Violences sexuelles dans l'Église : "Résistons à la tentation de tourner la page"
La tribune du Père Thomas Poussier dans La Croix
Dire que la page est tournée, cela pourrait sembler signifier que maintenant on peut se réjouir de la grâce de conversion de ces personnes par milliers et qu’on est vraiment « passé à l’Évangile ». Comme si la protection des plus fragiles, de la réparation, de la justice, de l’accueil de ces vies brisées, cela aussi n’était pas de l’Évangile. Comme si le Seigneur ne portait pas sa croix en tout premier lieu pour toute cette innocence bafouée, brisée, abîmée. La grâce des catéchumènes est aussi évangélique que la lutte contre toute forme d’abus. La page ne doit pas être tournée, car l’Église en son sein doit continuer à œuvrer, avec courage et détermination.
— La Croix
La réponse de Tribune Chretienne
Derrière cette volonté de refuser de tourner la page, ne peut-on discerner une intention plus sournoise ? Une volonté farouche d’affaiblir l’Église en la maintenant dans une position perpétuelle de coupable, comme si elle devait, pour mériter de subsister, demeurer à genoux dans un mea culpa infini ? À qui profite cet acharnement ? Qui souhaite voir l’Église privée de sa voix prophétique, empêchée d’annoncer l’Évangile sous prétexte d’une culpabilité sans fin ?
La réponse de l’Abbé Clément Barré à Tribune Chretienne
La première question du texte est la suivante : " jusqu’à quand l’Église devra-t-elle porter un fardeau collectif pour les actes d’une minorité ?" L’avantage c’est que la réponse à cette question est assez simple : jusqu’à la Parousie. C’est même une des vocations de l’Église corps du Christ de porter le poids du péché du monde et de faire pénitence pour les pêcheurs. Et c’est marrant, mais mon petit doigt me dit que vous n’auriez pas les mêmes hésitations pour célébrer des journées mémorielles pour les victimes du communisme, de l’avortement ou de la Révolution française. Donc oui, l’Église est une Église pénitente, jusqu’à son triomphe ultime au dernier jour, elle exerce ce ministère de pénitence au milieu du monde pour tous ceux qui ne le font pas. « Mon Dieu je crois, j’adore, j’espère et je vous aime et je vous demande pardon pour tous ceux qui ne croit pas, n’adore pas, n’espère pas et ne vous aime pas. » Cette idée de faire pénitence pour les péchés des autres et particulièrement pour le péché des âmes consacrées n’est pas une invention d’odieux gauchistes. C’est même le cœur de la deuxième apparition de Jésus à Ste Marguerite Marie en 1674. (Avant Vatican II !!!) Et oui, le mal existera toujours dans cette vallée de larmes, c’est la mission de l’Église de le dénoncer et de l’offrir au Christ. Nous sommes tous des criminels sauvés par le sang du Christ, sanctifiés par lui, mais toujours pécheurs. Et il n’est pas contradictoire de dire que, oui, nous avons accueilli et reçu le pardon de Dieu, mais que nous continuons de faire pénitence pour nos péchés. Comme Marie Madeleine dans la grotte de la Sainte Baume, morte pardonnée et sauvée, mais toujours pénitente et pleurant son péché.
Une des choses que l’auteur de cette tribune ne comprend pas c’est que justement la voix prophétique de l’Église consiste à prendre sur elle le mal commis dans son sein et dans le monde. L’Église est moins prophétique quand elle triomphe que quand elle souffre et s’abaisse, parce que, précisément, elle est l’épouse de celui qui nous sauve du mal par ses souffrances et son abaissement.
Qui sont les ennemis de l’Église que le texte veut dénoncer, sinon ceux qui veulent empêcher l’Église d’occuper la place que son époux lui a préparée. Les ennemis de l’Église sont bien plus ceux qui veulent l’empêcher de monter sur la croix que ceux qui veulent la crucifier. En fait, cette tribune c’est Pierre qui dit à Jésus « Seigneur, cela ne t’arrivera pas ». « Passe derrière moi Satan ! Tes pensées ne sont pas celles de Dieu ».
C’est justement pour aller de l’avant qu’il ne faut pas tourner la page, comme le dimanche de pâque ne tourne pas la page du Vendredi Saint mais constitue avec lui un seul mystère. Et tourner la page de l’un c’est aussi refuser l’autre.