Le bingo des idées reçues sur les abus dans l'Église

Le groupe Facebook Transparence et réflexion sur les abus dans l'Église a publié récemment le bingo des idées reçues sur les abus dans l'Église. L'occasion de revenir sur certaines phrases que l'on entend fréquemment quand on s'intéresse au sort des victimes.

  1. Il faut distinguer le péché du pêcheur Insister sur la distinction entre l'homme et l'acte a très souvent conduit à atténuer à tort la responsabilité de l'agresseur. Il est important de se méfier de cet argument et se former plus complètement sur la question : bit.ly/arbreetfruits
  2. On en a parlé, maintenant il faut qu'on avance L'ignorance de ce qui s'est passé et continue de se passer est à la racine de tout système d'abus. Le travail de dialogue, d'information, de reconnaissance et de réparation en est encore à ses balbutiements. Nier cela contribue à laisser se propager les abus.
  3. Présomption d'innocence La présomption d'innocence n'empêche pas la mise en sécurité des victimes et des potentielles victimes, et donc le relai rapide de demande de témoignages et la transparence sur les procédures en cours.
  4. Ceux qui accusent sont jaloux, c'est politique ! Nier la légitimité d'accusations ou de procedures (enquêtes canoniques etc.) prolonge le faisceau d'emprise et les systèmes d'abus. La communication des preuves est rarement transparente. Cela ne veut pas dire que la procedure est abusive pour autant. Bien souvent, il y a des faits graves que l'on ne connaît pas encore.
  5. Je préfère être tourné vers l'espérance et ce qui est beau Comme tout le monde. Cela n'empêche pas de remplir son devoir de protection des plus faibles en reconnaissant les dangers qui les menacent et en mettant tout en œuvre pour les combattre.
  6. Et les abus dans l'éducation nationale et l'Islam ? Le fait que cela existe/soit pire ailleurs ne doit en aucun cas nous dédouaner d'effectuer le travail de fond nécessaire à l'assainissement de notre propre maison.
  7. Que celui qui n'a jamais pêché lui jette la première pierre Oui, nous sommes tous pécheurs. Mais nous ne sommes pas tous criminels. La recommandation 8 de la CIASE va dans ce sens : « passer au crible le langage de certains documents du magistère parlant de pêché et de pardon lorsqu'il s'agit de délits et de sanctions, pour bien distinguer le domaine de la morale de celui du droit. Un délit implique toujours, en même temps, un pêché, mais tout pêché ne constitue pas un délit. »
  8. Je connais un prêtre que cela a détruit Effectivement, les fausses accusations ont des conséquences terribles. Elles sont toutefois issues d'actes isolés. Les abus en Église, eux, ont malheureusement parfois des sources systémiques : le nombre de victimes, les causes et conséquences ne sont pas les memes. Il convient de ne pas comparer les deux phénomènes.
  9. A chacun de discerner si c'est bon pour lui La lutte contre les abus relève bien sûr du discernement individuel mais surtout de réflexes collectifs. Dénoncer publiquement les comportements à risques est une nécessité pour sécuriser l'environnement et faire de l'Église une maison sûre. Attention aussi de ne pas culpabiliser les victimes en laissant penser qu'elles auraient pu dire non : le propre de l'emprise c'est qu'elle ne permet pas le libre discernement.
  10. La presse veut taper sur les cathos Il faut distinguer ligne éditoriale et travail d'investigation. Les journalistes sont tenus à des devoirs concernant la verification de l'information. Leur prisme politique peut parfois présenter des faits sous un jour ou un autre mais pas impacter la véracité des faits avancés. De plus, c'est leur travail d'investigation et de mise en lumière qui a permis de reconnaître les victimes et faire avancer l'Église.
  11. Oui mais ils évangélisent. Moi ils m'ont énormément apporté Faire croire que la fin justifie les moyens est caractéristique des situations d'abus. A savoir : les systèmes d'emprise ont besoin pour perdurer de « personnes bénéficiaires » qui légitiment le système. oui, les abuseurs rayonnent. non, ce rayonnement n'est pas sain.
  12. Vous prenez du plaisir à en parler Non, je ne prends pas de plaisir à prendre conscience de réalités horribles. Par contre, je crois fermement que cette démarche est nécessaire pour assainir le système. Oui, j'ai plaisir à voir que ces dialogues et prises de conscience permettent de soutenir et de reconnaître les victimes.
  13. C'est important de regarder les fruits Une œuvre aussi belle soit elle, ne justifiera jamais les violences spirituelles et/ou sexuelles. Comme l'explique la théologienne Brigitte Navail, un seul mauvais fruit suffit à rendre l'arbre mauvais. bit.ly/arbreetfruits
  14. Tu fais du mal à l'église en parlant des abus Ce qui fait mal à l'Église, ce sont les personnes qui ont commis des violences spirituelles et/ou sexuelles et celles qui les ont permises par leur silence complice. En parler restaure la vérité, soigne les victimes. Se taire, c'est prendre le risque qu'il y ait plus de victimes et que celles-ci se sentent rejetées par l'Église en plus du mal qu'elles ont subi par l'agresseur.
  15. L'enquête a exageré, déformé la réalité Les enquêteurs sont tenus à un devoir de neutralité. Ils ont des grilles objectives pour savoir si oui ou non les normes sont respectées. Il y a peu de place à l'idéologie.
  16. La victime est dérangée, donc est-ce quelle dit la verite ? L'abuseur utilise la décrédibilisation des victimes pour défense. Souvent il est responsable du mal-être des victimes. Parfois l'abuseur repère et utilise des failles. Mais cela ne justifie jamais l'agression. Nous devons également veiller à ne pas remettre en cause le discours des victimes, sous peine de les violenter deux fois.