Pensionnat du Likès à Quimper : des témoignages datant de 2021

Je venais d'entrer en sixième. J'avais 11 ans. À 11 ans, on n'est encore qu'un enfant. J'ai été agressé sexuellement par un frère qui surveillait l'internat du Likès, à Quimper, où j'ai fait ma scolarité. C'était en 1970.

Comme tous les pensionnaires, on arrivait le dimanche soir et on dormait dans de grands dortoirs. Tous les sixièmes étaient ensemble, sous la surveillance de ce religieux également professeur d'éducation manuelle. Lors de certains cours, à l'atelier, il piquait des colères noires. Ce frère, que je ne nommerai pas, terrorisait tous les élèves.

Un soir, après l'extinction des lumières, il est venu me chercher. C'est comme ça qu'il procédait. Il choisissait sa proie et l'emmenait dans sa chambre, une sorte de box fermé avec une porte. Du dortoir, on voyait les lumières allumées derrière les rideaux. Une fois à l'intérieur, il a commencé à me caresser. Il a mis ses mains dans mon pyjama. Et puis il m'a forcé à faire de même… L'expression de son visage est gravée dans ma mémoire.

C'était un viol. J'ai du mal à prononcer ce mot. J'ai 62 ans aujourd'hui et c'est toujours difficile d'évoquer ce traumatisme. Je n'en ai parlé qu'à deux ou trois personnes de mon entourage proche. C'est tout. Je vis avec ça depuis cinquante ans. Durant toute ma vie, j'ai repensé à ce qu'il s'est passé dans cette chambre minuscule. Et c'est la première fois aujourd'hui que je témoigne publiquement. Je ne peux plus garder le silence.

Je n'étais pas sa seule victime. Dans le lit, juste à côté du mien, il y avait un de mes meilleurs copains. Il pleurait toutes les nuits. On en a jamais discuté ensemble mais on savait. Tout le dortoir savait.

Rien qu'au cours de cette année 1970, je peux affirmer qu'il y a eu plusieurs dizaines de victimes. Toutes les semaines, quelqu'un y passait. On était des proies faciles, à portée de main. Il circulait entre les rangées et choisissait en fonction de je ne sais quel critère. On avait tous peur qu'il s'arrête devant notre lit.

En ce qui me concerne, il l'a fait deux fois. La deuxième, il a dû sentir que je commençais à me rebeller. Mais d'autres, comme mon ami, très timide et renfermé, allaient souvent dans sa chambre. Quand il revenait, j'entendais ses sanglots jusque tard dans la nuit. C'était terrible. Le tabou était total. Le lendemain, on était en classe comme si de rien n'était.

[…]

Il y a quelques années, j'ai effectué des recherches pour tenter de retrouver ce frère. Personne n'a voulu me répondre. Les élèves lui avaient donné un surnom sans équivoque. Le responsable d'établissement et les enseignants ne pouvaient pas ne pas savoir. C'est impossible.

Ouest France

« Le frère qui surveillait le dortoir m'a agressé plusieurs fois après m'avoir emmené dans sa chambre, relate ce Finistérien. Il choisissait les élèves les moins rebelles, il avait ses chouchous. En tant que gars de la campagne, j'étais très malheureux. Ma famille m'avait mis en pension car nous étions une grande fratrie. Je suis allé quatre ans au Likès. C'est en 6e et en 5e que j'ai été victime des agissements de ce frère dont tout le monde avait peur. Les jeunes savaient ce qu'il se passait dans cette chambre, mais on n'en parlait jamais entre nous. On lui donnait des surnoms qui auraient dû alerter la direction de l'époque. »

Ouest France

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