Quelles leçons de Betharram ?

Qu'avons nous vu au fil des auditions ? D'abord les insuffisances choquantes des gestionnaires du système éducatif, qu'il s'agisse des autorités du privé ou de ceux du public. Auditionné le 31 mars, l'état-major du ministère de l'éducation nationale étale son incapacité à gérer les violences commises dans les établissements scolaires. C. Peyrel, chef du service Défense et sécurité du ministère, est capable de citer 1198 violences mettant en cause des personnels. Mais, ni lui, ni la Dgesco, ni le DRH, ni le directeur juridique du ministère ne sont capables de dire ce qui est fait de ces dossiers ! Il apparait qu'il n'y a aucun suivi de ces cas au ministère. « On n'a pas la possibilité de s'assurer que tous les faits aient fait l'objet d'une suite adéquate », reconnait C. Peyrel. Tous renvoient aux chefs d'établissement et aux services académiques. Par exemple, le logiciel Fait établissement, qui remonte les cas de violences, n'a pas été conçu pour en faire le suivi. Au ministère personne ne suit les dossiers du public. Et encore moins ceux du privé. Dans ce ministère, pourtant si prompt à poursuivre des syndicalistes, la mollesse est de règle pour les violences commises sur des enfants.

Ce n'est apparemment pas mieux dans l'enseignement catholique. Il est concerné par la grande majorité des déclarations et des faits attestés depuis deux mois. Quand il est auditionné le 2 avril, Philippe Delorme, secrétaire général de l'enseignement catholique (SGEC), assure de sa bonne volonté. Mais il affirme n'avoir aucun outil de suivi des violences commises par les personnels de l'enseignement privé sous contrat dans les établissements. « Ce n'est pas au SGEC de faire le suivi », dit-il. « Il n'est pas admissible de dire à un lanceur d'alerte de se taire. Des consignes seront données et elles seront contrôlées… On peut avoir la tentation de protéger l'institution plutôt que les personnes. Je le dis avec force : tous les acteurs de l'enseignement catholique ont changé de registre là dessus », affirme t-il aussi. Mais en même temps il précise qu'il n'a pas autorité sur les établissements. Le 29 avril, ses supérieurs hiérarchiques, Eric de Moulins-Beaufort, président de la Conférence des évêques, et Benoît Rivière, président du Conseil pour l'enseignement catholique, affichent la même bonne volonté et la même apparente impuissance. Pour les violences commises par des personnels enseignants ils renvoient aux académies. Et pour les non-enseignants, aux établissements.

Les évêques, qui sont l'autorité qui fonde les contrats d'association, le secrétaire général de l'enseignement catholique, nommé par les évêques et avec lequel le ministère négocie les moyens attribués par l'État, les directions diocésaines, nommés par le SGEC, qui choisissent les chefs d'établissement, sont unanimes pour décliner toute autorité hiérarchique sur les établissements catholiques. Ils se défaussent sur les chefs d'établissement qui auraient une liberté de gestion. Ils mettent en cause aussi les congrégations, invitées elles aussi par la commission d'enquête mais qui restent totalement muettes.  L'organisation de l'enseignement catholique en 7 500 associations, chacune signant le contrat avec l'État, occulte les responsabilités. Du public au privé, c'est le même championnat d'irresponsables.

Blog Mediapart de François Jarraud

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