plaintes.html
- https://enseignement-catholique.fr/campagne-stop-violences/
- https://www.la-croix.com/apres-betharram-l-enseignement-catholique-lance-une-campagne-stop-violences-20250502
- https://www.letudiant.fr/college/lancement-de-la-campagne-stop-violences-par-lenseignement-catholique.html
- https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-cedu/l17b1642-ti_rapport-enquete
- https://www.assemblee-nationale.fr/dyn/17/rapports/cion-cedu/l17b1642-tii_rapport-enquete
- https://www.lefigaro.fr/actualite-france/commission-betharram-l-enseignement-catholique-fixe-ses-lignes-rouges-20250702
Les chiffres documentés par la CIASE
Dans son rapport paru en 2021, la Commission indépendante sur la pédocriminalité dans l'Église catholique (Ciase) a estimé à 330 000 le nombre de victimes entre 1950 et 2020. Près d'un tiers (30%) des faits ont eu lieu dans les établissements et internats scolaires, « premier lieu des violences sexuelles » contre les mineurs au sein de l'Église. Les victimes sont très majoritairement (83%) des garçons, âgés pour la plupart (62%) de 10 à 13 ans. Les sévices sexuels s'inscrivent « dans un continuum de violences pédagogiques », relève aussi la Ciase.
D'après les chiffres de la CIASE, il y aurait donc eu presque 100 000 victimes dans les établissements et internats scolaires en lien avec l'Église.
« Cette loi de l'omerta était générale » dans la société, assure l'évêque de Bayonne [Mgr Aillet]. « Dans les congrégations religieuses, qui jouent un rôle important dans l'enseignement catholique, la culture du silence, inhérente à l'Église, est redoublée du fait de l'obéissance due au supérieur, et d'une culture corporatiste qui incite à garder le silence au sein de la communauté et à protéger ses membres », nuance l'historienne Agnès Demazières. « Ces congrégations exercent aussi une force d'attraction sur des personnalités perverses du fait de ce climat de silence et d'un accès facile à des enfants et des personnes vulnérables », avance la spécialiste de l'histoire du christianisme, autrice de Sans loi ni foi : Prêtres et violences sexuelles. Au cœur du système catholique.
Premières actions mises en place
Le programme de protection des publics fragiles (3PF)
Depuis 2018, l'enseignement catholique a mis en place le « 3PF », le « programme de protection des publics fragiles ». C'est un dispositif visant la prévention et la lutte contre toute forme de maltraitance, que ce soit le harcèlement, les violences, les abus au sein des établissements scolaires, en mettant à leur disposition des ressources, des éléments juridiques, des outils de discernement et d'action… 🡵.
Le site internet du 3PF propose :
- Des livrets d'information
- Livret 1 : De la lutte contre la maltraitance à la bientraitance éducative
- Livret 2 : La bientraitance éducative
- Recueillir la parole de l'enfant témoin ou victime
- Être à l'écoute - créer des dispositifs d'écoute
- Secret professionnel, discrétion professionnelle, devoir de réserve, confidentialité
- Procédures en matière de protection des mineurs
- Des grilles d'auto-évaluation sur le harcèlement pour les élèves
- Le plan boussole : un processus de discernement et d'action du 3PF. Il peut être mis en place dans les établissements pour faire progresser la culture de la bientraitance éducative.
Un dispositif 3PF pour « programme de protection des publics fragiles » a été lancé par le Sgec. Sur le papier, il est ambitieux (si l'on oublie sa dénomination problématique qui associe le risque d'exposition aux violences à une fragilité préalable). Les conditions de recueil de la parole y sont détaillées, et les risques de maltraitance par une personne détenant l'autorité ouvertement évoqués. Ce n'est pas du tout le cas dans le public, où la question de l'adulte dysfonctionnel reste un impensé, absent du site du ministère et des formations prodiguées aux personnels. Sur le terrain, toutefois, les choses sont plus compliquées. Le Sgec, qui ne dispose que d'un simple pouvoir d'animation et de proposition, est incapable de s'avancer sur la mise en œuvre effective du fameux 3PF, au point de lancer une campagne de communication auprès des parents pour le faire connaître. C'est que l'enseignement catholique est un parfait négatif de l'enseignement public : si le second souffre de son hypercentralisation, le premier se singularise par la très grande autonomie de ses établissements.
La campagne « Stop Violences »
La campagne « Stop Violences » a été lancée le vendredi 2 mai 2025. C'est une campagne d'information et de sensibilisation sur les violences en milieu scolaire dans tous ses établissements, après le scandale de Notre-Dame de Bétharram qui a entraîné une libération de la parole sur le sujet. La campagne « Stop violences » a pour objectif d’« amplifier l'information et renforcer l'implication de tous les acteurs de l'école » sur ce sujet, a indiqué le Secrétariat général de l'enseignement catholique dans un communiqué 🡵.
Suite au lancement de cette campagne, Le collectif Stop Souffrances qui rassemble parents d'élèves, enseignants et personnels des établissements catholiques s'interroge sur l'efficacité réelle de ces mesures, et demande des changements profonds sur le terrain au-delà des effets d'annonce. Sophie, professeure au sein d'un établissement privé sous contrat, « n'a jamais entendu parler de cette campagne Stop Violences, à part aux informations ». 🡵
2025 La commission d'enquête parlementaire
En 2025, la commission « sur les modalités du contrôle par l'État et de la prévention des violences dans les établissements scolaires » a été initiée après les révélations de Notre-Dame de Bétharram. Son rapport est rendu public début juillet :
Il met en lumière de nombreux thèmes :
- Des violences massives et systémiques
- Le « caractère propre » de l'enseignement privé en question
- La (quasi) absence de contrôles
- Le secret de la confession
Le rapport accorde une large place à l’« affaire Bétharram », et consacre également plusieurs pages à Riaumont.
A la suite de cette commission d'enquête parlementaire, une proposition de loi est prévue pour le mois d'octobre 🡵.
Voir aussi :
- Abbaye-école de Sorèze (1)
- André Guéguen (1)
- Collège de Combrée (3)
- Collège de l’Annonciation, à Seilh (1)
- Collège Ozanam de Limoges (7)
- Collège Richelieu à La-Roche-sur-Yon (1)
- Collège Saint François-Xavier d'Ustaritz (3)
- Collège Saint-François-Xavier de Vannes (2)
- Collège Saint-Jean de Pélussin (1)
- Collège Saint-Louis de la Guillotière (1)
- Collège Saint-Michel à Bruxelles (fiche uniquement)
- Collège Saint-Pierre, au Relecq-Kerhuon (5)
- Collège-lycée Saint-Augustin de Bitche (3)
- Collège-lycée Saint-Joseph de Nay (2)
- Dominicaines du Saint Nom de Jésus (2)
- Institut Notre-Dame d’Avranches (1)
- Institut Saint-Lô d’Agneaux (1)
- Institution Paul Mélizan (1)
- Institution Saint-Dominique de Neuilly (5)
- Institution Saint-Pierre, à Saint-Pé-de-Bigorre (2)
- L'Immaculée Conception de Pau (2)
- Le Kreisker à Saint-Pol-de-Léon (3)
- Notre Dame de Garaison (6)
- Notre-Dame de Bétharram (43)
- Notre-Dame du Sacré Cœur à Dax, dit Cendrillon (3)
- Notre-Dame-de-Sion (1)
- Père Jacques Choquer (1)
- Père Raymond Mélizan (1)
- Saint-Thomas-d’Aquin, à Oullins (3)
- Saint-Vincent Providence (1)
- Sainte Croix des Neiges (3)
- Sainte-Marie, à Chagny (2)
- École Saint-Genès de Bordeaux (1)
- École Saint-Pierre-Fourier (Collège Saint-Maur) (1)
- École Sainte-Marie à Quimper, dite le Likès (1)
- Établissement Saint-Bernard de Troyes (1)
- Établissement scolaire Stanislas (10)