Abbaye de Saint-Maurice : Rapport du groupe de travail indépendant

Trente chanoines et autres personnes liées à l'Abbaye de St-Maurice (VS) ont été impliqués dans 67 situations d'abus et d'agressions sexuelles, avec au moins 68 victimes, selon le rapport présenté vendredi par un groupe de travail indépendant. Ce document confirme les informations révélées en 2023 et va encore plus loin 🡵.

Ce rapport intitulé « Analyse sociohistorique et juridique des violences sexuelles à l'Abbaye de Saint-Maurice (1960-2024) : Rapport du groupe de travail indépendant » peut être téléchargé sur Internet 🡵.

Le 28 juin 2025, Le Saint-Père a accepté la renonciation à la charge d'abbé ordinaire de l'abbaye territoriale de Saint-Maurice (Suisse), présentée par le Très Révérend Père Jean César Scarcella, CRSM 🡵.

« Nous avons détourné le regard et laissé le silence prendre la place de la justice »

Le chanoine Antoine Salina s'est exprimé au nom de l'Abbaye, évoquant « un rapport choc » et « des souffrances indicibles ».

Exprimant « un pardon sans condition » aux victimes, il a reconnu que l'Abbaye n'avait « pas vu ou pas voulu voir », qu'elle s'était « dérobée » durant ces décennies d'abus. « Nous avons détourné le regard et laissé le silence prendre la place de la justice », a-t-il affirmé.

RTS

Une communauté déresponsabilisée

Le constat d'une vie communautaire insuffisante est récurrent dans tous les témoignages. Chacun se limitant à ses propres intérêts et activités, ce déficit de communauté réduit les possibilités d'accueillir les difficultés des confrères, de lancer des alertes, de partager des préoccupations, de mettre en place une prévention.

De fait l'Abbé en vient à occuper le rôle principal et quasi exclusif dans la gestion des affaires d'abus, au risque de négligences et d'erreurs de discernement. Ainsi la problématique des violences sexuelles et les situations précises rapportées aux autorités n'ont fait l'objet d'aucun échange ni information et n'ont jamais été thématisées au Chapitre, relèvent les historiennes.

Les Abbés successifs ont tous été guidés par le souci d'ébruiter le moins possible les affaires. Si le Conseil est informé dans certains cas, la communauté des chanoines n'a eu le plus souvent accès qu'à des bribes d'informations, même lorsque un chanoine était arrêté par la police ou qu'une affaire était dénoncée dans la presse.

Cath.ch

Le choix de « ne pas savoir »

Les décisions ou les sanctions prises n'ont été ni communiquées ni discutées. Elles sont restées une affaire entre l'Abbé, éventuellement le prieur et le Conseil, et le chanoine coupable. La ligne proposée par les Abbés relève davantage de l'évitement du conflit et du contournement des tensions interpersonnelles, constatent les historiennes.

Du côté de certains chanoines, le fait de ›ne pas savoir’ a été parfois jugé plus confortable, même si cela s'apparentait à une omission coupable.

Cath.ch

Confusion entre transgression et violence sexuelle

Les historiennes pointent aussi le silence sur la sexualité des clercs qui a contribué à traiter de la même manière des actes sexuels de nature très différentes: d'une part les transgressions à la règle de chasteté ecclésiastique avec des personnes majeures consentantes et d'autre part les violences sexuelles sur des personnes mineures ou dans un rapport d'autorité ou d'emprise.

Paradoxalement l'Abbaye a toléré à plusieurs reprises, la situation de chanoines ayant des maîtresses voire des concubines et des enfants, sans que des sanctions ou des injonctions – hormis la discrétion – ne soient prononcées. Ces transgressions au droit de l'Église et à la Règle de Saint Augustin furent tacitement admises.

Cath.ch

De petits arrangements

Ces arrangements sont probablement liés aussi aux difficultés de recrutement et à la chute du nombre des membres. L'autorité a pris le risque d'être moins exigeante sur la maturité des candidats pour entrer dans la communauté.

Cath.ch