Assemblée plénière : présentation du dispositif pour les personnes victimes majeures

Résumé

Si on en croit le document préparatoire qui a « fuité » dans la presse, il y a eu une volonté d'écarter la possibilité d'une réparation financière. De plus, l'épiscopat n'a pas souhaité la création d'une structure nationale indépendante comme, en 2021, avec l'Instance nationale indépendante de reconnaissance et de réparation (Inirr).

La priorité est l'accueil, l'écoute et l'accompagnement de la personne plaignante. Cela suppose l'existence de cellules d'écoute dédiées, intégrant éventuellement des membres des cellules diocésaines d'accueil et d'écoute pour mineurs mais formés spécifiquement. Ces cellules identifieront le parcours le mieux adapté à chaque personne plaignante et la soutiendront dans la mise en œuvre de cette démarche : saisine de la justice civile, de la justice canonique, gestes de reconnaissance et de réparation, rencontre avec l'évêque, attentes spirituelles. L'accueil et l'accompagnement peuvent aboutir à une reconnaissance formelle des actes commis par le clerc dans le cadre de son ministère et des conséquences pour la personne victime, selon des formes variées.

Une coordination nationale et une instance nationale sont mises en place pour aider et faciliter le déploiement du dispositif au niveau local.

Si cet accompagnement n'apporte pas de solutions satisfaisantes, il pourra être proposé d'engager une médiation. Il s'agit là d'un outil complémentaire, sans caractère impératif, à la disposition des évêques, pour faciliter l'aboutissement de la démarche.

Document final adopté par les évêques

Remarques

  • Le document final, tout comme l'intervention de Mgr Éric de Moulins-Beaufort, ne fait aucune mention d'une réparation financière.
  • Durant sa conférence de presse 🡵, Mgr Éric de Moulins-Beaufort a explicitement fait référence aux médiateurs de justice 🡵. Sur les réseaux sociaux, des voix se sont élevées pour faire remarquer que cette profession traitait habituellement des problématiques bien éloignées des agissements pédocriminels. Comme le fait par exemple remarquer Natalia Trouiller : « on ne demande pas à des gens formés à régler des histoires de haies mitoyennes de négocier avec des personnes traumatisées » 🡵. C'est probablement pour cela que le document final adopté par les évêques ne fait plus mention des médiateurs de justice, mais parle plus sobrement de « tiers professionnels ».

Le document préparatoire de Mgr Jean-Pierre Vuillemin

« En tout état de cause, avant d'acter un éventuel dispositif de médiation [pour adultes], il conviendrait de recueillir toutes les garanties juridiques nécessaires et d'éliminer toute perspective de réparation financière ».

Communiqué de Agir pour notre Église, avant le vote des évêques

Communiqué Agir pour notre Église - 4 avril 2025
Un pas en avant, deux pas en arrière ?

L'assemblée plénière de la Conférence des Évêques de France doit se prononcer cet après-midi sur la réparation par l'Église de France des abus sexuels commis sur des majeurs. Or, le Conseil pour les Questions Canoniques et Juridiques de la Conférence des Évêques de France a émis une note désapprobatrice à ce sujet.

À cet égard, la remise en cause de la CRR et de l'INIRR par cette note n'apporte pas d'élément nouveau au débat. Cela illustre une fois de plus la dissociation de l'épiscopat français, partagé entre le souci de la réparation des souffrances des victimes d'abus et un mécanisme de protection de l'institution.

Au fond, l'analyse juridique se contente de rappeler le principe de responsabilité individuelle des clercs auteurs d'abus, dont l'évêque ne serait pas responsable. Dès lors, pas question pour l'Église d'indemniser les victimes d'un clerc !

C'est oublier trois données majeures :

  • La responsabilité d'un évêque pourrait être engagée en raison du contrôle qu'il exerce sur les clercs qui lui sont canoniquement soumis. Si un clerc commet une agression sexuelle alors qu'il est sous le contrôle de l'évêque, il est possible d'engager la responsabilité civile délictuelle de l'évêque, même si à l'heure actuelle il n'y a pas encore de jurisprudence sur ce point.
  • Les abus sur majeurs procèdent fréquemment d'une relation de dépendance psychologique entre le clerc et la victime, née d'un accompagnement spirituel. Le renvoi dos à dos de la victime et de l'agresseur n'incitera pas l'épiscopat à assurer la discipline des clercs et à réformer la culture ecclésiale.
  • Alors que le motu proprio Vos Estis Lux Mundi impose l'accompagnement des personnes victimes vulnérables, les faits démontrent que les victimes d'abus perdent souvent la foi catholique non pas tant à cause des actes subis, mais à cause des négligences et omissions commises encore aujourd'hui par l'Institution dans le traitement des signalements.

Si la Conférence des Évêques de France suit cet après-midi cet avis contestable et le renvoi aux responsabilités individuelles, les évêques devront en assumer les conséquences pour eux-mêmes.

Leur responsabilité civile, voire pénale, pourrait être engagée en tant que responsable de l'agresseur, ou bien en raison de leurs propres défaillances dans le suivi ou la gestion du parcours d'un clerc agresseur en dépit des alertes émises.

Dans ce cadre, il pourra notamment leur être demandé l'indemnisation du préjudice subi, soit en raison de la ruine spirituelle de la victime, soit en raison de l'absence d'accompagnement post-signalement.

Enfin, la question se posera de savoir pourquoi les évêques se refusent obstinément à se porter partie civile au procès d'un clerc poursuivi pénalement.

Agir Pour Notre Église déplore enfin l'absence de solutions proposées : si le problème est en réalité la difficulté de prendre en charge financièrement des victimes, qu'est-il proposé à la place ? Un avis juridique sur l'accompagnement des personnes victimes aurait pourtant contribué utilement à la réflexion en cours sur l'accompagnement pluridisciplinaire des victimes d'abus sexuels.

Agir Pour Notre Église encourage les évêques à se souvenir de la parole de l'un des leurs, lors de l'assemblée plénière de novembre 2021 « Si votre justice ne surpasse pas celle des scribes et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le Royaume des Cieux ».

Agir pour notre Église

Présentation du processus lors de la conférence de presse de clôture

Voilà donc le processus pour accompagner les personnes ayant été victimes à l'âge adulte. Donc d'abord, nous avons eu deux lignes qui nous ont guidés. Et ces deux lignes, ce sont celles que nous avait présentées Corinne Boilley qui a présidé un groupe de travail dont vous vous rappelez sans doute qu'il avait remis ses conclusions en novembre 2023 et à partir desquelles nous avons travaillé.

Ces deux lignes, c'est premièrement qu'il faut signifier le caractère spécifique des violences sexuelles commises sur des enfants et des adolescents. Donc il nous était indiqué qu'il fallait trouver un système un peu différent de celui que nous avions mis en place pour les personnes victimes mineures. Et d'autre part, la recommandation qui nous était faite était de nous appuyer le plus possible sur la justice de notre pays, et ses évolutions que d'ailleurs nous pouvons constater comme citoyens dans la justice de notre pays.

Et donc, conformément à ce que le groupe de travail réuni par Madame Boilley nous avait suggéré, nous avons décidé aujourd'hui la mise en place à l'échelle des diocèses ou des provinces de cellules d'écoute, c'est-à-dire de personnes capables de recevoir les personnes ayant été victimes à l'âge adulte, ayant à se plaindre du comportement d'un prêtre en matière de violence sexuelle. Et ces personnes, elles seront formées spécialement avec une personne qui sera à la conférence des évêques chargée de suivre et d'organiser cette formation pour avoir la compétence nécessaire pour accompagner ces personnes. De manière à ce que ces personnes plaignantes soient accompagnées le plus possible vers la justice de notre pays, chaque fois que ce sera possible, vers la justice canonique, chaque fois que ce sera possible aussi. Et puis, si aucune de ces deux justices ne pouvait intervenir, soit parce que le mis en cause est décédé, soit parce que les faits sont prescrits et en matière de violences sexuelles sur les personnes adultes, les délais de prescription sont beaucoup plus courts comme vous le savez que pour les personnes qui ont été victimes quand elles étaient mineures. Donc, si ces deux pistes ne pouvaient pas intervenir à cause de la mort du mis en cause, à cause de la prescription ou parce que des faits indubitables ne sont pas complètement saisissables, qualifiables par la justice, alors nous avons décidé d'ouvrir une voie supplémentaire, qui est celle de la médiation en nous appuyant sur les médiateurs de justice qui existent aujourd'hui, qui sont une profession reconnue et à laquelle la justice elle-même de notre pays a recours. De manière à ce que ces personnes puissent créer un cadre sécurisé, pour soit si c'est possible, si c'est souhaité, si c'est envisageable une rencontre entre la personne plaignante et le mise en cause, soit entre la personne plaignante et le diocèse.

Notre but, c'est de ne pas laisser de personnes en souffrance sans que cette souffrance soit accueillie, écoutée, entendue et, si possible apaisée. Voilà le processus que nous avons décidé : c'est ces médiateurs de justice. Nous tâcherons aussi de les former, en tout cas de les initier un petit peu à ce qu'est l'Église de manière à ce qu'ils aient les compétences nécessaires. Voilà ce que pour ma part, je voulais vous partager aujourd'hui.

Conférence de presse de clôture (à 2:26)

Réaction de Natalia Trouiller

Conférence de presse sur l'usine à eau tiède qui va servir de dispositif pour les adultes. On commence par y regretter les fuites de documents de travail qui vraiment, ont blessé inutilement les victimes, vilains journalistes, toussa, puis la grande trouvaille du dispositif c'est le recours à des médiateurs de justice. Profession, @Mgr_EMB a raison, tout à fait reconnue par la justice de notre pays.

Mais dans ces domaines :

Quelle est la mission du médiateur civil ?

Le médiateur intervient dans divers litiges civils de la vie quotidienne. Exemples :

  • Conflit de voisinage
  • Litige entre propriétaire et locataire
  • Impayés
  • Litiges de la consommation

Il doit aider les parties à trouver elles-mêmes une solution à l'amiable. Son intervention permet donc d'éviter un procès.

Contrairement au conciliateur de justice, le médiateur ne dispose pas de pouvoirs d'enquête. Toutefois, pour les besoins de la médiation, il peut entendre des tiers consentants avec l'accord des parties.

La médiation civile est différente de la médiation pénale.

Service Public

Il est d'ailleurs bien précisé ceci :

Attention

la médiation n'est pas proposée aux époux en conflit lorsqu'il y a des allégations de violence conjugale ou d'emprise morale et psychologique.

Service Public

Ben oui, on ne négocie pas avec l'agresseur ni le système agresseur, en fait.

C'est évident.

Et on ne demande pas à des gens formés à régler des histoires de haies mitoyennes de négocier avec des personnes traumatisées.

L'Etat l'a compris, l'Église toujours pas.
Et c'est fou.

@Eglisecatho avait une instance de réparation assez remarquable pour les mineurs : l'INIRR, composée de professionnels, centrée psychotrauma, il a fallu qu'elle ne le prenne surtout pas pour modèle.

Soupir.

On apprend donc que ces médiateurs de justice vont être formés par « quelqu'un à la CEF à ce qu'est l'Église ».
Fort bien.

Ce que sont les violences sexuelles, ça peut être pas mal aussi, parce qu'ils vont voir flou, vos médiateurs.
Et là, je suis pas hyper rassurée.

Quand je vois que dans un gros diocèse on propose toujours aux victimes un accompagnement avec une « praticienne Monbourquette », aka spécialisée dans les 12 étapes du pardon, je me demande bien qui va former ces médiateurs.

Bref. On ne prend toujours pas les victimes au sérieux.
Pendant ce temps, le droit avance dans le sens des victimes.
L'arrêt Z. contre République Tchèque du 20 juin 2024 de la CEDH, par exemple, va venir bousculer un peu tout ça.
Il est grand temps⏹️

Source : lire sur Twitter/X

Le document final adopté par les évêques

La priorité est l'accueil, l'écoute et l'accompagnement de la personne plaignante. Cela suppose l'existence de cellules d'écoute dédiées, intégrant éventuellement des membres des cellules diocésaines d'accueil et d'écoute pour mineurs mais formés spécifiquement. Ces cellules identifieront le parcours le mieux adapté à chaque personne plaignante et la soutiendront dans la mise en œuvre de cette démarche : saisine de la justice civile, de la justice canonique, gestes de reconnaissance et de réparation, rencontre avec l'évêque, attentes spirituelles. L'accueil et l'accompagnement peuvent aboutir à une reconnaissance formelle des actes commis par le clerc dans le cadre de son ministère et des conséquences pour la personne victime, selon des formes variées.

Une coordination nationale et une instance nationale sont mises en place pour aider et faciliter le déploiement du dispositif au niveau local.

Si cet accompagnement n'apporte pas de solutions satisfaisantes, il pourra être proposé d'engager une médiation. Il s'agit là d'un outil complémentaire, sans caractère impératif, à la disposition des évêques, pour faciliter l'aboutissement de la démarche. Un cadre bien défini est proposé dans ce document, destiné à faciliter le recours à la médiation lorsqu'elle est souhaitée et envisageable.

Le processus proposé marque une évolution significative des réponses institutionnelles de l'Église pour les personnes victimes majeures au moment des faits, l'outil de la médiation visant en outre à offrir, sans caractère impératif ni systématique, un chemin complémentaire de réparation et d'apaisement.

Document final adopté par les évêques

Rappel : la Recommandation n°27 de la CIASE

Recommandation n° 27 : Mettre en place un dispositif de justice restaurative au cours de la procédure pénale pour les violences sexuelles perpétrées notamment au sein de l'Église, en le distinguant clairement des procédures de médiation qui doivent être écartées pour la réparation des conséquences de ces violences.

Rapport final de la CIASE

Informations complémentaires