Père Yves Grosjean : la tempête s'intensifie dans le diocèse de Dijon

Le père Grosjean avoue trois autres agressions sexuelles

Dans le rappel des faits du président Brault, on a ainsi appris que le père Grosjean avait non seulement avoué l'agression sexuelle dont Jean Jedrysek l'accuse, mais aussi trois autres agressions concernant trois autres mineurs. Le président Brault a aussi parlé de « relations consenties avec deux adolescents ». Lors de son audition devant les gendarmes, Yves Grosjean aurait aussi admis « une attirance pour les jeunes garçons dans l'après-puberté ». Il aurait aussi indiqué avoir été agressé dans sa jeunesse par son frère aîné.

Le Bien Public

Les décisions de Mgr Hérouard critiquées : « Agir de la sorte, c'est prêcher pour la fermeture des églises »

Durant les premiers temps d'échanges, certains paroissiens n'ont pu contenir de la colère, teintée d'incompréhension, face au récit qui venait de leur être conté. Comme ce père de famille, particulièrement touché par l'affaire. « Je ne comprends pas comment le père Grosjean a pu avoir de nouveau accès à l'école, près des enfants. Pourquoi, même en cas de suspicion, le diocèse ne prend pas une décision immédiate ? », lance-t-il en direction de l'archevêque. Le paroissien faisait ici référence à la nomination du père Grosjean en tant que père coopérateur, l'an passé au sein de l'église Saint-Pierre. « Il n'y avait aucune procédure au moment de sa nomination. Il était seulement prêtre coopérateur du père Royer, et était donc toujours accompagné, où qu'il se rende. Dès que nous avons eu connaissance de la plainte pour agression sexuelle en novembre, il n'a plus été associé à quoi que ce soit », s'est alors défendu l'archevêque de Dijon.

Une intervention qui a eu du mal à convaincre de nombreux paroissiens. Selon bon nombre de personnes présentes dans l'assemblée, le passé du père Yves Grosjean, qui avait notamment déjà fait l'objet d'une plainte classée sans suite en 2016 conduisant à sa mutation au Maroc, suffisait à prendre des mesures d'éloignement, par précaution. « Je ne comprends toujours pas pourquoi il n'a pas été éloigné. Pourquoi il était permis qu'il s'approche d'une école et d'enfants, même sans être seul, renchérit le père de famille. Agir de la sorte, c'est prêcher pour la fermeture des églises », a alors asséné le père de famille.

Le Bien Public

Le retour du mythe de la surveillance des prêtres

Selon les avocats de Yves Grosjean, l'Église a des lieux en capacité de surveiller des prêtres, et cela peut être une alternative à la prison.

Dix jours après son incarcération, le père Yves Grosjean faisait appel de son placement en détention provisoire par la voix de Me Nicolas Bensa, qui avait lui-même sollicité l'accompagnement de Me Pierre-Henry Billard. Ils demandaient précisément la sortie de détention de leur client, pour qu'il rejoigne une « maison » spécialement prévue par l'Église catholique pour des prêtres en souffrance ou dans sa situation. « Pour autant, ont-ils précisé tout de suite, il passerait d'une cellule carcérale à une cellule ecclésiastique. C'est un lieu où il resterait sous surveillance. »

Le Bien Public

Des mesures conservatoires enfreintes par le père Yves Grosjean

« Je redis ma confiance à père Joseph (Nkouka, curé de Sombernon, présent lors de cette réunion, NDLR), mais ma confiance dans l'institution est écornée. On sait désormais que les mesures conservatoires destinées à éloigner le père Grosjean des mineurs ont été prises en novembre 2024. Mais c'est seulement fin mai 2025 que l'archevêque a officiellement communiqué sur ce sujet. Dans cet intervalle, comment nous, paroissiens, pouvions-nous avoir connaissance de ces mesures ? Le risque de récidive ne reposait alors que sur la bonne volonté de l'accusé lui-même. Ce n'est pas possible. S'il y avait de nouvelles victimes dans cette période, cela serait encore plus grave. »

Des doutes confortés par plusieurs témoignages qui assurent que le père Grosjean n'aurait pas respecté ces mesures d'éloignement : « Une personne m'a assuré qu'elle avait déjeuné avec le père Grosjean à Arnay-le-Duc pour Pâques 2025, alors qu'il n'avait pas le droit d'être là », ajoute le père de famille.

Sur ce sujet, Paul Houdart, aujourd'hui vicaire général et ancien curé de Pouilly-en-Auxois et Bligny-sur-Ouche, a admis que « les choses peuvent être améliorées sur cette communication ».

Le Bien Public

Le départ au Maroc : la version de Mgr Hérouard contredite

Selon Mgr Antoine Hérouard, c'est un départ prévu bien en avance, et même retardé : « Ce que j'ai vu dans le dossier, c'est qu'il y a une demande de Yves Grosjean pour partir exercer son ministère au Maroc et suivre une formation à l'inter religieux. Il y a un sujet qui l'intéressait et que ce projet a été un tout petit peu mis en standby, le temps d'éclaircir les suites possibles de cette alerte. Et ensuite, il a eu sa valise » 🡵.

Mais selon des paroissiens, la réalité est toute autre. Le père Yves Grosjean disparaît du jour au lendemain : « Il y avait des communions à célébrer, le père Grosjean n'était plus là, et on ne savait pas où il était », se souvient une paroissienne. « Quand on essayait d'avoir des explications, c'était motus et bouche cousue. Nous avons finalement su qu'il était parti au Maroc uniquement par personnes interposées, et parce que lui-même en a parlé sur Facebook » 🡵.

La version donnée par le père Grosjean pourrait indiquer une mesure d'éloignement : « Il y avait déjà eu un signalement par un autre jeune, mais qui a été classé sans suite. On m'a proposé d'aller étudier le dialogue interreligions au Maroc. » 🡵.

Et dans tous les cas, on notera qu'un premier signalement de violence sur mineur (même classé sans suite) n'a pas dissuadé Mgr Roland Minnerath de laisser partir le père Grosjean juste après au Maroc, où il a pu exercer des responsabilités auprès des jeunes 🡵.

Le collectif « La parole accueillie » identifie une quinzaine de nouvelles victimes

En recontactant des jeunes qui ont pu être en contact avec le père Grosjean, le collectif « La parole accueillie » a pu identifier une quinzaine de nouvelles victimes 🡵.

Pour mener à bien cette tâche, le collectif a sollicité l'aide du diocèse avec l'ouverture de ses archives. Cela leur a été refusé 🡵.

De manière plus générale, Mgr Hérouard ne souhaite pas chercher activement des victimes (que ce soit en France ou au Maroc). Ainsi, lors d'une réunion publique, le vicaire général, le père Paul Houdart, assume de « ne pas aller volontairement à la rencontre des victimes potentielles. Nous pourrions alors avoir la situation suivante : un membre de l'Église est concerné par des méfaits graves, et l'Église vient encore à votre rencontre. Cela me semblerait contre-productif. En revanche, nous nous tenons à la disposition de toutes celles et ceux qui en ont besoin. Chacune et chacun va à son rythme, la cellule d'écoute est là ce soir à Arnay, et reste continuellement joignable » 🡵.

Le message de Mgr Antoine Hérouard aux Prêtres du diocèse de Dijon

Quelques réactions sur les réseaux sociaux :

  • Nous sommes en 2025, et @DiocesedeDijon déplore toujours la « médiatisation outrancière » (vilaines victimes qui font un appel à témoins) et comprend la « profonde détresse » de l'agresseur. Formule de politesse pour les victimes, compassion fraternelle pour l'agresseur. Effrayant. 🡵
  • « Une blessure [dans le corps presbytéral] » j'ai ramassée ma mâchoire au sol 🡵.
  • Invraisemblables propos tenus plusieurs années après la Ciase, alors que l'homme a avoué, que l'archevêque de Rabat a exigé son retour en France, qu'il continuait à exercer son ministère auprès de mineurs. Bref, que l'Église a failli à son devoir de protection des victimes 🡵.
  • Après une petite « pensée » rapide pour les victimes, la priorité : il ne faut surtout pas « abandonner dans la détresse » ce « frère dans le Christ » 🡵

Dijon, le 12 juin 2025

Aux Prêtres, du diocèse de Dijon,

Chers Frères,

Je souhaite m'adresser particulièrement à vous, prêtres du diocèse.

La mise en examen et l'incarcération du Père Yves Grosjean pour agressions sexuelles sur mineurs a été pour beaucoup d'entre nous un véritable choc et reste une épreuve pour tous, une blessure [dans le corps presbytéral]. La médiatisation parfois bien outrancière de la situation n'aide pas non plus.

Comme je l'avais exprimé dans mon premier message du 31 mai dernier, nous pensons tout d'abord aux victimes présumées et à leur famille. Comme vous le savez peut-être, l'audition devant la chambre de l'instruction du 11 juin a conduit Yves Grosjean à reconnaître 4 agressions, une seule étant officielle jusqu'à présent du fait de la plainte déposée en novembre 2024.

Une réunion a eu lieu à la paroisse Saint-Pierre le mercredi 4 juin avec une cinquantaine de participants qui a permis, je crois, un échange de qualité et de vérité.

Une autre rencontre est proposée le vendredi 13 juin par les paroisses de Sombernon et d'Amay-le-Due avec la participation et la présentation du travail de la cellule diocésaine d'écoute et d'accompagnement des personnes victimes C'est le choix d'une proximité du diocèse auprès des paroisses et de leur pasteur.

Je veux redire aussi ma confiance et mon respect aux enquêteurs et à la justice pour avancer dans la vérité, loin des supputations ou des pressions médiatiques (cf. mon interview à RCF des 11 et 12 juin).

Enfin je veux redire qu « Yves Grosjean, quoi qu'il ait fait et quelles que soient les responsabilités qui lui seront imputées et les conséquences qui en découleront reste un frère dans le Christ et qu'à ce titre nous ne devons pas l'abandonner dans la détresse où il se trouve.

Plusieurs prêtres du diocèse m'ont exprimé leur désir de pouvoir en parler. Je propose, en cette fin d'année pastorale toujours bien chargée, que nous prenions un temps lors de la journée des prêtres le lundi 23 juin à Fain-lès-Moutiers pour échanger sur le sujet, en fonction aussi des évolutions qui pourraient survenir d'ici-là,

Pour conclure cette lettre je voudrais vous redire ma confiance et je vous invite aussi à accueillir les encouragements que le Pape Léon XIV a adressés aux prêtres de France par l'intermédiaire des Évêques :

Sainte Thérèse ne sera-t-elle pas la Patronne des missions dans les contrées mêmes qui l'ont vu naître ? Saint Jean-Marie Vianney et Saint Jean Eudes ne sauront-ils pas parler à la conscience de nombreux jeunes de la beauté, de la grandeur et de la fécondité du sacerdoce, en susciter le désir enthousiaste, et donner le courage de répondre généreusement à l'appel, alors que le manque de vocations se fait cruellement sentir dans vos diocèses et que les prêtres sont de plus en plus lourdement éprouvés ? Je profite de l'occasion pour remercier du fond du caur tous les prêtres de France pour leur engagement courageux et persévérant et je souhaite leur exprimer ma paternelle affection.

A l'heure où vous recevrez cette lettre je serai avec les pèlerins du diocèse à Rome. Je prierai sur la tombe des apôtres Pierre et Paul pour vous et pour notre diocèse.

Bien fraternellement dans le Christ,

+ Antoine Hérouard

Lettre disponible sur X/Twitter, sur le compte de @ntrouiller

Informations complémentaires