Bétharram : la chronologie de Mediapart

Source : Mediapart

  • 1957-1960 : Le jeune Jean-Marie Delbos, âgé d'une dizaine d'années, est agressé sexuellement à de nombreuses reprises par le Père Henri Lamasse, membre de la Congrégation de Bétharram. C'est à ce jour la première victime identifiée et indemnisée par l'Église.
  • 1985 : Élu local et père d'élèves scolarisés à Notre-Dame-de-Bétharram, François Bayrou est choisi par la région Aquitaine pour siéger au conseil d'administration de l'école.
  • 1987 : François Bayrou visite Notre-Dame-de-Bétharram avec Michèle Alliot-Marie à l'occasion d'une kermesse pour les 150 ans de l'école.
  • 1989 : François Bayrou inaugure une salle polyvalente à Notre-Dame-de-Bétharram avec le Père Pierre Silviet Carricart, qui dirige alors l'établissement.
  • 2 avril 1992 : François Bayrou est élu président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques.
  • 30 mars 1993 : François Bayrou est nommé ministre de l'éducation nationale.
  • 24 juin 1993 : Jean-Baptiste, 13 ans, a le tympan perforé après avoir été frappé par un surveillant de Notre-Dame-de-Bétharram.
  • 2 décembre 1993 : La justice condamne Notre-Dame-de-Bétharram à indemniser le père de Jean-Baptiste. La préfecture des Pyrénées-Atlantiques est alertée par l'établissement.
  • 1994 : Françoise Gullung, enseignante à Notre-Dame-de-Bétharram, dit avoir alerté François Bayrou par courrier des violences sur les élèves.
  • 1994 : Élisabeth Bayrou enseigne la catéchèse à Notre-Dame-de-Bétharram. Elle est témoin de violences d'après les souvenirs de Françoise Gullung.
  • 31 janvier 1995 : Marc Lacoste-Serris, âgé de 13 ans, est frappé dans le réfectoire par le surveillant général : son tympan est crevé, il perd 40 % de son audition. Son père tracte devant l'établissement.
  • 17 mars 1995 : L'enseignante Françoise Gullung affirme avoir interpellé directement François Bayrou à l'occasion d'une remise de décoration à Pau.
  • 29 septembre 1995 : Le conseil général, présidé par François Bayrou, accorde à Notre-Dame-de-Bétharram une « subvention annuelle de 300 000 francs [72 775 euros – ndlr] destinée à financer la démolition du bâtiment et sa reconstruction ».
  • Février 1996 : Le père de Marc Lacoste-Serris porte plainte pour violences à la suite d'une nouvelle humiliation de son fils, qui a subi le supplice du perron (placé dehors, en pleine nuit, par température négative).
  • 29 mars 1996 : Selon la presse locale, un autre élève aurait été violemment battu et enfermé dans un placard.
  • Mars 1996 : Création d'un comité de soutien à Notre-Dame-de-Bétharram avec Serge Legrand, proche de François Bayrou qui fut candidat pour son parti, l'UDF.
  • Avril 1996 : Un ancien élève de Notre-Dame-de-Bétharram, Alain Esquerre, victime de violences physiques dans les années 1980, alerte sur les agissements au sein de l'établissement dans une tribune dans La République des Pyrénées : « Il est de notre devoir à tous de dénoncer de telles « méthodes pédagogiques ». »
  • 10 avril 1996 : Françoise Gullung dénonce des violences au JT de 13 heures d'Antenne 2.
  • 11 avril 1996 : Des élèves et parents témoignent dans la presse locale (La République des Pyrénées et Sud-Ouest) de graves violences sur les élèves.
  • 11 avril 1996 : Un père d'élève envoie un courrier au procureur de Pau pour signaler des violences sur son fils.
  • 11 avril 1996 : La République des Pyrénées interroge François Bayrou sur ces violences. Ce dernier « ne souhaite pas s'exprimer publiquement sur le sujet, tant que l'enquête est en cours ».
  • 12 avril 1996 : À la demande express du recteur, un inspecteur se rend une seule journée à Notre-Dame-de-Bétharram pour auditionner quelques élèves et rédiger un rapport académique.
  • 14 avril 1996 : Plusieurs journaux évoquent une affaire « d'ampleur nationale » et révèlent qu'au moins quatre élèves de Bétharram ont eu un tympan perforé après avoir été frappés par des surveillants au cours des dernières années.
  • 15 avril 1996 : L'inspecteur remet son rapport sans auditionner d'élèves du collège ni Françoise Gullung.
  • 16 avril 1996 : Le quotidien Libération publie un reportage évoquant les violences à Notre-Dame-de-Bétharram et les alertes de Françoise Gullung.
  • 17 avril 1996 : Un autre parent d'élève envoie un courrier au procureur de Pau et dénonce des « brimades, menaces et injures » sur son fils.
  • 4 mai 1996 : Le ministre François Bayrou se rend à Bétharram pour défendre l'établissement mis en cause pour des violences sur des élèves. Il annonce que « toutes les vérifications » s'étaient révélées « positives ».
  • Mai 1996 : Le père de Marc Lacoste-Serris est mis au ban de l'association des parents d'élèves de Notre-Dame-de-Bétharram, dirigée par plusieurs notables.
  • Juin 1996 : Le surveillant qui a perforé le tympan de Marc Lacoste-Serris est condamné par la justice. Il est soutenu par la direction et ne reçoit aucune sanction administrative.
  • 1996 : Une mère d'élève signale au parquet de Bayonne des faits de violences sexuelles sur des élèves de sixième.
  • 2 juin 1997 : François Bayrou quitte le ministère de l'éducation nationale, il conserve sa casquette de président du conseil général des Pyrénées-Atlantiques, chargé notamment de la protection de l'enfance.
  • 24 avril 1998 : Le conseil général, présidé par François Bayrou, fait voter une nouvelle subvention au profit de Notre-Dame-de-Bétharram pour le « réaménagement de sa salle de restauration » pour un montant de 299 655 francs (69 995 euros).
  • 28 mai 1998 : Le père Carricart, ancien directeur de Bétharram, est mis en examen pour viol et écroué par le juge Mirande.
  • 28 mai 1998 : D'après le gendarme chargé de l'enquête, la présentation au juge Mirande a été retardée en raison d'une « intervention » de François Bayrou dans le dossier que « le procureur général demandait à voir ».
  • 29 mai 1998 : Médiatisation nationale de l'affaire.
  • Mai-juin 1998 : François Bayrou rencontre en toute confidentialité le juge Mirande pour parler de l'affaire.
  • 7 juin 1998 : La chambre d'accusation de la cour d'appel de Pau remet en liberté le père Carricart, qui fuit à Rome.
  • 15 juin 1998 : Le cabinet de la ministre de la justice, Élisabeth Guigou, est informé d'une plainte pour viols et d'autres faits « susceptibles d'avoir été commis » par des enseignants et des religieux sur plusieurs élèves.
  • 30 septembre 1998 : Christophe E., ancien interne à Notre-Dame-de-Bétharram, témoigne dans l'enquête sur le père Carricart des agressions commises par un surveillant, Damien S. D'autres élèves confirment ses propos.
  • Avril 1999 : François Bayrou propose de débloquer 345 119 francs (80 204 euros) pour la deuxième tranche des travaux du self-service de Bétharram.
  • Novembre 1999 : Une deuxième plainte est déposée contre le père Carricart pour viols sur mineurs.
  • 2 février 2000 : Le corps du père Carricart est retrouvé dans le Tibre, à Rome. L'affaire est médiatisée aux niveaux local et national.
  • 10 février 2000 : Élisabeth Bayrou assiste aux obsèques du père Carricart avec 135 religieux, des membres du conseil général des Pyrénées-Atlantiques présidé par François Bayrou et huit cents habitant·es des villages alentour.
  • 2000 : Un ancien élève dépose plainte contre Patrick M., un surveillant de l'établissement, pour des faits de viols. La plainte est classée.
  • 2005 : Un ancien élève signale des faits de viols et d'agressions sexuelles commis par un laïc. La plainte est classée.
  • 25 septembre 2006 : La cour d'appel de Pau déclare l'institution Notre-Dame-de-Bétharram « civilement responsable du viol et des agressions sexuelles » commis par le père Carricart.
  • 9 juin 2009 : Une journaliste qui avait enquêté sur Bétharram en 2001 accuse Bayrou d'avoir ignoré les alertes dans un billet de blog publié sur Mediapart.
  • Entre 2011 et 2013 : Un ancien élève dénonce des faits de viols et d'agression sexuelle commis par un laïc. La plainte est classée.
  • 4 avril 2014 : François Bayrou est élu maire de Pau.
  • Mars 2020 : En campagne pour sa réélection à Pau, François Bayrou propose que la mairie rachète un immeuble appartenant à la congrégation de Bétharram dans sa ville.
  • 6 novembre 2021 : Jean-Marie Delbos manifeste seul à Lourdes pour dénoncer la protection de son agresseur par la communauté.
  • 20 mars 2023 : Jean-Marie Delbos est officiellement reconnu comme victime par la congrégation de Bétharram.
  • Octobre 2023 : À l'initiative de l'ancien élève Alain Esquerre, un groupe Facebook est créé pour recueillir la parole des victimes. Début de la médiatisation de l'affaire à l'échelle nationale.
  • 1er février 2024 : Le parquet de Pau ouvre une enquête préliminaire au sujet des violences dénoncées. De nombreux articles sont publiés dans la presse locale et nationale.
  • 14 février 2024 : Patrick M., surveillant de l'établissement depuis 1984, est visé par plusieurs plaintes. Il est suspendu sous la pression médiatique.
  • 12 mars 2024 : Le Monde révèle que François Bayrou, président du conseil général et député UDF, a rencontré le juge Mirande après la mise en examen du père Carricart. François Bayrou dément.
  • 15 mars 2024 : Dans La République des Pyrénées, Bayrou s'explique sur la présence de sa femme aux obsèques du père Carricart : « Quant à la présence de son épouse aux obsèques du père Carricart qui s'était suicidé en 2000, il en retient surtout « l'émotion dans toute la région » provoquée par l'annonce du suicide et plus tard par de l'exhumation du corps. « Je n'ai aucune idée de sa responsabilité mais la décision d'ouvrir la tombe et le cercueil était pour moi inimaginable. » »
  • 20 mars 2024 : Désormais âgé de 78 ans, Jean-Marie Delbos écrit directement à François Bayrou. Sans réponse.
  • 29 mars 2024 : François Bayrou reconnaît au Parisien avoir eu connaissance de « rumeurs de claques » et affirme ignorer les violences sexuelles. « Quant au père Carricart, jamais personne, à ma connaissance, n'avait eu le moindre indice de ce genre de comportement. Et mes doutes ne se sont pas effacés. »
  • 13 juillet 2024 : Françoise Gullung déclare avoir alerté François Bayrou dans Le Point. Le maire de Pau dément.
  • 29 janvier 2025 : Sollicité en détail sur toutes ces alertes ignorées, François Bayrou refuse de répondre à Mediapart.
  • 5 février 2025 : Publication d'un premier article sur les mensonges de François Bayrou dans Mediapart.
  • Entre le 5 février et le 11 février 2025 : Le porte-parole des victimes, Alain Esquerre, fait passer un message à François Bayrou par une « connaissance » commune à la suite de l'article de Mediapart. « Ce SMS était une main tendue pour que nous travaillions de concert. Une porte de sortie par le haut de ce bourbier médiatique », raconte Alain Esquerre dans son livre, Le Silence de Bétharram. D'après lui, le premier ministre aurait ainsi pu répondre : « Je suis déjà en lien avec le collectif, que croyez-vous ? » Mais « ce n'est pas l'option qu'il a choisie », déplore-t-il.
  • 11 février 2025 : Interrogé à l'Assemblée par le député LFI Paul Vannier, François Bayrou rétorque que « tout est faux » et annonce son intention de porter plainte en diffamation. « J'affirme que je n'ai jamais été informé de quoi que ce soit, de violences, ou de violences a fortiori sexuelles. Jamais. »
  • 11 février 2025 : François Bayrou parle pour la première fois des victimes, auxquelles il n'a toujours pas répondu à cette date, dans des termes flous. « Mes premières pensées vont aux garçons qui ont été en souffrance dans ce type d'affaire et, à eux, j'adresse ma sympathie. »
  • 11 février 2025 : Mediapart révèle que François Bayrou a reçu un courrier en 2024 de Jean-Marie Delbos, auquel il n'a pas répondu.
  • 12 février 2025 : François Bayrou dément à nouveau à l'Assemblée avoir été alerté des violences.
  • 13 février 2025 : François Bayrou dément au Monde avoir été alerté. « On disait qu'à l'internat, peut-être il y a eu des claques, je n'en sais rien. » Il dénonce « un faux scandale avec absence totale de preuves ».
  • 15 février 2025 : En conférence avec les victimes à Pau, François Bayrou reconnaît avoir rencontré le juge Mirande mais parle d'une rencontre fortuite dans la rue.
  • 16 février 2025 : Dans le magazine « Sept à huit », le gendarme de l'enquête Carricart affirme publiquement que François Bayrou serait intervenu dans le dossier de viols de 1998 en contactant le parquet général.
  • 17 février 2025 : France 3 Aquitaine révèle les témoignages de plusieurs élèves victimes de violences à Bétharram, qui affirment qu'Élisabeth Bayrou a été témoin de sévices qu'elle n'avait pas dénoncés.
  • 19 février 2025 : L'inspecteur qui avait rédigé un rapport d'inspection régionale reconnaît que son travail n'était ni fait ni à faire et que les témoins lui ont été fournis clés en main.
  • 20 février 2025 : Françoise Gullung revient sur l'implication d'Élisabeth Bayrou dans l'établissement et confirme qu'elle a été témoin de violences.
  • 20 février 2025 : François Bayrou affirme ne pas connaître Françoise Gullung, ni même le père Carricart.
  • 10 avril 2025 : Sous serment à l'Assemblée nationale, le juge Mirande et l'ancien gendarme confirment leurs déclarations.
  • 10 avril 2025 : La commission d'enquête de l'Assemblée nationale révèle avoir retrouvé un courrier de remerciement adressé par le directeur de Notre-Dame-de-Bétharram à l'inspecteur qui avait rédigé le rapport visant à blanchir l'établissement en 1996. « Une fois encore merci pour ce que vous avez fait pour que Bétharram vive », lui a-t-il écrit à l'issue de l'inspection.
  • 11 avril 2025 : François Bayrou affirme qu'il n'est « absolument pas » intervenu dans une affaire judiciaire : « Les juges et les gendarmes, vous savez, ça se trompe comme les autres. »
  • 11 avril 2025 : Un second gendarme appuie le témoignage de son collègue chargé de l'enquête Carricart, expliquant que celui-ci lui avait parlé d'une intervention de François Bayrou à l'époque.
  • 24 avril 2025 : La fille de François Bayrou, Hélène Perlant, explique sur le plateau de Mediapart que son père a bien rencontré le juge Mirande pour parler de l'affaire Carricart en 1998.
  • 25 avril 2025 : Le cabinet du premier ministre reconnaît désormais l'existence de cette rencontre pendant l'affaire de 1998.
  • 25 avril 2025 : Matignon déclare que François Bayrou n'a pas déposé la plainte en diffamation contre Mediapart qu'il avait annoncée devant l'Assemblée nationale. Des « réflexions » seraient en cours sur l'opportunité d'un tel projet.

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