Abbaye de Sept-Fons : la réforme impossible d'un monastère sous emprise
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<< Semaine du 14 au 20 juillet 2025 >>
Abbaye de Sept-Fons : la réforme impossible d'un monastère sous emprise
Une enquête qui permet de mieux comprendre les ravages des abus spirituels dans l'Église.
La Croix vient de publier une enquête de très grande qualité au sujet de l'abbaye de Sept-Fons 🡵 🡵 🡵. Celle-ci révèle et analyse « une dérive sectaire de plusieurs décennies, que les autorités de l'Église semblent incapables d'enrayer ». Comme l'indique Gonzague de Pontac dans son article, « ces révélations illustrent le phénomène répandu, quoique encore mal compris, des abus spirituels dans l'Église, parfois aussi ravageurs que les violences sexuelles, mais particulièrement difficiles à détecter et à déraciner ».
Que se passe-t-il donc à Sept-Fons ? Derrière l'apparente sérénité monastique, révèle l'enquête de La Croix, se cacherait un « fonctionnement sectaire » mis en place pendant plusieurs décennies autour d'un homme – le père Nicolas, au civil Francis Hennequin –, avec l'assentiment complice d'une part importante de la communauté, dont la quasi-totalité a été formée par cet ancien maître des novices. En 2022, un même diagnostic accablant avait été posé par les autorités de l'Église, dans une lettre officielle du dicastère dédié à la vie religieuse.
Trois ans après pourtant, et malgré les sanctions imposées – dont la mise à l'écart du principal responsable, qui continuerait selon nos sources d'exercer son influence –, Sept-Fons n'aurait pas évolué. « L'Église a fourni un effort considérable pour aider la communauté à se réformer. Malheureusement, le système est resté en place », appuie frère Vincent. Un haut responsable de l'ordre aurait même avoué à un frère son impuissance, attendant que « ça sorte dans les médias ».
— La Croix
« Récemment, quatre frères ont quitté Sept-Fons, deux autres vont les suivre », s'alarme le moine lanceur d'alerte. « Ils ont tout détruit à l'intérieur », lâche un autre, près d'abandonner la vie monastique. Plusieurs moines témoignent ainsi de brimades, mensonges, ingérences dans la vie privée des frères, diffusion de rumeurs – par exemple sur la santé mentale ou l'orientation sexuelle de frères –, favoritisme, comportements despotiques… Une source indépendante pointe d'autres graves dysfonctionnements : interdiction d'évoquer la situation « au nom du vœu d'obéissance », violation de la confidentialité dans l'accompagnement spirituel, choix imposé de médecins, notamment de psychiatres.
— La Croix
Le père Nicolas est accusé de « mensonges devenus habituels », « violence verbale », « menaces », « questions intrusives », « utilisation d'informations reçues au for interne »… À quoi s'ajoutent d'autres faits qualifiés de « moins graves », mais tout aussi stupéfiants pour un religieux : « bavardages permanents et en tous lieux », « grossièretés », « distribution excessive et partiale de cadeaux ou de suppléments de nourriture », « affranchissement (des) règles communes » ou encore « se moquer publiquement d'un évêque qui préside la messe ». Loin de l'idéal monastique affiché à Sept-Fons.
En 2018, il a même été excommunié – il aurait trahi le secret de la confession –, sanction levée à la suite d'une demande écrite de pardon et d'un intense lobbying, la communauté bénéficiant, selon nos sources, de soutiens au Vatican. Ce qui ne l'a pas empêché de maintenir ses comportements, relève le dicastère avec « consternation ».
Si la lettre de Rome le qualifie malgré tout de « personnalité charismatique féconde », la conclusion est sans appel : « Petit à petit, le père Nicolas s'est – et a été – identifié à Sept-Fons », devenant le « propriétaire » de l'œuvre, « sans doute avec la complicité de son entourage ». Selon les informations transmises à La Croix, ledit entourage occupe aujourd'hui les principaux postes à responsabilité dans l'abbaye.
— La Croix
Informations complémentaires
Abbaye de Sept-Fons
- https://www.abbayedeseptfons.com/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Abbaye_de_Sept-Fons
- https://www.la-croix.com/religion/enquete-a-l-abbaye-de-sept-fons-la-reforme-impossible-dun-monastere-sous-emprise-20250715
- https://www.la-croix.com/religion/aujourd-hui-les-freres-vont-mal-le-temoignage-exclusif-dun-moine-de-sept-fons-20250716
- https://www.la-croix.com/a-vif/devoir-de-verite-20250715
- https://lecomptoirdesmonasteres.fr/3_abbaye-de-sept-fons
- https://www.lavie.fr/christianisme/temoignage/pere-jerome-figure-spirituelle-dambroise-touvet-7520.php
- http://www.novydvur.cz/fr/p-172/p-513/
- http://www.novydvur.cz/fr/
- https://www.notredamedebadi.sn/fr
- https://www.chambarand.fr/fr/histoir-communaute
Chronologie
L'abbaye cistercienne trappiste Notre-Dame de Sept-Fons a été fondée en 1132 par l'abbaye de Fontenay, elle-même fille de Clairvaux, fille de Cîteaux 🡵.
Père Jérôme Kiefer (1907-1985)
Le père Jérôme entre à l'abbaye de Sept-Fons en 1928, à l'âge de 21 ans. Il est ordonné prêtre en 1936 🡵. Bien que n'ayant jamais été abbé de Sept-Fons, il sera le « maître spirituel », artisan du renouveau de l'abbaye. Dans une période difficile pour l'Église, son exemplarité donne à voir une sorte de pureté monastique.
Sous Dom Patrick (et le père Nicolas)
En 1980, Dom Patrick Olive est élu abbé de Sept-Fons. Il nomme le père Nicolas maître des novices 🡵. Le père Nicolas est présenté comme le « premier disciple » du père Jérôme, le second étant Dom Patrick. Tous deux présentent donc une légitimité très forte aux yeux des autres moines et vont rester à leur poste durant plus de quarante ans. A eux deux, ils formeront un « système total de pouvoir ».
Durant cette période, l'abbaye accueille de nombreuses vocations dont la quasi-totalité a été formée par le père Nicolas en sa qualité de maître des novices. De plus, elle effectue des fondations à l'étranger : Nový Dvůr en République Tchèque en 2002 🡵 et Bàdi au Sénégal en 2017 🡵
L'élection invalidée
En 2022, Dom Thomas Getti est élu de justesse père abbé. Mais très vite, de nombreux frères dénoncent les pressions de plusieurs responsables au moment du vote. Après des soupçons de fraude, l'élection est invalidée.
Dans les mois qui suivent, l'envers du décor est décrit dans une lettre du dicastère pour la vie consacrée :
Après quelques éloges sur le « trésor de Sept-Fons », elle décrit un environnement dysfonctionnel – « duplicité », « infantilisation », « climat de peur et de réduction au silence »… –, centré sur le père Nicolas, maître des novices et tout-puissant bras droit de Dom Patrick pendant quatre décennies.
Le père Nicolas est accusé de « mensonges devenus habituels », « violence verbale », « menaces », « questions intrusives », « utilisation d'informations reçues au for interne »… À quoi s'ajoutent d'autres faits qualifiés de « moins graves », mais tout aussi stupéfiants pour un religieux : « bavardages permanents et en tous lieux », « grossièretés », « distribution excessive et partiale de cadeaux ou de suppléments de nourriture », « affranchissement (des) règles communes » ou encore « se moquer publiquement d'un évêque qui préside la messe ». Loin de l'idéal monastique affiché à Sept-Fons.
En 2018, il a même été excommunié – il aurait trahi le secret de la confession –, sanction levée à la suite d'une demande écrite de pardon et d'un intense lobbying, la communauté bénéficiant, selon nos sources, de soutiens au Vatican. Ce qui ne l'a pas empêché de maintenir ses comportements, relève le dicastère avec « consternation ».
— La Croix
Dans l'attente d'une nouvelle élection, le dicastère pour la vie consacrée nomme en 2023 Dom Guillaume Jedrzejczak supérieur ad nutum de Sept-Fons. Celui-ci aurait « tout fait pour réhabiliter Dom Patrick et le père Nicolas », assure frère Alban, qui dénonce une « opération blanchiment ». Rencontré par La Croix, Dom Guillaume assure avoir « écouté tous les frères » pour construire son analyse et ne pas avoir constaté les dysfonctionnements pointés par la lettre romaine.
L'élection de Dom Thomas Getti
En 2024, un nouveau scrutin est organisé, et Dom Thomas Getti est (re)élu. Malheureusement, le système reste en place et les comportements du duo Dom Patrick - père Nicolas semblent être reproduits.
De plus, le père Nicolas continue d'avoir une influence déterminante auprès d'une partie de la communauté malgré son éloignement au monastère de Latroun (Israël).
La fraternité bernardine
Notre histoire commence en 2006 quand quelques jeunes femmes désireuses de se consacrer à Dieu se rapprochent de l'abbaye de Sept-Fons. Pour plusieurs, c'est la lecture des écrits de Père Jérôme qui a noué ces liens et attisé l'appel à la vie monastique. Elles se regroupent à Paris pour un début de formation et de vie communautaire dans un foyer étudiant.
En 2011, le groupe est assez nombreux – et toujours persévérant – pour penser sérieusement à mettre en place une vie monastique régulière. Mgr Pascal Roland, alors évêque de Moulins, propose de mettre à disposition son ancien évêché pour tenter l'expérience. Les jeunes femmes arrivent alors au numéro 45 de la rue de Paris le 30 septembre 2011. Dès le lendemain, elles se lèvent pour Matines, et la journée se déroule, rythmée par les offices, la lectio divina, le travail, l'oraison. Pour la Messe quotidienne, elles se rendent à pied au Carmel tout proche, tandis que le dimanche, elles se mêlent aux fidèles dans l'abbatiale de Sept-Fons. La formation continue se poursuit ainsi dans la proximité des moines.
Le 2 février 2016, en la fête de la Présentation du Seigneur, Mgr Laurent Percerou, évêque de Moulins depuis 2013, donne une reconnaissance canonique à la communauté, désormais « fraternité bernardine ». Les jeunes femmes pourront porter l'habit et prononcer des vœux.
La fraternité bernardine compte alors dix sœurs. Des propositions leur sont faites de s'installer dans un lieu plus adapté à la vie contemplative. Il y aura un essai d'installation en Corrèze, au monastère du Jassonneix, mais l'expérience restera sans suite. En 2019, les sœurs trappistines de Chambarand proposent à la fraternité de reprendre le flambeau à leur suite. Le temps du discernement, et les sœurs bernardines arrivent au monastère de Chambarand le 30 mai 2020. Les liens avec l'abbaye de Sept-Fons restent solides, et renforcés même, puisque la fondation de Chambarand, en 1868, est l'œuvre des moines de l'abbaye bourbonnaise.
Diocèse de Moulins
- https://www.catholique-moulins.fr
- https://eglise.catholique.fr/guide-eglise-catholique-france/structure/diocese-moulins/
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Dioc%C3%A8se_de_Moulins
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Philippe_Barbarin
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Pascal_Roland
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Laurent_Percerou
- https://eglise.catholique.fr/guide-eglise-catholique-france/personne/mgr-marc-beaumont/
Derniers évêques
- 1998-2002 : Cardinal Philippe Barbarin 🡵
- 2003-2012 : Mgr Pascal Roland 🡵
- 2013-2020 : Mgr Laurent Percerou 🡵
- Depuis 2021 : Mgr Marc Beaumont 🡵
Voir aussi :