Congrégation de Bétharram : le père Beñat Segure mis en cause
Le père Benat Segur(e), né en 1933 et décédé en 2010, fait lui aussi partie des religieux mis en cause par les anciens élèves de Bétharram – dans un dossier où il y a plus de 150 plaintes désormais.
On apprend de sa biographie parue à son décès dans le bulletin de la congrégation qu’il a passé de nombreuses années en Côte d’Ivoire, notamment comme directeur d’établissement d’enseignement, et qu’il a aussi connu un temps comme aumônier du collège Ozanam de Limoges – celui qu’a dirigé le père Tipy, lui aussi mis en cause par d’anciens élèves pour abus, et où était dans les années 1980 le père Lamasse, reconnu comme auteur d’abus sur un élève de l’Apostolicat de Bétharram dans les années 1950.
Informations complémentaires
Père Beñat Segure
Le Père Beñat Segure nait à Itxassou le 25 mai 1933, dans une famille de trois enfants. Il fait ses études secondaires au Collège Notre-Dame de Bétharram et le Noviciat à Pau : il s’engage au service du Christ par la Profession religieuse en 1953. Les études de philosophie et de théologie sont interrompues par 26 mois de service militaire : 4 mois en Allemagne et 22 mois en Algérie : cette longue expérience le marque et confirme son audace et son courage…
Il termine ensuite sa formation pour 1e sacerdoce et il est ordonné prêtre le 29 juin 1967, à Bordeaux. En vrai fils de saint Michel Garicoits, il part en Afrique, suit une formation pastorale en Haute-Volta (l’actuel Burkina Fasso), avant de rejoindre la Côte d’lvoire, d’abord à Ferkessedougou puis à Katiola jusqu’en 1971.
Il revient en Europe terminer une licence d’espagnol. Pendant cette période, en tant qu’aumônier du collège Ozanam à Limoges, il soutient le lancement du Mouvement Eucharistique des Jeunes. Avec sa fougue et son charisme de sportif, il devient une figure de proue pour de nombreux élèves. Par la suite, il repart en Afrique où il est nommé directeur du Collège-Séminaire de Katiola.
De 1979 à 1984, il assure la direction du Collège Notre-Dame de Bétharram, puis de 1983 à 1990 celle du Centre Etchécopar de Saint-Palais. Il repart en Côte d’Ivoire jusqu’en 1994,malgré un accident cardiaque.
De 1994 à 2002, il rejoint la communauté des aumôniers des Servantes de Marie à Anglet. Homme du grand large, il appréciera la proximité de locéan…
Il arrive à la Maison de Retraite à Bétharram en 2003 après un séjour de quelques mois en Amérique latine. Dès son arrivée, le P. Beñat va soutenir la chorale de Montaut avec générosité et enthousiasme. Il recevait le programme des chants le lundi et le travaillait avec assiduité tout au long de la semaine ; il a laissé de nombreux cahiers où il notait l’accompagnement des chants.
Tous les vendredis, régulièrement et avant l’heure, il était à l’église de Montaut pour la répétition des chants. Le samedi ou le dimanche, c’est lui qui accueillait les paroissiens de son bonjour éclatant, sa main généreusement tendue.
À l’occasion des fêtes et anniversaires des membres de la chorale, il apportait sa gaité communicative, et de sa voix claire et forte il poussait le puissant irrintzina* qui résonnait bien au-delà des murs du presbytère.
La veille de ses obsèques, le groupe de la chorale au complet est venu dire sa reconnaissance à Beñat. Le jour même, tous étaient là pour lui dire qu’ils comptent sur son soutien pour les aider à persévérer dans ce beau service de la communauté chrétienne.
Homme de relation, fidèle au pays Basque, il a été aumônier des Basques de Pau « Lagunt eta maïta » (Aide et aime ! en basque) pendant 10 ans; et depuis 2007,i1 était aussi aumônier de la confrérie de la Cerise d’Itxassou…
Homme de relation, Beñat se prêtait volontiers à l’accueil des pèlerins à lappel du responsable du sanctuaire et il était heureux de leur en faire découvrir la beauté.
Homme de relation, il savait aussi être proche des personnes handicapées à la Maison de Retraite… Il ne craignait pas la mort, il avait préparé la célébration de ses obsèques : il est resté vivant au milieu de nous jusqu’à son départ vers le Père le 31 mai, fête de la Visitation de Marie.
Gaston Gabaix-Hialé, SCJ
Congrégation de Bétharram
- https://www.la-croix.com/religion/qui-sont-les-peres-de-betharram-au-cour-d-un-vaste-scandale-de-violences-sexuelles-20250304
- https://www.mediapart.fr/journal/france/190225/des-1993-l-etat-ete-alerte-des-maltraitances-de-betharram
- https://www.larepubliquedespyrenees.fr/faits-divers/justice/abuse-par-un-pretre-de-betharram-il-y-a-60-ans-il-veut-la-justice-5106900.php
- https://www.facebook.com/groups/1694399824400108/
- https://www.la-croix.com/religion/plus-de-100-plaintes-deposees-pour-violences-physiques-et-sexuelles-a-notre-dame-de-betharram-20240710
- https://diocese64.org/communique-de-la-congregation-de-betharram/
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/nouvelle-aquitaine/pyrenees-atlantiques/pau/on-est-passe-d-une-affaire-regionale-a-un-scandale-national-un-an-apres-les-premieres-plaintes-pour-violences-sexuelles-a-betharram-l-impatience-des-victimes-3059317.html
- https://www.lavoixdunord.fr/1563929/article/2025-03-12/scandales-de-betharram-riaumont-les-deputes-vont-mener-l-enquete-et-veulent
- http://www.betharram.net/images/doc/betharram/feuille/99-expansionscjbetharram.pdf
- http://www.betharram.net/fr/famille/ou
Fondée en 1835 près de Lourdes par Michel Garicoïts (1797-1863), prêtre basque canonisé en 1947, la congrégation des Pères du Sacré Cœur de Jésus de Bétharram (s.c.j.), ou plus simplement des Pères bétharramites, avait pour vocation de répondre aux besoins spirituels de l’après-Révolution française. « Avec une spiritualité centrée sur le Sacré-Cœur de Jésus, elle a particulièrement investi les terrains de l’éducation, de la pastorale des malades, de la mission, et du service des paroisses », campe le père Delgue 🡵. Elle compte près de 270 membres dans le monde 🡵.
Chronologie
Le premières alertes connues remontent à 1993, quand un surveillant perfore le tympan d’un élève. L’école Notre-Dame-de-Bétharram est condamnée par la justice à indemniser un l’élève 🡵. L’année 2000 sera marquée par le suicide de l’ancien directeur de Notre-Dame-de-Bétharram, le père Pierre Silviet-Carricart, qui était alors mis en examen, accusé d’avoir violé un enfant, interne de l’établissement. A partir de 2010, Jean-Marie Delbos, victime du père Lamasse, va tenter de se faire entendre de l’Église qui ne sanctionnera pas son agresseur mais l’enverra simplement un temps « en quarantaine » à Bethléem, avec interdiction d’exercer 🡵.
Finalement, c’est le lancement du groupe Facebook Les anciens du collège et lycée de Bétharram, victimes de l’institution 🡵 par Alain Esquerre qui va changer la donne. A partir de ce moment, les plaintes s’accumullent rapidement.
Fin 2024, la congrégation de Bétharram publie un long communiqué 🡵. Le vicaire général de la congrégation de Bétharram a confié à une ONG de Bayonne une mission de médiation avec les victimes. Dans les faits, depuis ce message, elle est absente des démarches 🡵.
Avec la mise en cause de François Bayrou début 2025 la médiatisation de Notre-Dame de Bétharram s’accélère et des groupes Facebook sont créés pour rassembler les victimes dans d’autres établissements de la congrégation.
Le mois de mars 2025 marque un tournant :
- Les pères de Bétharram reconnaissent leur « responsabilité » dans les « souffrances » liées aux violences physiques et sexuelles. De plus, ils annoncent la mise en place d’un dispositif d’indemnisation des victimes de laïcs. Enfin, une commission d’enquête indépendante, dont la composition n’a pas encore été arrêtée, devra par ailleurs identifier « les causes » de ces « abus massifs ». Elle devrait travailler pendant « au moins six mois », « pourra étudier les archives » et entendra des victimes et membres de la communauté. Fait notable, elle s’intéressera aussi au fonctionnement de la congrégation à l’international, avec l’ambition d’empêcher la reproduction de tels abus 🡵.
- Suite à l’écho médiatique de Bétharram, les députés lancent une commission d’enquête parlementaire sur les violences en milieu scolaire 🡵.
Une congrégation internationale
La congrégation est aujourd’hui implantée dans près de quinze pays répartis sur les cinq continents 🡵, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. 🡵. La crainte d’Alain Esquerre, c’est que « là où les prêtres qui ont dirigé Bétharram sont passés par la suite, il y ait eu d’autres agressions sexuelles » 🡵.
Source : Site internet des prêtres du Sacré-Cœur de Jésus de Bétharram
Voir aussi :
École Ozanam de Limoges
- 2011 La congrégation de Bétharram fait ses adieux au diocèse de Limoges après 63 ans de présence, tant au collège Ozanam, qu’à la paroisse de Saint-Léonard et divers services et aumôneries 🡵.
- 2025 Des abus sexuels sont dénoncés par d’anciens élèves 🡵.
Voir aussi :
A propos de l'enseignement privé catholique
- https://www.ciase.fr/rapport-final/
- https://www.francetvinfo.fr/societe/education/affaire-de-violences-sexuelles-a-notre-dame-de-betharram/des-excuses-quelques-annonces-et-une-promesse-de-reflexion-comment-l-enseignement-catholique-reagit-aux-temoignages-de-violences-physiques-et-sexuelles-dans-ses-etablissements_7127985.html
Les chiffres documentés par la CIASE
Dans son rapport paru en 2021, la Commission indépendante sur la pédocriminalité dans l’Église catholique (Ciase) a estimé à 330 000 le nombre de victimes entre 1950 et 2020. Près d’un tiers (30%) des faits ont eu lieu dans les établissements et internats scolaires, « premier lieu des violences sexuelles » contre les mineurs au sein de l’Église. Les victimes sont très majoritairement (83%) des garçons, âgés pour la plupart (62%) de 10 à 13 ans. Les sévices sexuels s’inscrivent « dans un continuum de violences pédagogiques », relève aussi la Ciase.
D’après les chiffres de la Ciase, il y aurait donc eu presque 100 000 victimes dans les établissements et internats scolaires en lien avec l’Église.
« Cette loi de l’omerta était générale » dans la société, assure l’évêque de Bayonne [Mgr Aillet]. « Dans les congrégations religieuses, qui jouent un rôle important dans l’enseignement catholique, la culture du silence, inhérente à l’Église, est redoublée du fait de l’obéissance due au supérieur, et d’une culture corporatiste qui incite à garder le silence au sein de la communauté et à protéger ses membres », nuance l’historienne Agnès Demazières. « Ces congrégations exercent aussi une force d’attraction sur des personnalités perverses du fait de ce climat de silence et d’un accès facile à des enfants et des personnes vulnérables », avance la spécialiste de l’histoire du christianisme, autrice de Sans loi ni foi : Prêtres et violences sexuelles. Au cœur du système catholique.
Voir aussi :
- Abbaye-école de Sorèze (1)
- Collège Richelieu à La-Roche-sur-Yon (1)
- Collège Saint François-Xavier d'Ustaritz (2)
- Collège Saint-Michel à Bruxelles (fiche uniquement)
- Collège Saint-Pierre, au Relecq-Kerhuon (2)
- Institution Saint-Dominique de Neuilly (3)
- Institution Saint-Pierre, à Saint-Pé-de-Bigorre (2)
- L'Immaculée Conception de Pau (fiche uniquement)
- Notre Dame de Garaison (5)
- Notre-Dame de Bétharram (33)
- Notre-Dame du Sacré Cœur à Dax, dit Cendrillon (2)
- Sainte Croix des Neiges (3)
- École Ozanam de Limoges (4)