Abbé Pierre, Jean Vanier, Marie-Dominique Philippe : comment se relever de la chute des idoles ?
Psychologues, théologiennes, prêtres en paroisse, laïcs… tous s'accordent à dire que l'idolâtrie est une danse à plusieurs. Un sociologue qui travaille en ce moment pour l'une des commissions indépendantes sur les abus détaille : « Une idole a un adorateur, et souvent un public pour mettre en scène cette adulation. L'idolâtrie est un système d'autorité charismatique. Modérée, cette dernière peut être bénéfique. Mais sans garde-fou, elle peut être dangereuse. »
Or dans les milieux catholiques, plusieurs facteurs viennent aggraver la tendance à l'idolâtrie. Certaines figures comme les clercs sont « mises à part » à travers une certaine sacralisation issue de leur ordination. « Qu'ils le veuillent ou non d'ailleurs, souligne le sociologue. J'en ai rencontré plusieurs qui insistent sur la force intérieure nécessaire pour ne pas se faire happer par le regard de certains fidèles. » À cela s'ajoute, selon lui, « la tradition des saints qui a surdimensionné la tendance à l'idéalisation pour nourrir la foi des fidèles. C'est constitutif de l'ADN de la culture ecclésiale et assez peu critiqué. »
Le monde religieux est propice à l'abus, car il met face à face un fidèle et son accompagnateur spirituel, l'un reconnaissant à l'autre une autorité. Il se crée « un lien personnel qui suppose une dimension de confiance », précise ce même sociologue chargé de dénouer ces processus dans l'emprise. Il complète : dans le contexte français de déchristianisation des dernières décennies, « à force de nier la dimension spirituelle de l'humain, on expose plus facilement celui-ci à l'instrumentalisation de cette dimension ». Sans compter que « l'idolâtrie n'est pas que le fait de personnages charismatiques, elle est aussi suscitée par une structure qui, souvent, en a besoin ».
À La Vie, comme dans d'autres médias, n'avons-nous pas fait de certains de ces hommes des « saints avant l'heure » ? Si les archives montrent que Jean Vanier et l'Abbé Pierre ont été peu « mis à la une », ils ont été encensés dans nos colonnes pour leurs actions, certes réelles.
— La Vie