Frères maristes de Pélussin : François Bayrou de nouveau pointé pour son inaction

Mediapart s'est replongé dans l'hiver 1995. À Pélussin, les deux professeures font alors exploser l'omerta qui règne à Saint-Jean, au moment même où la lanceuse d'alerte de Bétharram, Françoise Gullung, se heurte à l'autre bout de la France au mutisme de François Bayrou.

Les symétries entre les deux dossiers sont frappantes : à Pélussin aussi, le directeur d'établissement est un agresseur sexuel, avec des victimes qui se comptent par dizaines ; à Pélussin aussi, des internes dénoncent des violences physiques et des humiliations érigées en système « éducatif », avec tympan perforé à la clef ; à Pélussin aussi, les enseignantes qui s'indignent sont ostracisées, puis évacuées ; et jusqu'au numéro d'urgence pour l'enfance maltraitée qu'on s'échine, ici aussi, à cacher.

« Quand j'ai entendu parler de Bétharram [en février 2025 – ndlr], ça a rouvert la boîte de Pandore », témoigne ainsi une ancienne élève des maristes.

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1995 Deux enseignantes signalent leur chef d'établissement, le frère Jean Vernet, au procureur de la République après avoir alerté le rectorat

En quelques jours, des dizaines d'enfants sont entendu·es par les gendarmes : il s'avère que le directeur Jean Vernet, qui gère l'infirmerie lui-même, sans le moindre diplôme de soignant, agresse les enfants depuis des années au prétexte de « palpations » et de gestes médicaux.

Expédié illico en détention provisoire, le frère mariste de 52 ans, qui ne cessera de nier, sera condamné pour des agressions sexuelles, notamment des masturbations, sur une trentaine de garçons et de filles, la plupart âgé·es de moins de 15 ans. « Il a glissé sa main sous mon collant. Il respirait vite, il bavait », a par exemple raconté une élève. La peine prononcée en appel ? Trente mois de prison, dont douze avec sursis, assortis d'une interdiction définitive « d'exercer une fonction d'enseignement ».

Mediapart

Chronologie d'après l'article de Mediapart

  • 1992 Le prédécesseur du frère Jean Vernet est condamné pour des coups de pied à une fillette, coincée entre le mur et son lit.
  • Mars 1995
    • Deux enseignantes signalent leur chef d'établissement, le frère Jean Vernet, au procureur de la République après avoir alerté le rectorat.
    • En quelques jours, des dizaines d'enfants sont entendus par les gendarmes : il s'avère que le directeur Jean Vernet, qui gère l'infirmerie lui-même, sans le moindre diplôme de soignant, agresse les enfants depuis des années au prétexte de « palpations » et de gestes médicaux.
    • Le frère mariste sera condamné en appel à trente mois de prison, dont douze avec sursis, assortis d'une interdiction définitive « d'exercer une fonction d'enseignement ».
    • Cinq adultes sont également pointés par les enfants : un professeur de mathématiques, un professeur de sport, trois surveillants de l'internat.
  • Juin 1996
    • Les deux enseignantes font un nouveau signalement au procureur.
    • Les deux enseignantes saisissent aussi François Bayrou en direct : elles ne reçoivent aucune réponse, ni du ministre ni de son cabinet.
  • Juillet 1996 : le recteur de Lyon fait aussi aussi un signalement au procureur.
  • Septembre 1996
    • Aucun des cinq adultes mis en cause par les élèves depuis un an et demi n'est suspendu, ni visé par une enquête administrative.
    • Le contrat d'une des deux enseignantes n'est pas renouvelé.
    • L'association L'Enfant bleu Enfance maltraitée écrit à François Bayrou et reçoit une réponse d'un haut fonctionnaire de la Rue de Grenelle (signée « pour le ministre »).
  • Janvier 1997
    • Les deux lanceuses d'alertes écrivent au président de la République, Jacques Chirac.
    • Le chef de la correspondance présidentielle le transfère à François Bayrou.
    • Le chef de cabinet de François Bayrou réponds, mais sans évoquer ni suspension à titre conservatoire, ni inspection.
  • Mars 1997 : Diffusion d'une enquête d’« Envoyé spécial ». Sous pression, le rectorat envoie une inspectrice régionale sur place.
  • Eté 1997 : L'enquête judiciaire qui visait les cinq adultes aurait finalement été classée sans suite.
  • Les deux lanceuses d'alertes écrivent à Ségolène Royal, arrivée à l'Éducation nationale. Elle reçoivent une réponse de son cabinet.

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