Le concept d'infantisme
C'est un concept bien documenté aux Etats-Unis, childism, défini en 1972. L'infantisme est un système de préjugés et de discriminations contre les enfants et les adolescents, considérés comme inférieurs aux adultes, et dont le propos est disqualifié d'emblée au nom de leur manque de jugement et d'expérience.
Dans une culture infantiste, les adultes considèrent que les enfants n'ont pas leur mot à dire. Ils doivent obéir sans exprimer leur point de vue et sans que l'adulte ait besoin de justifier ses décisions. Discuter un ordre revient à défier l'autorité, à se rendre coupable d'impertinence. Le premier réflexe de l'adulte à qui l'enfant se plaint d'une injustice est souvent de considérer qu'il exagère, et de chercher une excuse à l'adulte responsable.
Quels sont les mécanismes de ces discriminations ?
La psychanalyste américaine Elisabeth Young-Bruehl [1946-2011] a identifié trois mécanismes inconscients qui conduisent à disqualifier les plus jeunes. Le premier, qu'elle nomme « infantisme narcissique », est animé par une peur inconsciente de l'altérité et du remplacement : l'enfant, par sa différence, devient une menace qu'il faut contrôler. Cela pousse l'adulte à poser un jugement moral sur l'enfant, jugé « gentil » s'il dort la nuit, « méchant » s'il fait pipi au lit, par exemple. Une posture très répandue en France.
Le deuxième mécanisme est l'inversion des rôles : l'adulte attend de l'enfant qu'il réponde à ses propres besoins. Dans sa forme extrême, cela conduit à des violences sadiques ou sexuelles, comme dans l'affaire de Bétharram.
Enfin, le troisième mécanisme, également très présent en France, consiste à voir les enfants et les adolescents comme des parasites. Il s'exprime par des moqueries du type : « Ils ne savent pas remplir le frigo, mais savent bien comment le vider. » Ce discours renforce la cohésion entre adultes au détriment des plus jeunes et perpétue le statu quo.
— Le Monde