Abbaye de Sept-Fons : la réforme impossible d'un monastère sous emprise

La Croix vient de publier une enquête de très grande qualité au sujet de l'abbaye de Sept-Fons 🡵 🡵 🡵. Celle-ci révèle et analyse « une dérive sectaire de plusieurs décennies, que les autorités de l'Église semblent incapables d'enrayer ». Comme l'indique Gonzague de Pontac dans son article, « ces révélations illustrent le phénomène répandu, quoique encore mal compris, des abus spirituels dans l'Église, parfois aussi ravageurs que les violences sexuelles, mais particulièrement difficiles à détecter et à déraciner ».

Que se passe-t-il donc à Sept-Fons ? Derrière l'apparente sérénité monastique, révèle l'enquête de La Croix, se cacherait un « fonctionnement sectaire » mis en place pendant plusieurs décennies autour d'un homme – le père Nicolas, au civil Francis Hennequin –, avec l'assentiment complice d'une part importante de la communauté, dont la quasi-totalité a été formée par cet ancien maître des novices. En 2022, un même diagnostic accablant avait été posé par les autorités de l'Église, dans une lettre officielle du dicastère dédié à la vie religieuse.

Trois ans après pourtant, et malgré les sanctions imposées – dont la mise à l'écart du principal responsable, qui continuerait selon nos sources d'exercer son influence –, Sept-Fons n'aurait pas évolué. « L'Église a fourni un effort considérable pour aider la communauté à se réformer. Malheureusement, le système est resté en place », appuie frère Vincent. Un haut responsable de l'ordre aurait même avoué à un frère son impuissance, attendant que « ça sorte dans les médias ».

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« Récemment, quatre frères ont quitté Sept-Fons, deux autres vont les suivre », s'alarme le moine lanceur d'alerte. « Ils ont tout détruit à l'intérieur », lâche un autre, près d'abandonner la vie monastique. Plusieurs moines témoignent ainsi de brimades, mensonges, ingérences dans la vie privée des frères, diffusion de rumeurs – par exemple sur la santé mentale ou l'orientation sexuelle de frères –, favoritisme, comportements despotiques… Une source indépendante pointe d'autres graves dysfonctionnements : interdiction d'évoquer la situation « au nom du vœu d'obéissance », violation de la confidentialité dans l'accompagnement spirituel, choix imposé de médecins, notamment de psychiatres.

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Le père Nicolas est accusé de « mensonges devenus habituels », « violence verbale », « menaces », « questions intrusives », « utilisation d'informations reçues au for interne »… À quoi s'ajoutent d'autres faits qualifiés de « moins graves », mais tout aussi stupéfiants pour un religieux : « bavardages permanents et en tous lieux », « grossièretés », « distribution excessive et partiale de cadeaux ou de suppléments de nourriture », « affranchissement (des) règles communes » ou encore « se moquer publiquement d'un évêque qui préside la messe ». Loin de l'idéal monastique affiché à Sept-Fons.

En 2018, il a même été excommunié – il aurait trahi le secret de la confession –, sanction levée à la suite d'une demande écrite de pardon et d'un intense lobbying, la communauté bénéficiant, selon nos sources, de soutiens au Vatican. Ce qui ne l'a pas empêché de maintenir ses comportements, relève le dicastère avec « consternation ».

Si la lettre de Rome le qualifie malgré tout de « personnalité charismatique féconde », la conclusion est sans appel : « Petit à petit, le père Nicolas s'est – et a été – identifié à Sept-Fons », devenant le « propriétaire » de l'œuvre, « sans doute avec la complicité de son entourage ». Selon les informations transmises à La Croix, ledit entourage occupe aujourd'hui les principaux postes à responsabilité dans l'abbaye.

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