Abbé Pierre : publication d'un nouveau rapport du cabinet Egaé
- https://emmaus-france.org/presses/un-an-apres-emmaus-poursuit-son-action-de-transparence-et-complete-le-dispositif-de-reparation/
- https://www.lavie.fr/actualite/societe/affaire-abbe-pierre-12-nouvelles-victimes-identifiees-dont-des-mineurs-100300.php
- https://www.lavie.fr/actualite/societe/affaire-abbe-pierre-les-victimes-vont-recevoir-une-reparation-financiere-100299.php
- https://emmaus-france.org/wp-content/uploads/2025/07/3_CR-dactivite-Emmaus-Groupe-Egae-1.pdf
- https://eglise.catholique.fr/espace-presse/communiques-de-presse/565103-affaire-abbe-pierre-la-cef-et-emmaus-travaillent-conjointement-et-avec-determination-a-un-processus-de-reparation/
- https://luttercontrelapedophilie.catholique.fr/dioceses/
12 nouvelles victimes identifiées dont 7 mineurs
L'abbé Pierre est visé par douze nouvelles accusations de violences sexuelles, dont « sept concernent des personnes mineures » au moment des faits, selon un rapport du cabinet spécialisé Egaé publié mercredi 🡵.
Durant la période qui s'est écoulée entre le 1er janvier et le 8 juillet 2025, 12 nouvelles victimes de l'abbé se sont fait connaître, selon le dernier compte-rendu d'activité de la ligne d'écoute, un mécanisme d'accueil de victimes composé d'une adresse e-mail et d'un répondeur téléphonique sur lequel il est possible de laisser un message.
« La spécificité de ces nouveaux témoignages tient dans le nombre important de mineurs parmi les victimes », explique Caroline De Haas, la cofondatrice du groupe Egaé, chargé par Emmaüs de gérer la ligne d'écoute. En tout, au moins 45 personnes auraient donc été victimes du fondateur d'Emmaüs.
[…]
Le nouveau rapport tend à montrer qu'Henri Grouès, le nom de naissance de l'Abbé Pierre, c'était également organisé pour commettre des violences en toute impunité. « Ces nouveaux témoignages viennent confirmer que l'Abbé Pierre s'est rendu coupable de violences multiples sur mineurs, parfois en lien avec d'autres adultes qui commettaient des violences », ajoute ainsi Caroline De Haas.
— La Vie
Le nouveau dispositif d'accompagnement
Les trois victimes déjà accompagnées par l'Inirr poursuivent avec cette instance. Toutes les autres sont invitées à se tourner vers la CRR. La réparation financière sera exclusivement à la charge de la CEF avant 1954, et sera partagée entre la CEF et Emmaüs après cette date, selon une répartition non communiquée publiquement.
La CEF et Emmaüs considèrent qu'à partir de 1954 et la médiatisation de l'Abbé Pierre, son double statut de prêtre et de fondateur d'Emmaüs engage les deux entités dans la prise en charge financière de la réparation proposée aux victimes. Avant cette date, la CEF assumera seule cette charge. Le dispositif de réparation financière devrait être opérationnel à partir de septembre 2025.
[…]
Dans un premier temps, l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et réparation (Inirr) s'était portée volontaire pour accompagner les victimes mineures de l'Abbé Pierre, comme elle le fait déjà pour les victimes mineures de prêtres. C'est finalement la CRR qui a été choisie pour accompagner toutes les victimes, quelques heures avant la révélation du dispositif.
Néanmoins, l'Inirr a eu connaissance de trois victimes, dont deux se sont manifestées directement. Ces dernières poursuivront donc le travail de réparation engagé auprès de cette instance.
— La Vie
Communiqué de la Fédération Emmaüs France
Communiqué de la Fédération Emmaüs France
Depuis les premières révélations en juillet 2024 concernant les violences sexuelles commises par l'abbé Pierre, le mouvement Emmaüs a fait le choix de la transparence et de l'attention portée aux victimes, dont nous saluons le courage et que nous remercions pour leur confiance. Ce choix s'est traduit par la mise en place d'un dispositif inédit d'écoute, d'accompagnement, d'enquête sociologique et historique et de réparations, pensé pour accueillir la parole des victimes, leur apporter un soutien et construire une reconnaissance sincère des faits, dans toutes leurs dimensions.
À travers cette démarche, Emmaüs poursuit un double objectif : faire face à la réalité des violences commises tout au long de sa vie par l'abbé Pierre, et placer l'accompagnement des victimes au centre de toutes ses actions.
Un dispositif d'écoute maintenu sans interruption
Dès les premières publications de témoignages à l'été 2024, Emmaüs a confié au groupe Égaé la mise en place et l'animation d'un dispositif d'écoute et de recueil de la parole des victimes dans le cadre d'un appel à témoignage qui a donné lieu à la publication de 3 documents de synthèse, le dernier au mois de janvier 2025. A la suite de ce dispositif, Emmaüs a ensuite souhaité maintenir une ligne d'écoute à destination des victimes de l'abbé Pierre qui ne se seraient pas exprimées dans le cadre de l'appel à témoignages (compte-rendu d'activité de la ligne d'écoute janvier – juillet 2025). C'est dans ce cadre que 12 nouveaux témoignages ont été reçus depuis janvier 2025, dont 7 concernent des personnes mineures au moment des faits, âgées de 10 à 17 ans. Ces témoignages s'ajoutent à ceux déjà recensés entre 2024 et 2025. L'un d'eux a conduit à un signalement à la justice en raison de la gravité des faits rapportés, qui mettent en cause des tiers, dont deux personnes, aujourd'hui décédées, ayant évolué dans l'entourage de l'abbé Pierre, et qui avaient des responsabilités dans une structure Emmaüs locale.
Chaque victime entendue peut bénéficier d'un accompagnement psychologique, de la possibilité de participer à des groupes de parole et, si elle le souhaite, d'un échange avec les responsables du mouvement. Ce dispositif d'accueil, dont la gestion a été confiée au groupe Égaé, restera actif aussi longtemps que nécessaire, pour permettre à toute personne concernée de se manifester, dans le respect absolu de son anonymat et de son rythme. Ce travail d'écoute, de reconnaissance, et de réparation a toujours été, et restera toujours, la priorité du mouvement Emmaüs.
Lancement d'un dispositif de réparation financière conjointement avec l'Église
Un an après avoir engagé ce processus de reconnaissance, Emmaüs et la Conférence des évêques de France (CEF) ont décidé conjointement la mise en place d'un dispositif de réparation financière à destination des victimes de l'abbé Pierre, qui sera porté par la commission reconnaissance et réparation (CRR). Préalablement, cette décision a été validée par le Conseil d'administration d'Emmaüs International et l'Assemblée générale d'Emmaüs France. Ce dispositif sera complété par l'engagement pris par l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et réparation (Inirr) de prendre en charge la réparation pour les trois victimes de l'abbé Pierre qui l'ont déjà contactée. Ces deux organismes sont spécialisés et totalement indépendants.
Ce dispositif, opérationnel à compter de septembre 2025, sera entièrement financé par les fonds propres du mouvement Emmaüs et ceux de la CEF. Aucun don versé au mouvement Emmaüs ne servira à financer ces réparations. L'effort financier assumé conjointement par l'Église et Emmaüs repose sur un principe de responsabilité partagée : à partir de 1954, l'abbé Pierre devient une figure publique associée à la fois à son sacerdoce et à son rôle dans la fondation d'Emmaüs.
Les montants versés seront établis en totale indépendance par l'Inirr et la CRR, en fonction de chaque personne et selon les critères des institutions. Des garanties strictes sont apportées sur la protection de l'anonymat, l'indépendance de l'évaluation des dossiers et la non-publicité des démarches.
Une reconnaissance de la responsabilité historique d'Emmaüs
Pendant des décennies, le mouvement Emmaüs a bénéficié de la figure de l'abbé Pierre, dont l'image a puissamment contribué à la notoriété et à la légitimité du combat contre la misère. Les révélations de ces derniers mois ont montré que cette figure publique, unanimement respectée, avait aussi commis des violences très graves. Pour Emmaüs, cette réalité fait désormais partie de l'histoire de son fondateur.
La mise en place du dispositif de réparation financière s'inscrit ainsi dans une continuité logique : elle prolonge le devoir de transparence par un devoir de réparation, dans toutes ses dimensions – morale, psychologique, matérielle. Elle relève donc à la fois de la cohérence de notre approche vis-à-vis des victimes et de notre responsabilité en tant qu'organisation co-fondée par l'abbé Pierre et fortement associée à son image pendant de nombreuses années.
Une articulation entre réparation, mémoire et recherche
Ce travail de transparence ne s'arrête pas à la reconnaissance institutionnelle ni à l'indemnisation. Emmaüs a confié à la Commission indépendante d'études sur les violences commises par l'abbé Pierre (CEVAP), dirigée par la sociologue Céline Béraud et hébergée par l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), la mission d'analyser et de chercher à comprendre les mécanismes qui ont permis à l'abbé Pierre de commettre des violences pendant des décennies en toute impunité.
Cette démarche de recherche indépendante a débuté en février 2025. Pour le mouvement Emmaüs, il est essentiel de comprendre ces mécanismes afin de prévenir toute reproduction de ce phénomène. Son rapport est attendu pour début 2027.
Une démarche sans précédent par son ampleur et sa cohérence
Depuis un an, Emmaüs a fait le choix de porter en même temps deux ambitions fortes : prendre en compte la parole des victimes et assumer ses responsabilités institutionnelles. À l'écoute a succédé l'accompagnement ; à la reconnaissance, une enquête sociologique et historique rigoureuse ; au choc de la révélation des faits, une volonté de réparer. Aucun de ces volets ne suffit seul, mais tous ensemble composent une démarche que nous avons souhaitée complète et cohérente.
Elle répond aussi à une exigence morale : celle de reconnaître que les victimes de l'abbé Pierre, longtemps ignorées, doivent désormais être écoutées, crues, accompagnées, soutenues.
Ces choix permettent au mouvement Emmaüs de rester fidèle à l'idéal de justice qui a fondé son engagement.
Désormais, une nouvelle phase s'ouvre, avec un dispositif complet au service des victimes, qui peuvent le mobiliser dans chacune de ses composantes autant qu'elles le souhaiteront ou en sentiront le besoin.
Contacts presse :
Roman Abreu +33 6 23 21 36 86
Elizabeth Jacob +33 6 38 01 30 37
Pauline Reullier +33 6 70 14 30 17
Communiqué de la Conférence des Évêques de France
La Conférence des évêques de France (CEF) a reçu avec effroi le témoignage de 12 nouvelles personnes victimes de l'Abbé Pierre, dont 7 mineures au moment des faits. Les évêques assurent ces personnes de leur proximité.
La CEF et Emmaüs ont le souci de prendre en charge les personnes victimes afin de les aider dans leur reconstruction après ce qu'elles ont subi. Elles travaillent conjointement et avec détermination à un processus de réparation.
Ce dispositif de réparation s'appuie sur l'expertise reconnue de la CRR (Commission de Reconnaissance et de Réparation) dans l'accompagnement des personnes victimes mineures et majeures. Les personnes victimes de l'Abbé Pierre pourront s'adresser à cette commission. Il s'agit avant tout d'un dispositif d'accueil, d'écoute, de reconnaissance, de réparation financière et d'accompagnement des personnes victimes pour les aider à se reconstruire.
Les personnes déjà prises en charge par l'INIRR (Instance Nationale Indépendante de Reconnaissance et de Réparation) poursuivront le travail de réparation engagé auprès de cette instance.
De nouveau, dans un souci de vérité et de clarté, la CEF encourage toute personne ayant subi des violences par l'Abbé Pierre à se rapprocher de l'un des dispositifs d'écoute et d'accompagnement de l'Église.
— CEF
Coordonnées des dispositifs de la CEF d'écoute et d'accompagnement des personnes victimes de violences sexuelles dans un cadre ecclésial 🡵 :
- Le numéro d'appel national dédié, créé par la CEF et la CORREF avec l'association France Victimes (des professionnels de l'aide aux victimes, indépendants de l'Église, disponibles 7/7 j de 9h à 21h) : 01 41 83 42 17
- Les cellules d'écoute des diocèses via le lien suivant
- L'adresse email paroledevictimes@cef.fr
- L’INIRR (Instance nationale de reconnaissance et de réparation), pour les personnes agressées lorsqu'elles étaient mineures : secretariat@inirr.fr
- La CRR (Commission de Reconnaissance et de Réparation) : victimes@crr.contact
Informations complémentaires
Abbé Pierre (1912-2007)
- https://fr.wikipedia.org/wiki/Abb%C3%A9_Pierre
- https://www.nouvelobs.com/societe/20250416.OBS102841/les-secrets-de-l-abbe-pierre-exhumes-comment-quelqu-un-qui-a-fait-tant-de-bien-a-t-il-aussi-pu-faire-tant-de-mal.html
- https://allary-editions.fr/products/laetitia-cherel-et-marie-france-etchegoin-abbe-pierre-la-fabrique-dun-saint?srsltid=AfmBOoq97BPzVyTd_tjLFuj0HFJlsjNcSu4fL2_SW-4JUlTPcXzrXCR_
- https://www.nouvelobs.com/societe/20250416.OBS102848/agresseur-sexuel-antisemite-manipulateur-qui-etait-vraiment-l-abbe-pierre-ce-cas-clinique-qui-revait-d-etre-un-saint.html
- https://martineroffinella.fr/idolatrie-mode-demploi/
- https://www.liberation.fr/societe/abbe-pierre-retour-sur-sept-mois-de-revelations-20250113_RZF36YZHUZC7LHMLWO4VSGPEVY/
- https://www.liberation.fr/societe/police-justice/un-viol-sur-mineur-des-abus-incestueux-labbe-pierre-vise-par-neuf-nouvelles-accusations-de-violences-sexuelles-20250113_RRA3QGLHE5G27GIE73IZRIEC5Y/
- https://emmaus-france.org/presses/un-an-apres-emmaus-poursuit-son-action-de-transparence-et-complete-le-dispositif-de-reparation/
- https://www.lavie.fr/actualite/societe/affaire-abbe-pierre-12-nouvelles-victimes-identifiees-dont-des-mineurs-100300.php
- https://www.liberation.fr/societe/religions/de-nouveaux-documents-revelent-les-menaces-de-labbe-pierre-contre-ceux-qui-laccusaient-dagressions-sexuelles-20240909_24HVKSPSAZCK5ASSF7L2KUAJ7E/
- https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/01/13/de-nouvelles-accusations-contre-l-abbe-pierre-incluant-viol-sur-mineur-inceste-et-menaces-rendues-publiques_6496418_3224.html
- https://www.liberation.fr/societe/affaire-abbe-pierre-sanda-slag-letrange-egerie-que-labbe-pierre-a-entretenue-pendant-presque-dix-ans-20250113_KDYBPM4FL5DJVBMIAMJQOMNU3M/
- https://www.leparisien.fr/faits-divers/emmaus-sur-les-nouvelles-accusations-contre-labbe-pierre-oui-des-personnes-savaient-probablement-chez-nous-13-01-2025-67HL4OO6YNA4HNA2AIAXNAIM2E.php
- https://www.liberation.fr/societe/religions/abbe-pierre-accuse-dagressions-sexuelles-vous-imaginez-le-courage-quil-a-fallu-aux-victimes-pour-oser-denoncer-cette-figure-20240717_GRAIBJAEOFGO7N4ELPQGGZNSBM/
- https://www.la-croix.com/religion/affaire-abbe-pierre-les-revelations-du-nouveau-livre-sur-le-fondateur-d-emmaus-20250417
- https://www.la-croix.com/religion/affaire-abbe-pierre-ce-que-revelent-les-archives-de-l-eglise-de-france-20240919
- https://www.liberation.fr/societe/religions/abbe-pierre-des-1955-leglise-catholique-alertee-daccusations-dagressions-sexuelles-lors-dun-voyage-aux-etats-unis-20240801_XUXR5ADIVVD75KEFT6SEELUNVQ/
- https://www.lavie.fr/christianisme/eglise/affaire-abbe-pierre-emmaus-et-leglise-sous-pression-95872.php
- https://www.liberation.fr/societe/religions/accusations-de-violences-sexuelles-des-annees-50-a-sa-mort-labbe-pierre-sous-la-haute-vigilance-de-leglise-20240813_GK7JMEWIJRGVRACQE45KA4RYGI/
- https://www.francetvinfo.fr/enquetes-franceinfo/enquete-quand-l-abbe-pierre-menacait-ceux-qui-denoncaient-ses-agissements_6770512.html
- https://www.rtl.fr/actu/justice-faits-divers/info-rtl-l-abbe-pierre-accuse-d-agressions-sexuelles-que-revelent-les-archives-de-l-eglise-7900417579
- https://www.liberation.fr/societe/religions/affaire-abbe-pierre-le-vatican-savait-depuis-au-moins-1959-20240917_P57N4HGNB5AEDGKUTSNPGPAE7I/
- https://www.lefigaro.fr/actualite-france/abbe-pierre-les-archives-de-l-eglise-dressent-le-portrait-d-un-grand-malade-mental-20241014
- https://www.francebleu.fr/emissions/l-invite-du-6-9-france-bleu-isere/abbe-pierre-l-eveque-de-grenoble-confirme-avoir-recu-des-2005-une-lettre-denoncant-des-gestes-deplaces-3763474
- https://c.ledauphine.com/societe/2024/10/19/affaire-abbe-pierre-quand-mgr-dufaux-de-grenoble-a-refuse-de-donner-suite
- https://www.liberation.fr/societe/religions/il-ma-agrippe-les-deux-seins-labbe-pierre-vise-par-des-accusations-dagression-sexuelle-par-une-huitieme-femme-20240720_4I3FZUPOQRAWTLMJJTTDIP64DY/
- https://x.com/heloise_dn/status/1837168761280852192
- https://www.liberation.fr/societe/religions/affaire-abbe-pierre-des-faits-connus-a-la-direction-demmaus-a-la-fin-des-annees-50-20241016_XQTQXZESCNGCRHD2WBKBOSHILY/
- https://www.liberation.fr/societe/religions/ma-mere-lui-disait-de-faire-une-psychanalyse-la-famille-de-labbe-pierre-connaissait-sa-sexualite-problematique-20241007_YKXJGRLR7ZHB7NKHYILDSUOXZM/
- https://www.lemonde.fr/religions/article/2024/12/13/ces-lettres-de-l-abbe-pierre-qui-revelent-un-religieux-tourmente-par-la-chair-des-son-plus-jeune-age_6445663_1653130.html
- https://www.liberation.fr/societe/droits-des-femmes/action-devant-la-fondation-abbe-pierre-nombre-dagresseurs-sont-ceux-a-qui-on-donnerait-le-bon-dieu-sans-confession-20240724_UD7VOFJ2GVENXKUEGNPRU5RW7Q/
- https://www.lemonde.fr/societe/article/2025/02/04/affaire-abbe-pierre-aucune-enquete-ne-sera-ouverte-en-raison-de-la-prescription-des-faits_6531629_3224.html
- https://www.la-croix.com/religion/affaire-abbe-pierre-aucune-enquete-penale-les-faits-etant-prescrits-20250204
- https://x.com/MichelAupetit/status/1815665938139594948
- https://actu.fr/normandie/esteville_76247/faut-il-fermer-le-lieu-de-memoire-de-l-abbe-pierre-pres-de-rouen-une-action-choc-a-ete-organisee_61384861.html
- https://podcasts.lemonde.fr/lheure-du-monde/202409230200-labbe-pierre-accuse-de-violences-sexuelles-lhistoire-dune-om
- https://c.ledauphine.com/faits-divers-justice/2024/08/23/isere-abbe-pierre-ils-veulent-une-enquete-sur-le-diocese-de-grenoble-vienne
- https://www.leprogres.fr/faits-divers-justice/2024/08/25/affaire-abbe-pierre-une-lettre-l-accusait-deja-a-grenoble-en-1965
- https://c.ledauphine.com/faits-divers-justice/2024/08/25/isere-affaires-abbe-pierre-pourquoi-la-lettre-qui-l-accuse-etait-elle-au-diocese-de-grenoble
- https://www.francebleu.fr/infos/societe/une-evidence-l-eveque-du-diocese-de-grenoble-vienne-explique-l-ouverture-des-archives-concernant-l-abbe-pierre-1823391
- https://c.ledauphine.com/faits-divers-justice/2024/08/25/isere-a-grenoble-la-lettre-des-capucins-qui-accusait-deja-l-abbe-pierre-en-1965
- https://www.youtube.com/watch?v=y9vBp71AhMY
- https://eglise.catholique.fr/espace-presse/communiques-de-presse/555058-abbe-pierre-tribune-de-mgr-eric-de-moulins-beaufort-dans-le-journal-du-monde/
- https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000051031753
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/normandie/seine-maritime/on-nous-a-demande-de-tout-liquider-sans-accompagnement-humain-le-directeur-du-lieu-de-memoire-abbe-pierre-temoigne-3090769.html
- https://www.lavie.fr/actualite/societe/affaire-abbe-pierre-les-victimes-vont-recevoir-une-reparation-financiere-100299.php
- https://x.com/palais_au/status/1813617944871756233
- https://www.leparisien.fr/societe/religions/le-mal-qui-a-ete-fait-na-pas-de-prix-pascale-victime-de-labbe-pierre-reclame-reparation-14-01-2025-DG5IYWH6KBDY3LTNVIAZAKRXCQ.php
- https://www.leparisien.fr/faits-divers/revelations-sur-labbe-pierre-viol-sur-mineur-agressions-menaces-de-nouvelles-accusations-devoilees-13-01-2025-HWC5OIYQ6NGYLGLZLI3LRSR7RU.php
- https://associationeva.org/informations/
Le prédicateur était un prédateur. Tout au long de sa vie, l'abbé Pierre a agressé sexuellement des femmes, parfois mineures, et même des enfants 🡵.
Un livre de Laetitia Cherel et Marie-France Etchegoin explore largement la part manipulatrice de l'abbé Pierre qui a construit lui-même sa légende en transformant la vérité au profit de son image 🡵, qui était d'alleirs celle que l'on souhait voir : « Henri Grouès, futur emblématique abbé Pierre, rendait bien service à l'Église, elle-même coupable de nombreux errements pendant l'Occupation : un « curé maquisard », même inventé, les arrangeait bien » 🡵.
Les rapports produits par le groupe Egaé
- Rapport n°1 – remis le 4 juillet 2024 et publié le 17 juillet 2024 avec 7 témoignages : L'abbé Pierre y est accusé par sept femmes, dont une mineure au moment des faits, de violences sexistes et sexuelles entre la fin des années 1970 et 2005. Parmi les faits, le rapport fait état de « comportements inadaptés d'ordre personnel », d'une « proposition sexuelle », de « propos répétés à connotation sexuelle », de « tentatives de contacts physiques non sollicités » et notamment de « contacts non sollicités sur les seins ». Cinq personnes font état de comportements répétés 🡵.
- Rapport n°2 – remis le 4 septembre 2024 et publié le 6 septembre 2024 avec 17 témoignages : La majorité des faits rapportés ressemblent à ceux des premiers témoignages. Certains font cependant état de « contacts sexuels répétés sur une personne vulnérable », de « pénétration sexuelle répétée » et de « baisers forcés et autres contacts sexuels sur une enfant ». Les témoignages remontent aux années 1950 pour des faits qui se sont produits pour la plupart en France, mais également à l'étranger, aux États-Unis, au Maroc, en Belgique ou en Suisse 🡵.
- Rapport n°3 – remis le 8 janvier 2025 et publié le 13 janvier 2025 avec 9 témoignages : dont un viol sur mineur et une agression incestueuse 🡵.
- Rapport n°4 – publié le 9 juillet 2025 avec 12 nouvelles victimes identifiées dont 7 mineurs 🡵.
Cela porte à 45 le nombre de témoignages qui ont été publiés 🡵.
L'abbé Pierre, un manipulateur
Utilisation de situation de vulnérabilité
M. cherchait un logement. Elle a écrit à l'abbé Pierre qui l'a hébergée quelques jours dans un lieu où il résidait et l'a aidée dans ses démarches. M. a eu une dizaine d'entretiens avec l'abbé Pierre lors de ce séjour. Elle a subi à chaque fois des baisers forcés et des contacts sur sa poitrine. L'abbé Pierre mettait la main sur son sexe à travers le pantalon. Elle avait une vingtaine d'années.
Plusieurs personnes étaient particulièrement vulnérables au moment des faits : plusieurs étaient mineures, une personne fait partie de la famille de l'abbé Pierre, au moins deux personnes étaient en situation de vulnérabilité économique dans le cadre d'une recherche de logement 🡵.
Conseils pour éviter des accusations
Lettre de l'abbé Pierre adressée à un homme mis en cause pour son comportement avec deux jeunes filles mineures, dans laquelle il lui donne des conseils pour éviter des accusations.
Enfin, les familles de deux jeunes filles avec lesquelles tu t'es lié et sur qui ton influence semble bien pernicieuse, et qui si je suis bien informé, sont des jeunes filles mineures, pourraient très vite en venir à porter contre toi des accusations.
Tout cela n'est pas catastrophique, mais à une condition et il n'y en a pas plusieurs, c'est que l'on puisse montrer que toutes ces bêtises proviennent de ton mauvais état de santé nerveuse. J'ai pris contact avec le Dr xxxxxxxx, le Patron de la clinique où le xxxxxxxx son adjoint, t'a déjà soigné.
Le Dr xxxxxxxx te donne rendez-vous vendredi 12 mai à 11 h30 à la polyclinique.
Il est plein d'amitié et fera tout pour te sortir de cette impasse. Je suis certain qu'il n'y a pour toi aucune autre solution. Ne la néglige pas. Sois au rendez-vous de vendredi.
J'avertis l'Archiprêtre de la cathédrale. Si tu as, d'ici vendredi, quelque inquiétude, vois avec lui à te faire héberger quelque part. Peut-être chez les amis de Solignac. Mais surtout, ne manque pas le rendez-vous de vendredi matin.
Inversion de culpabilité
Lundi 28 mars 2005 - Lundi de Pâques
Madame,
Ce dont [ANONYMISE] me parle, croyez que je n'ai aucun souvenir. A 93 ans, il n'est pas facile de se souvenir de tant d'années avec leurs difficultés, si un jour il m'est arrivé quoi que ce soit qui ait pu vous faire un mal, je vous demande de le pardonner, vous souvenant de ses (illisible) du « Notre Père » « Pardonnez nous comme nous pardonnons ».
Dieu vous comble de Paix.
Abbé Pierre
- « si un jour il m'est arrivé » : on se demande qui est la victime…
- « je vous demande de le pardonner » : ordre, accompagné de « le » au lieu de « me »… on se demande qui est l'auteur
Des menaces
Dans une missive griffonnée à la fin de l'année 1955, Henri Grouès (le nom à l'état civil de l'abbé Pierre) s'adresse à un étudiant américain, Marshall Suther, quelques mois après son retour d'un séjour aux États-Unis : « Tu promettais de ne plus te mêler de cette multitude de choses où tu ne sais accumuler que des ravages, chaos et infection », écrit le religieux. « Sache que pas une récidive ne restera sans réponse, et s'il le faut [mes réponses seront] brutales, chirurgicales. »
Le document [le troisième rapport d'Egaé] décrit également « des mécanismes de mise sous silence des victimes, notamment par des propos ou comportements menaçants ». Il rapporte ainsi le témoignage d'une femme, mineure au moment des faits : « [l'abbé Pierre] me dit qu'il est très puissant, que les gens l'aiment, et qu'il ne faudra jamais au grand jamais parler de ce qui vient de se passer à quiconque, qu'on ne me croirait pas et que j'aurais des gros problèmes si je venais à en parler ».
— Le Monde
Une personne méthodique et organisée
C'est ce que révèle un article de Libération, à propos de la relation qu'il avait entretenue avec Sanda Slag, qualifiée par le journal d'égérie que le prêtre a entretenue pendant presque dix ans.
Un prédateur
« Le crescendo des rapports montre qu'il y a de la manipulation, de la stratégie, des menaces, du chantage, des pressions et, parfois, ce qui peut relever d'une organisation. Tout cela mis bout à bout dessine le portrait d'un prédateur qui commet des choses extrêmement graves. C'est un terme qu'il faut assumer car je crois que c'est la réalité ».
— Tarek Daher, délégué général d'Emmaüs France, dans Le Parisien
La difficulté des victimes pour parler
Une des personnes entendues en entretien a confié au groupe Egaé : « J'ai l'habitude de me défendre. Mais là, c'était Dieu. Comment vous faites quand c'est Dieu qui vous fait ça ? »
Toutes parlent d'une forme de sidération lors des faits. Elles disent : « Est-ce que cela se passe réellement ? », « Est-ce qu'il se rend compte ? », « C'est l'abbé Pierre, je ne peux rien faire ». Le groupe Egaé a perçu dans certains des récits une forme d'emprise alimentée par la différence d'âge, le statut de l'abbé Pierre et une forme d'idolâtrie, ou la situation de subordination entre lui et les personnes (proximité familiale, travail).
Vous imaginez le courage qu'il a fallu aux victimes pour oser dénoncer cette figure ? C'est presque comme toucher au sacré. Il était considéré comme tel par tant de personnes dans la société. Nous avons un vrai problème avec les personnalités charismatiques. Soit parce qu'elles emportent les foules, soit parce que, comme l'abbé Pierre, elles ont réalisé des actions très importantes. D'un seul coup, face à ces hommes, il n'y a plus aucun esprit critique. Ce que cela dit de l'Église catholique, c'est que, décidément, nous manquons de la vigilance la plus élémentaire sur les comportements des hommes, d'autant plus lorsqu'ils sont célèbres. Et je pense que ça, c'est extrêmement grave et c'est une tragédie.
Un problème connu au Vatican dès 1955
Les alertes étaient venues du continent américain, selon les écrits révélés par les auteures, de l'archevêque de Montréal, où, en voyage en mai 1955, l'abbé Pierre a « embrassé, étreint, caressé et touché des femmes qui s'en sont plaintes ».
Cette même année, plusieurs témoignages remontent alors au Saint-Office, affirment les journalistes de Radio France, qui demande à l'un de ses commissaires, le père Paul Philippe, qui a aussi activement contribué à faire condamner les dominicains Thomas et Marie-Dominique Philippe, de recueillir l'avis d'un psychiatre sur l'homme qui s'est fait connaître du grand public l'année passée à travers son appel de l'hiver 54.
Le dossier romain révèle aussi qu'un religieux français, le père Joseph Géraud, écrit au Vatican, toujours en 1955, pour se plaindre des « choses immorales » commises par l'ancien capucin à l'occasion d'un voyage aux États-Unis : « Les cercles catholiques et protestants ont été scandalisés par ses faiblesses sur plusieurs femmes » qui se sont « plaintes d'avoir subi des attouchements ».
— La Croix
Un problème connu de nombreux évêques… et protégé par certains
Les journalistes de Radio France ont déniché la réponse de Mgr Renard [datée de 1955] : « Il semble que ses relations « inhonestae » [déshonorantes] ont été moins graves qu'il n'a été dit : [l'abbé Pierre] a eu des gestes d'attendrissement en des moments d'épuisement nerveux compliqués de détresse, lors de grandes conférences en Amérique et en France, et les attitudes visées n'ont jamais existé en présence d'autres personnes ». L'évêque neutralise ainsi toute tentative vaticane d'enquête canonique quand bien même des alertes lui ont été remontées. Deux ans plus tard, une monition canonique du Vatican sera infligée au prêtre, qui évitera par la suite toutes les tentatives d'encadrement de l'épiscopat.
— La Croix
Mgr Villot proposera dans plusieurs courriers de l'envoyer définitivement au sein d'un pays « sous-alimenté » ou dans « un pays de lépreux ».
— La Croix
Les informations sur ses frasques sexuelles circulaient largement parmi les évêques dès 1955, comme le montrent les nombreuses lettres entre le secrétariat de l'épiscopat et les évêques français de l'époque.
[…]
La connaissance des problèmes liés à l'abbé Pierre se répand progressivement dans l'épiscopat français. En 1959, une lettre de l'évêque de Limoges à Mgr Villot l'atteste. Surpris par un article élogieux sur le fondateur d'Emmaüs dans la presse catholique, il interpelle Mgr Villot : « Est-il vrai que l'abbé Pierre a été chassé de tel pays ? Qu'il s'est vu interdire tel autre ? Est-il opportun que sa personne soit ainsi étalée, grandie ? »
— La Croix
- 1955 Lors du voyage de l'abbé Pierre aux États-Unis, Maritain est prévenu que deux femmes de New York se plaignent du comportement de l'abbé Pierre à leur égard. Selon Fourcade, le cardinal Spelmann et son homologue à Chicago, le cardinal Samuel Stritch, auraient également été alertés. Pour éviter le scandale, l'urgence est d'écourter le séjour et d'exfiltrer l'abbé Pierre. Dans ses carnets, Maritain note, le 12 mai, que lors d'un échange téléphonique avec Marshall, il suggère « un vol directement de Chicago à Paris ». 🡵
- 1957 Sur ordre de l'évêque grenoblois de l'époque, André-Jacques Fougerat, l'abbé Pierre avait été interné six mois à la clinique psychiatrique suisse de Prangins. Officiellement, il s'agissait d'une cure de repos ; officieusement, c'était aussi pour l'éloigner des femmes 🡵.
- 1958 Le cardinal archevêque de Paris Maurice Feltin s'oppose à ce que l'Abbé Pierre soit promu officier de la Légion d'honneur 🡵.
- 1958 Lettre adressée à l'abbé Pierre par le curé chargé de le surveiller : « Nous avons vu l'évêque de Grenoble. Comme tout le monde, il souhaite que vous puissiez vous cacher un an » 🡵.
« L'Assemblée des cardinaux et archevêques » est citée dans plusieurs de ces courriers, il semble donc que toute la hiérarchie était informée. Plusieurs noms de hauts dignitaires de l'Église reviennent, dans des lettres datées de 1956, 1958 ou 1959. Ainsi l'ecclésiastique Jean Villot, alors secrétaire général de l'épiscopat, écrit en ces termes au cardinal Gerlier, le 10 janvier 1958 : « Le prétexte de santé qui a été invoqué ne sert qu'à couvrir son maintien dans une clinique des environs de Genève. Si je me permets d'écrire à Votre Éminence, alors qu'elle est peut-être informée, par ailleurs, de cette situation si pénible, c'est pour que l'on évite, autant qu'il sera possible, de faire des compliments publics à l'abbé, et pour que l'on s'en tienne strictement aux lois d'un accueil fraternel ».
« Il ne faut pas se dissimuler, en effet, que tout cela pourra, un jour ou l'autre, être connu et que l'opinion serait bien surprise alors de voir que la hiérarchie catholique a maintenu sa confiance à l'abbé Pierre. Il y a longtemps déjà que le PC a un dossier à son sujet. Toute la psychologie de l'abbé, attachante par l'humilité avec laquelle il parle de ses faiblesses, n'en est pas moins fort inquiétante et trouble par la facilité avec laquelle il les accepte et en minimise la gravité. »
— RTL
A partir de la fin des années 50, l'abbé Pierre est placé sous surveillance, accompagné de deux « socius » 🡵
C'est bien collectivement que l'épiscopat a dû gérer le dossier très épineux de l'abbé Pierre, d'après les divers documents d'archives consultés par Libération. En 1957, le secrétariat de l'Assemblée des cardinaux et archevêques traite directement de ce qui concerne le prêtre. Ce qui n'est pas une procédure habituelle. En effet, l'abbé Pierre relevait hiérarchiquement de l'évêque André-Jacques Fougerat à Grenoble, là où il avait été ordonné prêtre. Fougerat, d'après ses nombreux courriers, semble dépassé par la situation. En mars 1958, le nom de l'abbé Pierre est inscrit à l'ordre du jour de l'assemblée générale de l'ACA. Celle-ci rassemble au moins une vingtaine de cardinaux et d'archevêques, les plus importants et les plus influents dans l'Église catholique en France, un quart de la totalité de l'épiscopat. Avec la discrétion habituelle lorsqu'il s'agit des dérives sexuelles des prêtres, aucun compte rendu n'a été retrouvé, à ce jour, par les historiens. Une nouvelle fois, le cas de l'abbé Pierre est examiné par l'assemblée générale en 1964.
A la fin des années 50 et des années 60, de nombreux évêques écrivent au secrétariat de l'Assemblée des cardinaux et archevêques pour demander quelle conduite tenir vis-à-vis de l'abbé Pierre. Signe qu'ils sont, eux aussi, au courant des scandales provoqués par le fondateur d'Emmaüs.
Une lettre du 13 novembre 1964 émanant peut-être du secrétaire général de l'épiscopat, résume l'affaire en parlant de « grand malade mental » faisant l'objet de « perte de tout contrôle de soi, notamment après des livres à succès » et assure que « de jeunes filles en ont été marquées pour la vie » 🡵.
L'abbé Pierre a bien fait l'objet de sanctions. D'après les documents consultés par Libération, il lui a été interdit de recevoir des confessions, une sanction dont il a demandé la levée à plusieurs reprises.
En 1966, le vicaire général de Versailles sollicite auprès de Mgr Roger Etchegaray, sur demande de l'abbé Pierre, que le prêtre puisse donner la confession dans le diocèse.
Ce à quoi Mgr Etchegaray, à l'époque secrétaire général de l'épiscopat, répond « qu'il ne serait pas sage de lui donner (ces) pouvoirs ». « Même s'il s'est calmé ces derniers temps, il reste très fragile », ajoute ce dernier, relevant même un mensonge de l'abbé Pierre : « Il prétend avoir les pouvoirs (de confesser) déjà dans l'archidiocèse de Rouen. Ce n'est certainement pas vrai pour la province ecclésiastique, ce serait à vérifier pour ce qui regarde le diocèse même de Rouen », précise-t-il.
— La Croix
2005 Le témoignage d'une victime remonté au diocèse de Grenoble par les capucins 🡵. La réponse de Mgr Dufaux, retrouvée dans les archives du diocèse de Grenoble est d'une incroyable froideur : « Pour le moment, je ne compte pas donner suite de quelque façon que ce soit. Vous avez signalé à cette dame que l'abbé Pierre était incardiné au diocèse de Grenoble, si elle veut insister sur son problème, elle m'écrira directement et je verrai ce qu'il faut lui répondre à ce moment-là » 🡵.
Malgré ces paroles, « les évêques informés et les responsables d'Emmaüs ont étouffé les affaires », écrivent les membres de la commission indépendante. « Les témoignages de la Ciase ont conduit l'un d'entre nous à interroger le diocèse de Grenoble, dont dépendait l'abbé Pierre. Il a reconnu disposer de données, sans les avoir communiquées », précisent-ils.
Un problème connu de certaines personnes à Emmaüs
3 juin 1958 : Mgr Foucard écrit au Cardinal Liénart : « Les responsables d'Emmaüs ne souhaitaient pas voir revenir le fondateur malgré la reconnaissance et l'attachement personnel qu'il lui garde. »
Des documents exclusifs consultés par « Libération » démontrent que des personnalités importantes du mouvement étaient au courant des agressions sexuelles reprochées au religieux, et des risques de réitérations, dès les années 1957-1958 🡵.
Une personne entendue dans le cadre de l'enquête, qui connaît bien le Mouvement a dit : « Toute une génération [celle du début] savait que l'abbé Pierre dérapait ». La personne a ajouté : « Ce n'était pas un épiphénomène ».
En 1992, B. raconte avoir informé des dirigeants de l'époque des comportements de l'abbé Pierre. « Je leur en ai parlé. C'était dans le bureau où l'abbé Pierre avait essayé de me bloquer. Ils m'ont dit « On pensait qu'il s'était calmé ». Ils m'ont dit que je n'étais pas la seule dans les secrétaires d'Emmaüs International. »
En 1995, D. a dit avoir alerté les responsables d'une communauté.
En 2001, plusieurs personnes d'un groupe Emmaüs ont été destinataires du témoignage de G.
Une des personnes entendues a été destinataire de témoignages après la mort de l'abbé Pierre, en 2007, de la part de secrétaires d'Emmaüs International. Il dit « Je les ai crues, je n'ai pas de raison de pas les croire. C'est déstabilisant d'entendre des choses comme ça. Je n'en n'ai pas parlé. »
Une des personnes entendues dit : « J'ai entendu très tardivement qu'on prévenait les secrétaires de faire attention à l'abbé Pierre ». Il raconte également qu'une personne proche de l'abbé Pierre lui a précisé au sujet de l'abbé Pierre que « vieillissant, il avait du mal à réfréner ses instincts. Il ne pouvait pas s'empêcher de toucher les seins des femmes »
Une salariée de l'époque a indiqué que la consigne était donnée à ses collègues féminines de ne pas aller voir l'abbé Pierre seules. Elle dit être toujours allée le voir en étant accompagnée au moins d'une autre collègue et précise qu'il ne s'est jamais rien passé.
« Les dirigeants d'Emmaüs », […] se sont « contentés de mettre en garde de manière officieuse et elliptique des femmes » travaillant pour l'association, soulignent les auteurs de la tribune. Ils n'expliquent toutefois pas pourquoi eux-mêmes n'ont pas dévoilé ces informations.
Quoi qu'il en soit, Emmaüs était au courant de la relation nouée par l'abbé Pierre avec l'ex-compagne de Mouloudji [Sanda Slag]. Selon la copie d'une lettre écrite par un responsable du mouvement que Libérationa pu consulter, Emmaüs verse, en juillet 1996, 10 000 francs (2 300 euros) à Sanda Slag pour qu'elle puisse déménager, et encore 10 000 francs pour rembourser des dettes. « Il est évident,lit-on dans ce courrier, que nous ne pouvons plus accorder d'autres aides, étant donné que tant de gens se bousculent et qui, comme vous, sont aux abois. »
Un discernement vocationnel défaillant
Elle [la sœur de l'abbé Pierre] savait très bien que le célibat, pour lui, c'était quelque chose d'insupportable. En fait, elle lui en a énormément voulu quand il est devenu prêtre parce qu'elle savait que ça ne correspondait pas à ce qu'il était.
Un article du journal Le Monde décrit l'abbé Pierre extrêmement tourmenté, une véritable cocotte minute prête à exploser. Avant son ordination diaconale, il somatise, et se voit devenir fou, selon ses propres mots. A deux jours de son ordination diaconale, il sera examiné par un médecin pour savoir s'il faut ou non l'ordonner. Après son ordination sacerdotale, il sort du couvent sans autorisation, ne tenant plus nerveusement à l'intérieur des murs. L'abbé Pierre est alors prêt à exploser. Conscients de cela, les capucins acceptent sa sortie pour rejoindre le clergé séculier dans le diocèse de Grenoble, moins d'un an après son ordination sacerdotale. L'article du journal Le Monde brosse donc le portrait d'un homme qui n'aurait vraisemblablement jamais dû être ordonné. C'est d'ailleurs l'avis de frère Daniel Painblanc, provincial des capucins de France : « avec le recul que nous pouvons avoir aujourd'hui, j'estime qu'Henri Grouès, dont le caractère était incompatible avec la vie conventuelle, n'aurait jamais dû être capucin, ni être ordonné prêtre chez nous. »
A propos de la non-dénonciation
C'est bien de dire aux victimes qu'on les croit, mais cela ne suffit pas quand on apprend que le diocèse de Grenoble avait l'information, tout comme Martin Hirsch, longtemps à la tête d'Emmaüs France, ou le directeur du lieu de mémoire de l'abbé Pierre à Esteville.
[…]
On demande l'ouverture d'une enquête, que le parquet s'autosaisisse. La non-dénonciation est un délit trop peu poursuivi.
« L'Église catholique avait demandé à la mi-janvier [2025] à la justice d'étudier la possibilité d'une enquête sur l'affaire abbé Pierre, avec un signalement « pour non-dénonciation de viols et agressions sexuelles sur personnes vulnérables et mineurs ». Par courrier, le 24 janvier, « le parquet de Paris a fait savoir que l'action publique était éteinte par le décès du mis en cause en 2007 en ce qui le concernait personnellement, et prescrite en ce qui aurait éventuellement pu concerner des non-dénonciations de faits », a-t-il précisé » 🡵.
Selon La Croix, « un autre signalement pour « non-dénonciation de crimes et agressions sexuelles sur des femmes et des enfants », avait aussi été fait en septembre 2024 par l'association Mouv'Enfants. Et une plainte avait également été déposée en octobre pour le même motif, par une des victimes identifiées par le cabinet Egae, qui avait raconté avoir subi des attouchements, y compris sur ses parties intimes, et subi un baiser forcé en 1974 et 1975, quand elle avait 8 à 9 ans. » 🡵
Il est mort maintenant, à quoi cela sert ?
Le tribunal des hommes jugent les vivants. C'est normal. Mais seul le tribunal de Dieu juge les morts. Ne nous prenons pas pour Dieu et laissons-le exercer sa miséricorde quand « Amour et Vérité se rencontrent ».
Il est mort maintenant, à quoi cela sert ?", ont lancé avec colère les habitants. Et la réponse a fusé, elle, immédiatement : « Les victimes, elles, sont en vie ».
— Actu.fr
La non reconnaissance des faits entraîne le silence, entraîne l'impunité de l'auteur et fait qu'il y a tant et tant de victimes. Donc à vrai dire, ça met très en colère. Encore une fois, il faut bien mesurer qu'on parle de faits très graves. On parle de violences sexuelles. L'abbé Pierre est mort, mais les victimes, elles sont vivantes, vous comprenez ? Et donc il n'est pas question de dire « On va faire une sorte de procès fantoche, d'un mort qui ne peut pas se défendre ». On est en train de dire qu'il faut tenter de réparer ce qui peut l'être des vivants d'aujourd'hui. Et pour ça, il faut faire la clarté sur hier sur ces pages si sombres, parce qu'hier c'est dans la chair des victimes. Donc on doit cela aux vivants.
La gestion des archives de l'Église : l’« exemple » du diocèse de Grenoble
Samedi 24 août 2024 : un dossier de trois pages
Ces archives [le dossier de l'abbé Pierre au diocèse de Grenoble], nous avons cherché à les consulter, pour l'instant sans succès. Le diocèse indique toutefois qu'il s'agit d'un dossier purement administratif, qui doit faire trois pages, avec l'ordination et la démission de l'abbé Pierre à son poste de vicaire de la cathédrale, et qui ne contient aucun document personnel ou de correspondance.
Dimanche 25 août 2024 : une lettre a été retrouvée dans la nuit !
Un témoignage à charge contre l'abbé Pierre avait été transmis au diocèse de Grenoble en 1965 [en réalité 2005, selon la correction apportée le lendemain], révèle ce dimanche le Dauphiné Libéré. Dans un entretien, l'évêque de Grenoble-Vienne Mgr Jean-Marc Eychenne révèle qu'une lettre de la communauté des Capucins –à laquelle l'abbé Pierre a brièvement appartenu– relate le témoignage d'une femme.
19 octobre 2024 : la réponse de Mgr Dufaux est retrouvée dans le dossier de trois pages
Jusqu'ici, on ne savait pas ce que Mgr Dufaux, évêque en 2005, avait répondu aux Capucins. Mais, le courrier en question, retrouvé dans les archives du diocèse de Grenoble est d'une incroyable froideur. Mgr Dufaux répondait ainsi : « Pour le moment, je ne compte pas donner suite de quelque façon que ce soit. Vous avez signalé à cette dame que l'abbé Pierre était incardiné au diocèse de Grenoble, si elle veut insister sur son problème, elle m'écrira directement et je verrai ce qu'il faut lui répondre à ce moment-là ».
Des courriers absents des archives
On sait pourtant qu'il y a eu plusieurs échanges épistolaires entre Mgr Villot et Mgr André-Jacques Fougerat, évêque de Grenoble au sujet de l'abbé Pierre. Les lettres ont été retrouvées dans les archives parisiennes… mais rien à Grenoble ! Ni réception, ni envoi de courrier d'après les minces archives.
Ouvrir ou non les archives : la réponse de Mgr Eychenne
- 25 août 2024 : Mgr Jean-Marc Eychenne juge cela illégal 🡵.
- 14 septembre : Une évidence pour Mgr Eychenne 🡵.
Un prêtre dont aucun évêque ne se sent responsable
Averti à deux reprises du comportement problématique du fondateur d'Emmaüs, l'archevêque de Paris, le cardinal Maurice Feltin, répond, selon un compte rendu du Saint-Office consulté par les journalistes, que « l'abbé ne dépendait pas de son diocèse mais de celui de Versailles ». Sur le territoire duquel se situe Neuilly-Plaisance où naît le mouvement.
L'ouvrage soulève ainsi une question essentielle : de qui dépendait l'abbé Pierre ? De l'évêque de Grenoble où il était incardiné ? De celui de Versailles, territorialement ? Ce statut d'électron libre, ajouté à sa notoriété et son influence, lui a ainsi permis de passer outre les restrictions et les enquêtes. Car le Vatican avait bel et bien exigé, dès 1955, une procédure canonique auprès de l'évêque de Versailles, Mgr Alexandre Renard. Et ce sont certains membres de l'épiscopat français qui ont protégé Henri Grouès, par peur du scandale et face à l'influence de ce dernier.
— La Croix
Et manifester à Grenoble, c'est cohérent ?
« Je dirai que les manifestants se trompent un peu de cibles, car l'abbé Pierre a occupé plusieurs fonctions au sein du diocèse de Grenoble-Vienne entre 1939 et 1944, au début de sa vie de prêtre. Après, il n'était plus du tout chez nous. Bien sûr, il est repassé plusieurs fois en Isère, mais on était en incapacité d'exercer une quelconque tutelle sur lui, du fait notamment de son aura. Il était presque intouchable, avec son passé dans la Résistance, sa lutte contre la grande précarité. C'est d'ailleurs un sujet : quand on place des personnes au-dessus de la mêlée, on prend un risque, celui d'installer la possibilité d'abus de domination. »
L'abbé Pierre, dans les années 50, je ne pense pas qu'il se souciait beaucoup de l'évêque de Grenoble.
La question, c'est plutôt de savoir si un évêque se souciait de lui… ou plus exactement des victimes. Parce que pour proposer à l'abbé Pierre de se faire oublier, l'évêque de Grenoble semble avoir été actif. Par contre, pour les victimes…
L'abbé Pierre a presque toujours vécu à distance de tout cadre proprement ecclésial. Mettre en cause l'Église et le célibat sacerdotal n'est pas à la hauteur de ce que les agressions sexuelles commises par l'abbé Pierre nous obligent encore à voir.
Pour Mgr Éric de Moulins-Beaufort, comme l'abbé Pierre était un électron libre, ce n'est pas la faute de l'Église. Il semble que les évêques ne soient les responsables hiérarchiques que des prêtres parfaits, soumis, rentrant dans le cadre. Pour les autres, c'est pas leur job !
La disparition de l'abbé Pierre de l'espace public
L'abbé Pierre avit donné son nom a de très nombreuses rues en France. Suite aux révélations médiatisées depuis l'été 2024, de nombreuses municipalités ont fait le choix de débaptiser les rues portant son nom.
En ce qui concerne la fondation abbé Pierre, elle change de nom et devient la « Fondation pour le Logement des Défavorisés » début 2025 🡵.
En ce qui concerne le lieu de mémoire dédié à l'abbé Pierre, le centre Emmaüs d'Esteville, celui-ci avait été fermé temporairement au mois d'août 2024 avant de fermer définitivement quelques mois plus tard 🡵.
Le dispositif de réparation
Le dispositif mis en place en juillet 2025
En juillet 2025, Emmaüs et la CEF ont rendu public un nouveau dispositif d'accompagnement des victimes. Les trois victimes déjà accompagnées par l'Inirr poursuivent avec cette instance. Toutes les autres sont invitées à se tourner vers la CRR. La réparation financière sera exclusivement à la charge de la CEF avant 1954, et sera partagée entre la CEF et Emmaüs après cette date, selon une répartition non communiquée publiquement 🡵.
Les victimes ne seraient-elles intéressées que par l'argent ?
Sinon, le montant moyen d'indemnisation en matière d'agression sexuelle est de 5000€. Comme c'est une moyenne, cela prend en compte les faits les plus graves sur les personnes les plus faibles. Les seins c'est dans la partie basse de l'indemnisation. Avec du bol, cela donne 1000€ (avec des frais de justice à payer).
Donc 1000€ moins les frais. Mais par contre, se payer des mois voire des années de procédure, les auditions, le procès, le regard et les cons sur les réseaux sociaux qui insultent… surtout quand on touche à une icône.
Ah, mais bien sûr que c'est pour les gros sous, tout cela !
Comme le résume Pascale, victime de l'abbé Pierre : « La somme, je m'en fiche. Le mal qui a été fait n'a pas de prix. Mais payer serait une forme de reconnaissance de culpabilité » 🡵.
La Commission indépendante d'études sur les violences commises par l'abbé Pierre (CEVAP)
Emmaüs a confié à la Commission indépendante d'études sur les violences commises par l'abbé Pierre (CEVAP), dirigée par la sociologue Céline Béraud et hébergée par l'École des hautes études en sciences sociales (EHESS), la mission d'analyser et de chercher à comprendre les mécanismes qui ont permis à l'abbé Pierre de commettre des violences pendant des décennies en toute impunité. Cette démarche de recherche indépendante a débuté en février 2025. Pour le mouvement Emmaüs, il est essentiel de comprendre ces mécanismes afin de prévenir toute reproduction de ce phénomène. Son rapport est attendu pour début 2027 🡵.
En conclusion
Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieuses et religieux de France, qui a recueilli en 2023 le premier témoignage à l'origine du scandale, ne cache pas son dégoût. Le chiffre avancé de 57 victimes se situe en deçà de la réalité, pressent-elle : « Avec le recul que l'on a sur ce type d'affaires, il faut en craindre deux à trois fois plus au minimum — entre ceux qui n'oseront pas parler, ceux qui font une dissociation traumatique… »
La sœur, qui a contribué à la mise en place de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase), voit aussi dans ces révélations « sordides » « une faillite institutionnelle » constatée dès les années 1950, date des premiers écrits de l'Église faisant mention de comportements inadaptés de l'abbé. Ceux-ci avaient été jugés assez graves pour qu'on l'envoie pour six mois à Prangins (Suisse), dans une clinique psychiatrique pour VIP, face aux eaux bleues du lac Léman.
« On a pris des mesures à son égard qui n'étaient pas assez coercitives, même si l'on peut penser qu'il s'est appliqué à tromper son monde, manipuler ses victimes mais aussi les autorités, estime Véronique Margron. Il y a eu une responsabilité d'Emmaüs, de l'Église, mais aussi politique. Sans cette faillite, il n'y aurait sans doute pas eu autant de faits ».
Pour aller plus loin : de nombreuses ressources sont disponibles sur le site Internet d'EVA, Espérance Vérité Amitié.