Fondacio : le long processus pour sortir de l'emprise

Un méticuleux travail de mémoire commence chez les deux amies, pour dénouer leurs souvenirs et les « ficelles » de l'emprise exercée par Jean-Michel Rousseau. Il y avait d'abord le mythe fondateur de la communauté : il était « le Père » qui avait « reçu le don de l'Esprit saint concernant la communauté », il était d'ailleurs physiquement sur les estrades « entre nous et le Christ ».

La vie de tous était structurée autour de lui, certaines « bonnes filles, très aimées du Père », comme Sandrine, recevant « un secret », « une relation christique et mystique », cachant des agressions sexuelles.

« Tout un système social était en place, analyse Dominique. Le fondateur et sa femme étaient la cellule initiale, les fils et filles avaient vocation à transmettre « le don » dans l'espace et le temps, puis nous avions des sessions de « remontée dans le don » durant lesquelles nous devions attester à voix haute de notre degré d'engagement dans ce don. Ne pas être invité à ces dernières était un signe d'exclusion du groupe. Il fallait alors retrouver les bonnes grâces de Jean-Michel. Je réalise aujourd'hui combien cela sonne bizarre ! »

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Les deux amies n'ont rien perdu du discours du fondateur. « Il disait que nous étions la prunelle de l'Église », évoque Sandrine. Dominique se souvient de la métaphore qu'il utilisait pour souligner la singularité du mouvement : « Nous étions des enfants aux yeux bleus, or les autorités de l'Église ne connaissant jusque-là que des enfants aux yeux marron, ils ne pouvaient pas bien s'occuper de nous. Nous étions appelés à renouveler entièrement l'Église, nous étions son seul avenir, paraît-il. » Elle ajoute que l'emprise passait autant par des aspects clés de l'organisation que par « des détails » : « Tu te rappelles quand il s'est mis à porter des pantalons à carreaux ? » Et Sandrine de s'exclamer : « D'un coup, tous les hommes ont adopté cette mode ! »

Plusieurs années durant, Dominique a suivi une thérapie : « Je voulais saisir comment j'avais pu me laisser embarquer là-dedans et perdre mon sens critique. Je sortais d'études de droit : j'aurais dû voir que tous les pouvoirs étaient mélangés et qu'on spiritualisait les décisions ! »

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[Après le départ du fondateur] une chape de silence s'installe, commente Dominique : « On nous a dit que tout cela était sous le manteau de Marie, il n'était donc pas utile d'en parler. On a été traités par Jean-Michel Rousseau comme des enfants, puis infantilisés à nouveau par ses successeurs, qui ne nous disaient rien, pensant que les membres n'étaient pas capables de supporter la réalité. » Même les départs sont « idéalisés », décrypte-t-elle : « On nous racontait qu'ils avaient vécu une expérience tellement magnifique que c'était leur chemin de bonheur de partir. Je n'ai découvert qu'après les épreuves qu'ils ont vécues, les difficultés immenses. »

Résultat trois décennies plus tard : « Des anciens ne savent toujours pas ce qui s'est passé, certains pensent que c'étaient des actes consentis, alors que c'étaient des agressions sexuelles, s'insurge Dominique. Les générations suivantes ne savent presque rien. » Fondacio a toujours signalé avoir réagi envers son fondateur déviant, lui imposant un départ et restructurant les pratiques et les fonctionnements, l'hagiographie indiquait jusqu'à peu que la réforme avait bien eu lieu sans que ne soit manifesté comme une priorité d'y revenir.

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