Notre Dame de Garaison : accumulation de témoignages et création d'un Collectif de victimes
- https://www.lasemainedespyrenees.fr/hautes-pyrenees-briser-le-silence-philippe-a-cree-le-collectif-des-victimes-de-notre-dame-de-garaison/
- https://www.facebook.com/collectif.victimes.notre.dame.de.garaison
- https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/c-etait-du-dressage-d-anciens-eleves-de-notre-dame-de-garaison-sortent-du-silence-2026152
- https://www.francetvinfo.fr/societe/harcelement-sexuel/enquete-notre-dame-de-garaison-l-autre-betharram-ou-l-on-giflait-les-eleves-toutes-les-nuits_7098348.html
- https://www.ladepeche.fr/2025/03/02/je-revois-son-regard-et-ce-plaisir-pervers-a-faire-du-mal-a-un-enfant-ancien-eleve-a-notre-dame-de-garaison-il-denonce-des-violences-physiques-12543109.php
Fondé en 1841 à deux pas d’un important lieu de pèlerinage et de Lourdes, Notre-Dame de Garaison est réputé dans la Bigorre et jusqu’à Pau ou Toulouse pour son excellence, son respect de la tradition religieuse et sa discipline envers les élèves décrocheurs ou frondeurs. A l’image de Notre-Dame de Bétharram, son collège et son lycée sont toujours fréquentés par les fils et filles de la bourgeoisie régionale. L’école s’enorgueillit de compter parmi ses anciens élèves des personnalités comme l’ex-sélectionneur du XV de France (de 1991 à 1995), Pierre Berbizier, ou l’ancien Premier ministre (de 2020 à 2022), Jean Castex qui n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Pourquoi avez-vous décidé de créer ce groupe ?
Philippe : En fait, tout est parti du moment où j’ai écouté Alain Esquerre du collectif Notre Dame de Bétharram à la télévision raconter ce qui se passait à Bétharram. Cela a fait écho en moi, car j’avais vécu des choses similaires à Garaison. Notamment lorsqu’il a évoqué un camarade qui avait reçu une gifle et qui en avait eu le tympan déchiré : c’est exactement ce que j’ai vécu moi aussi.
Ensuite, lorsqu’il a parlé des violences collectives et des violences sexuelles, j’ai immédiatement pensé à un surveillant que j’avais connu à l’époque et qui a été condamné pour viol, notamment pour des faits survenus à Garaison. Je me suis dit : « Mais c’est la même chose ! Bétharram et Garaison, c’est la même réalité. »
Collectif des victimes de Notre Dame de Garaison
- Sur facebook : https://www.facebook.com/collectif.victimes.notre.dame.de.garaison
- Par email : victimes.garaison@gmail.com
- Groupe WhatsApp : réservé aux victimes et témoins.
Présentation du groupe par son fondateur.
Les témoignages s’accumullent
« Ce sont les internes qui subissaient le plus, raconte Philippe. Les surveillants, qui étaient des élèves de terminale, avaient l’autorisation de frapper. Je me souviens de ma première nuit à Garaison, j’ai discuté avec mon voisin. Le pion m’a obligé à me dénoncer. Il m’a demandé de venir vers lui, de tenir sa lampe de poche. Il m’a mis une grosse claque dans la figure et m’a dit ‘Rends-moi la lampe et va te recoucher’. J’ai rendu sa lampe. Je suis allé me recoucher. Pas d’explication. Pas de sommation. C’était du dressage. La spécialité du surveillant général était de fouetter les élèves alignés avec un lacet en cuir tressé. Et parfois même, si ça ne suffisait pas, il nous faisait descendre l’hiver en pyjama faire des tours de la cour. Je me souviens d’un camarade qui avait pris 17 claques en une heure de cours ».
Sophie* est l’une des rares femmes à témoigner pour la cellule investigation de Radio France. A seulement 13 ans, elle reste choquée par une très violente agression de la part du surveillant en chef déjà cité par Philippe. D’abord malmenée par un surveillant qui l’empêche de lire à l’étude, elle est reçue par le surveillant en chef. « Je suis arrivée devant le bureau, raconte difficilement Sophie. Quand il a ouvert la porte. Il m’a aussitôt frappée. Coups de pieds. Coups de poings. Il m’a attrapée la tête et m’a tapée de droite à gauche contre les murs. Ça a duré assez longtemps. Après, je ne me rappelle plus trop ce qui s’est passé. Je n’ai pas de souvenir. J’ai un trou noir. Le soir, une fois rentrée chez moi, j’ai fini par le dire à ma mère. Le directeur de l’époque, le père Y.L., l’a reçue. Il lui a proposé de me faire passer directement dans la classe supérieure si elle ne faisait pas de vagues et gardait le silence sur cette affaire. Ma mère a refusé et j’ai changé d’école en cours d’année pour aller dans le public. A l’époque [début des années 1980, ndlr], on ne portait pas plainte. Ça ne se faisait pas. Moi j’ai vu des gamins se faire péter le nez, se faire ouvrir les arcades sourcilières. J’ai vu le surveillant général avec ceinturon ou lacets en cuir frapper des petits. Ce n’était pas tout le temps comme cela. Il y a des moments où j’ai rigolé aussi avec mes camarades. Mais on ne peut pas parler de charité et de compassion et, à côté de cela, tabasser des enfants. Je ne méritais pas ce qui m’est arrivé. Les garçons ne méritaient pas d’avoir un pion qui les tapait avec des santiags pointues directement dans l’anus. C’est d’une violence absolue. Moi, ça a eu des effets sur tout le reste de ma vie. On m’a appris à me taire. Notre-Dame de Garaison m’a appris à me taire, mais avec violence ».
Comme plusieurs élèves contactés par Radio France, Henry décrit une sorte de rituel nocturne qui avait lieu dans le grand dortoir abrité dans les combles du bâtiment principal, où dormaient près de 80 enfants. « Une fois les lumières du dortoir éteintes, s’il y avait un bruit, un chuchotement parmi les enfants, la procédure était d’allumer les néons dans leur intégralité, de demander aux élèves de se lever devant leur lit et de mettre les mains derrière le dos. Et à ce moment-là, le surveillant passait et giflait tous les élèves les uns après les autres. Lorsque vous tentiez de vous protéger ou de baisser la tête, il frappait à nouveau jusqu’à ce que la claque puisse passer. Il y a des nuits où on prenait deux claques et des nuits où on en prenait quatre. J’ai un souvenir très précis d’une systématisation de la baffe et de la peur que je ressentais à l’époque. Vous étiez complètement en état de vulnérabilité. Et ce qui me révolte, 37 ans plus tard, c’est que l’institution, évidemment, savait. Les surveillants, leur chef, des cadres, pratiquaient les châtiments corporels ».
Scolarisé entre 1983 et 1985, de la sixième à la cinquième, il [Grégory Leroy] se souvient d’une instauration progressive de la violence, en particulier à l’internat. « Je pense que certains externes ont même eu une scolarité normale à Garaison, à cette époque-là » constate-t-il. Selon lui, les punitions se sont rapidement éloignées de la « simple baffe ». « Le surveillant général avait accroché à son sifflet trois lacets en caoutchouc, qu’il utilisait régulièrement pour nous frapper », décrit-il.
Il s’agit du père Pierre Lubat, décédé en 2013. Un homme qui a profondément traumatisé Grégory Leroy, par la violence de ses châtiments. Un soir, il est surpris en train de manger des biscuits dans son lit. Il est envoyé au piquet, une punition qui consiste à se tenir debout face à un mur, les mains sur la tête, pendant plusieurs minutes.
« Le père Lubat est alors monté dans le dortoir, avec une cravache. Il me voit au piquet et décide de me punir davantage. » raconte-t-il. Le surveillent général l’agrippe, l’amène sous la douche et lui fouette le dos, dénudé, avec la cravache. « Je me débattais alors il m’a attrapé par les parties génitales pour me maintenir et me frapper. » Une scène qui ressurgit encore aujourd’hui dans ses cauchemars : « Je revois son regard et ce plaisir pervers à faire du mal à un enfant. »
Réaction de l’ancien cadre de l’époque
Contacté par la cellule investigation de Radio France, l’ancien cadre de l’école cité par Marc, aujourd’hui diacre du diocèse de Tarbes et Lourdes, dit « ne rien savoir de tout cela ». Il y a quelques années, la presse locale le décrivait comme « la mémoire de Notre-Dame de Garaison ».
Côté rectorat de l’académie de Toulouse
De son côté, le rectorat de l’académie de Toulouse, dont dépend le groupe Notre-Dame de Garaison, nous répond que les services académiques n’ont à ce stade relevé aucun signalement de violences commises par des membres du personnel à l’encontre d’élèves.
Informations complémentaires
Notre Dame de Garaison
- https://www.facebook.com/collectif.victimes.notre.dame.de.garaison
- https://www.lasemainedespyrenees.fr/hautes-pyrenees-briser-le-silence-philippe-a-cree-le-collectif-des-victimes-de-notre-dame-de-garaison/
- https://www.ladepeche.fr/article/2009/06/12/622850-lannemezan-14-ans-de-prison-pour-l-ancien-surveillant-violeur.html
- https://www.ladepeche.fr/article/2009/06/09/621211-l-ancien-pion-juge-pour-plusieurs-viols-sur-mineurs.html
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/occitanie/hautes-pyrenees/tarbes/temoignage-il-se-souvient-d-un-surveillant-qui-agissait-le-soir-au-dortoir-un-ancien-eleve-de-notre-dame-de-garaison-va-porter-plainte-pour-viol-3115765.html
- 2009 Bernard Gouesbet, un ancien surveillant de Garaison est condamné à 14 ans de réclusion criminelle pour des viols commis au sein de l’établissement et également en dehors 🡵. Les enquêteurs seraient parvenus à identifier près de 23 victimes, mais la plupart des faits étaient prescrits 🡵.
- 2025 Avec la médiatisation de l’affaire Bétharram, d’anciens élèves de Notre Dame de Garaison dénoncent avoir eux-aussi subi des violences. Une plainte pour agressions sexuelles et viol va de plus être déposée 🡵.
Collectif des victimes de Notre Dame de Garaison
- Sur facebook : https://www.facebook.com/collectif.victimes.notre.dame.de.garaison
- Par email : victimes.garaison@gmail.com
- Groupe WhatsApp : réservé aux victimes et témoins.