A la lumière de Bétharram, les abus en mission, cet angle-mort massif de la CIASE

Si l'on peut comprendre la lâcheté des responsables de ces instituts, épouvantés d'ouvrir cette malle aux horreurs que sont les abus en mission, et qui serrent les fesses depuis quatre ans en priant pour que la vague de révélations les épargne, on s'explique moins la pusallinimité des autorités religieuses françaises, et en particulier de la CORREF, tant ce déni tranche avec les solennelles déclarations de ses responsables au lendemain de la remise du rapport de la CIASE. On ne s'explique toujours pas d'ailleurs que cette dernière ait pu faire l'économie de ce monumental angle-mort, alors que l'on sait aujourd'hui que ses membres étaient parfaitement avertis de cette question.

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Pourquoi cet angle-mort masssif dans la par ailleurs très complète enquête de la CIASE ? Pourquoi surtout cette passivité de la CORREF depuis le mois d'Octobre 2021, alors qu'éclateront bientôt les scandales des MEP, sans provoquer d'autres réactions que des communiqués laconiques de circonstance, sinon parce que soulever le cas de tel institut conduirait à s'interroger sur les déficiences de tous les instituts missionnaires au sein de la confédération ?

Pourquoi enfin cet attentisme de la part de la Conférence des Évêques de France, sinon parce que les violences en mission soulèvent la question, à peine effleurée par la CIASE, des abus imputables aux diocésains fidei donum ? Autre angle-mort dont les dossiers épars menacent, ici ou là, explosion. La conférence épiscopale allemande n'a pas craint quant à elle de commander un rapport sur les prêtres fidei donum en mission, aux conclusions effarantes (Untersuchung der Akten der Koordinationsstelle Fidei Donum des Deutschen Bischofskonferenz bei der Bischöflichen Aktion Adveniat in Essen, juillet 2022).

Golias

La double dimension enseignante et missionnaire de l'institut Bétharramite réclame l'appréhension véritablement « catholique », universelle, du phénomène des violences sexuelles : en pratiquant l'exfiltration de religieux agresseurs auprès de populations plus vulnérables encore ; en régionalisant à dessein les scandales aux régions trop touchées pour être plus longtemps tenus sous silence ; en jouant à merveille du flou qui entoure les responsabilités locales, congrégationnelles, épiscopales, romaines ; en isolant, distinguant, divisant les victimes, les autorités d'Église s'emploient à confiner ces « cas isolés » dans une commode et discrète quarantaine. A caractère systémique, réponse systémique : la réponse ne peut être que catholique, par l'appréhension de l'ampleur mondiale des violences d'abord, et la réponse que l'Église universelle y apporte, mais au-delà, dans notre capacité à tenir ensemble tous les éléments épars de cette vaste nébuleuse, tant en France qu'à l'étranger. Ajoutons qu'une tâche d'une ampleur tout aussi considérable se présente à la reflexion missionnaire : dans quelle mesure ces mécanismes ont-ils pu être exportés au sein des églises de mission, elles aussi touchées par la crise des abus dans des proportions considérables ? Question redoutable qui s'impose à la missiologie.

Golias

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