Pensionnat du Likès à Quimper : des témoignages datant de 2021
- https://www.ouest-france.fr/bretagne/temoignage-a-11-ans-j-ai-ete-abuse-sexuellement-par-un-frere-au-pensionnat-9472a3c0-4ba1-11ec-86fe-f93f315cdcf6
- https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/abus-sexuels-dans-un-college-lycee-du-finistere-les-temoignages-se-multiplient-e4b362ca-51e1-11ec-b8b1-fba408961a05
Je venais d'entrer en sixième. J'avais 11 ans. À 11 ans, on n'est encore qu'un enfant. J'ai été agressé sexuellement par un frère qui surveillait l'internat du Likès, à Quimper, où j'ai fait ma scolarité. C'était en 1970.
Comme tous les pensionnaires, on arrivait le dimanche soir et on dormait dans de grands dortoirs. Tous les sixièmes étaient ensemble, sous la surveillance de ce religieux également professeur d'éducation manuelle. Lors de certains cours, à l'atelier, il piquait des colères noires. Ce frère, que je ne nommerai pas, terrorisait tous les élèves.
Un soir, après l'extinction des lumières, il est venu me chercher. C'est comme ça qu'il procédait. Il choisissait sa proie et l'emmenait dans sa chambre, une sorte de box fermé avec une porte. Du dortoir, on voyait les lumières allumées derrière les rideaux. Une fois à l'intérieur, il a commencé à me caresser. Il a mis ses mains dans mon pyjama. Et puis il m'a forcé à faire de même… L'expression de son visage est gravée dans ma mémoire.
C'était un viol. J'ai du mal à prononcer ce mot. J'ai 62 ans aujourd'hui et c'est toujours difficile d'évoquer ce traumatisme. Je n'en ai parlé qu'à deux ou trois personnes de mon entourage proche. C'est tout. Je vis avec ça depuis cinquante ans. Durant toute ma vie, j'ai repensé à ce qu'il s'est passé dans cette chambre minuscule. Et c'est la première fois aujourd'hui que je témoigne publiquement. Je ne peux plus garder le silence.
Je n'étais pas sa seule victime. Dans le lit, juste à côté du mien, il y avait un de mes meilleurs copains. Il pleurait toutes les nuits. On en a jamais discuté ensemble mais on savait. Tout le dortoir savait.
Rien qu'au cours de cette année 1970, je peux affirmer qu'il y a eu plusieurs dizaines de victimes. Toutes les semaines, quelqu'un y passait. On était des proies faciles, à portée de main. Il circulait entre les rangées et choisissait en fonction de je ne sais quel critère. On avait tous peur qu'il s'arrête devant notre lit.
En ce qui me concerne, il l'a fait deux fois. La deuxième, il a dû sentir que je commençais à me rebeller. Mais d'autres, comme mon ami, très timide et renfermé, allaient souvent dans sa chambre. Quand il revenait, j'entendais ses sanglots jusque tard dans la nuit. C'était terrible. Le tabou était total. Le lendemain, on était en classe comme si de rien n'était.
[…]
Il y a quelques années, j'ai effectué des recherches pour tenter de retrouver ce frère. Personne n'a voulu me répondre. Les élèves lui avaient donné un surnom sans équivoque. Le responsable d'établissement et les enseignants ne pouvaient pas ne pas savoir. C'est impossible.
« Le frère qui surveillait le dortoir m'a agressé plusieurs fois après m'avoir emmené dans sa chambre, relate ce Finistérien. Il choisissait les élèves les moins rebelles, il avait ses chouchous. En tant que gars de la campagne, j'étais très malheureux. Ma famille m'avait mis en pension car nous étions une grande fratrie. Je suis allé quatre ans au Likès. C'est en 6e et en 5e que j'ai été victime des agissements de ce frère dont tout le monde avait peur. Les jeunes savaient ce qu'il se passait dans cette chambre, mais on n'en parlait jamais entre nous. On lui donnait des surnoms qui auraient dû alerter la direction de l'époque. »
Informations complémentaires
École Sainte-Marie à Quimper, dite le Likès
- https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/abus-sexuels-dans-un-college-lycee-du-finistere-les-temoignages-se-multiplient-e4b362ca-51e1-11ec-b8b1-fba408961a05
- https://www.ouest-france.fr/bretagne/quimper-29000/quimper-abus-sexuels-au-college-lycee-du-likes-une-cellule-d-ecoute-mobilisee-c72b1b40-5ce4-11ec-9016-85f0948c968a
- https://lasallefrance.fr/contact/
L'école Sainte-Marie, dite le « Likès », a été fondée en 1838 par les frères des écoles chrétiennes pour l'enseignement des enfants pauvres de la campagne environnant la ville à Quimper 🡵. Treize personnes, victimes ou témoins, se sont manifestées , auprès de la rédaction Ouest-France ces dernières semaines 🡵.
Proposition d'écoute en lien avec l'établissement
« La cellule d'écoute, créée il y a cinq ans, est à la disposition de toutes les victimes. » Le frère Jean-René Gentric, à la tête du Réseau national lasallien, est catégorique : « Toutes les victimes qui s'adressent à nous seront entendues, si elles le souhaitent. » 🡵
Dans un communiqué daté du 13 décembre 2021, Thierry Nau, directeur du collège-lycée privé, s'est exprimé : « À la lecture de ces douloureux témoignages, la direction est horrifiée et exprime son soutien aux victimes. Elle les invite à s'adresser à la cellule d'écoute. La direction du groupe scolaire se propose aussi d'entendre les victimes et de faire le lien avec cette cellule… Il nous revient de lutter avec détermination contre toutes formes de violence et d'emprise sur les mineurs pour leur permettre de se construire sereinement et les aider à devenir adulte. »
Le visiteur provincial des Frères des écoles chrétiennes répond aux victimes d'abus sexuels de la part d'un religieux, dans les années 1970, au sein du groupe scolaire Le Likès à Quimper (Finistère). Après le récit d'un Finistérien de 62 ans publié dans Ouest-France, le 27 novembre 2021, les témoignages se sont multipliés.
L'auteur présumé de ces violences est un frère qui a exercé plusieurs années au Likès en tant que surveillant d'internat et professeur d'éducation manuelle. Il est décédé en 2020, à l'âge de 96 ans, à la maison de retraite de Kerozer, à Saint-Avé (Morbihan).
Treize personnes, victimes ou témoins, se sont manifestées, auprès de la rédaction Ouest-France ces dernières semaines. « Elles peuvent s'adresser directement à nous par courrier, ajoute Jean-René Gentric. En tant que frère visiteur, je peux également m'entretenir avec elles. Le réseau lasallien a mis en place un dispositif très souple afin de répondre le mieux possible aux demandes. »
Contact :
La Salle France, 78A rue de Sèvres, 75341 Paris cedex 07.
Tél. 01 44 49 36 00.
Site : lasallefrance.fr/contact/.
Enseignement privé catholique
- https://www.ciase.fr/rapport-final/
- https://www.francetvinfo.fr/societe/education/affaire-de-violences-sexuelles-a-notre-dame-de-betharram/des-excuses-quelques-annonces-et-une-promesse-de-reflexion-comment-l-enseignement-catholique-reagit-aux-temoignages-de-violences-physiques-et-sexuelles-dans-ses-etablissements_7127985.html
- https://www.la-croix.com/societe/affaire-betharram-pour-philippe-delorme-tout-ce-qui-contribue-a-lutter-contre-les-violences-est-une-bonne-chose-20250220
- https://prevention-harcelement.enseignement-catholique.fr
- https://prevention-harcelement.enseignement-catholique.fr/auto-evaluation-sur-le-harcelement/
- https://prevention-harcelement.enseignement-catholique.fr/plan-boussole/
- https://www.nouvelobs.com/societe/20250508.OBS103665/on-ne-peut-pas-se-contenter-de-dire-nous-sommes-une-grande-famille-la-grande-majorite-des-faits-est-derriere-nous-apres-betharram-l-enseignement-catholique-face-aux-plaintes.html
- https://enseignement-catholique.fr/campagne-stop-violences/
- https://www.la-croix.com/apres-betharram-l-enseignement-catholique-lance-une-campagne-stop-violences-20250502
- https://www.letudiant.fr/college/lancement-de-la-campagne-stop-violences-par-lenseignement-catholique.html
Les chiffres documentés par la CIASE
Dans son rapport paru en 2021, la Commission indépendante sur la pédocriminalité dans l'Église catholique (Ciase) a estimé à 330 000 le nombre de victimes entre 1950 et 2020. Près d'un tiers (30%) des faits ont eu lieu dans les établissements et internats scolaires, « premier lieu des violences sexuelles » contre les mineurs au sein de l'Église. Les victimes sont très majoritairement (83%) des garçons, âgés pour la plupart (62%) de 10 à 13 ans. Les sévices sexuels s'inscrivent « dans un continuum de violences pédagogiques », relève aussi la Ciase.
D'après les chiffres de la CIASE, il y aurait donc eu presque 100 000 victimes dans les établissements et internats scolaires en lien avec l'Église.
« Cette loi de l'omerta était générale » dans la société, assure l'évêque de Bayonne [Mgr Aillet]. « Dans les congrégations religieuses, qui jouent un rôle important dans l'enseignement catholique, la culture du silence, inhérente à l'Église, est redoublée du fait de l'obéissance due au supérieur, et d'une culture corporatiste qui incite à garder le silence au sein de la communauté et à protéger ses membres », nuance l'historienne Agnès Demazières. « Ces congrégations exercent aussi une force d'attraction sur des personnalités perverses du fait de ce climat de silence et d'un accès facile à des enfants et des personnes vulnérables », avance la spécialiste de l'histoire du christianisme, autrice de Sans loi ni foi : Prêtres et violences sexuelles. Au cœur du système catholique.
Actions récentes mises en place
Le programme de protection des publics fragiles (3PF)
Depuis 2018, l'enseignement catholique a mis en place le « 3PF », le « programme de protection des publics fragiles ». C'est un dispositif visant la prévention et la lutte contre toute forme de maltraitance, que ce soit le harcèlement, les violences, les abus au sein des établissements scolaires, en mettant à leur disposition des ressources, des éléments juridiques, des outils de discernement et d'action… 🡵.
Le site internet du 3PF propose :
- Des livrets d'information
- Livret 1 : De la lutte contre la maltraitance à la bientraitance éducative
- Livret 2 : La bientraitance éducative
- Recueillir la parole de l'enfant témoin ou victime
- Être à l'écoute - créer des dispositifs d'écoute
- Secret professionnel, discrétion professionnelle, devoir de réserve, confidentialité
- Procédures en matière de protection des mineurs
- Des grilles d'auto-évaluation sur le harcèlement pour les élèves
- Le plan boussole : un processus de discernement et d'action du 3PF. Il peut être mis en place dans les établissements pour faire progresser la culture de la bientraitance éducative.
Un dispositif 3PF pour « programme de protection des publics fragiles » a été lancé par le Sgec. Sur le papier, il est ambitieux (si l'on oublie sa dénomination problématique qui associe le risque d'exposition aux violences à une fragilité préalable). Les conditions de recueil de la parole y sont détaillées, et les risques de maltraitance par une personne détenant l'autorité ouvertement évoqués. Ce n'est pas du tout le cas dans le public, où la question de l'adulte dysfonctionnel reste un impensé, absent du site du ministère et des formations prodiguées aux personnels. Sur le terrain, toutefois, les choses sont plus compliquées. Le Sgec, qui ne dispose que d'un simple pouvoir d'animation et de proposition, est incapable de s'avancer sur la mise en œuvre effective du fameux 3PF, au point de lancer une campagne de communication auprès des parents pour le faire connaître. C'est que l'enseignement catholique est un parfait négatif de l'enseignement public : si le second souffre de son hypercentralisation, le premier se singularise par la très grande autonomie de ses établissements.
La campagne « Stop Violences »
La campagne « Stop Violences » a été lancée le vendredi 2 mai 2025. C'est une campagne d'information et de sensibilisation sur les violences en milieu scolaire dans tous ses établissements, après le scandale de Notre-Dame de Bétharram qui a entraîné une libération de la parole sur le sujet. La campagne « Stop violences » a pour objectif d’« amplifier l'information et renforcer l'implication de tous les acteurs de l'école » sur ce sujet, a indiqué le Secrétariat général de l'enseignement catholique dans un communiqué 🡵.
Suite au lancement de cette campagne, Le collectif Stop Souffrances qui rassemble parents d'élèves, enseignants et personnels des établissements catholiques s'interroge sur l'efficacité réelle de ces mesures, et demande des changements profonds sur le terrain au-delà des effets d'annonce. Sophie, professeure au sein d'un établissement privé sous contrat, « n'a jamais entendu parler de cette campagne Stop Violences, à part aux informations ». 🡵
Voir aussi :
- Abbaye-école de Sorèze (1)
- André Guéguen (1)
- Collège de Combrée (3)
- Collège de l’Annonciation, à Seilh (1)
- Collège Ozanam de Limoges (7)
- Collège Richelieu à La-Roche-sur-Yon (1)
- Collège Saint François-Xavier d'Ustaritz (3)
- Collège Saint-Michel à Bruxelles (fiche uniquement)
- Collège Saint-Pierre, au Relecq-Kerhuon (5)
- Collège-lycée Saint-Augustin de Bitche (1)
- Collège-lycée Saint-Joseph de Nay (2)
- Dominicaines du Saint Nom de Jésus (2)
- Institut Notre-Dame d’Avranches (1)
- Institut Saint-Lô d’Agneaux (1)
- Institution Paul Mélizan (1)
- Institution Saint-Dominique de Neuilly (5)
- Institution Saint-Pierre, à Saint-Pé-de-Bigorre (2)
- L'Immaculée Conception de Pau (1)
- Le Kreisker à Saint-Pol-de-Léon (3)
- Notre Dame de Garaison (6)
- Notre-Dame de Bétharram (41)
- Notre-Dame du Sacré Cœur à Dax, dit Cendrillon (2)
- Notre-Dame-de-Sion (1)
- Père Jacques Choquer (1)
- Père Raymond Mélizan (1)
- Saint-Thomas-d’Aquin, à Oullins (3)
- Sainte Croix des Neiges (3)
- Sainte-Marie, à Chagny (1)
- École Saint-Genès de Bordeaux (1)
- École Saint-Pierre-Fourier (Collège Saint-Maur) (1)
- École Sainte-Marie à Quimper, dite le Likès (1)
- Établissement Saint-Bernard de Troyes (1)
- Établissement scolaire Stanislas (10)