L'encyclique "Fidei Donum" a été utilisée pour éviter des poursuites judiciaire

Le cas de S.V. montre que des prêtres accusés d’abus sexuels ont parfois été sciemment transférés à l’étranger par des responsables ecclésiastiques afin d’éviter des poursuites des autorités séculières. Une enquête de police a été ouverte contre lui, mais le très bref dossier ne permet pas de déterminer les faits. Il contient toutefois une lettre devant dater du début des années 1950, adressée au diocèse par un inconnu, qui fait référence à des abus sexuels sur des mineur·e·s.

« Une enquête policière est […] en cours. On va lui demander de se rendre […]. Si l’affaire n’est pas prescrite, il sera condamné, généralement sans sursis. [sic!] […] La France livre de tels délinquants indépendamment de l’âge des personnes abusées. Le Luxembourg, la Belgique et la Hollande etc., ne le font que jusqu’à 14 ans, le Portugal jusqu’à 13 ans. L’Amérique du Sud ne le fait pas. […] Un juriste nous a dit: selon lui, le scandale est moins grave si [S. V.] reste caché et ne revient pas, que si un jugement est rendu et relayé par les journaux. Rebus sic stantibus, nous ne voulons pas forcer [S. V.] à se rendre. Mais il serait peut-être plus sûr qu’il reste de façon occulte au Luxembourg, p. ex chez un paroissien ou chez les Rédempteurs. »

Dans sa lettre, l’auteur inconnu garantit qu’il prendrait la responsabilité d’entretenir S. V. et recommande de brûler la lettre. Le dossier ne permet pas de savoir si S. V. a effectivement été envoyé au Luxembourg. Toutefois, la lettre indique que les réseaux ecclésiastiques internationaux et la situation juridique dans d’autres pays ont été utilisés activement par les responsables suisses pour éviter des enquêtes criminelles et pour dissimuler des abus sexuels.

L’encyclique « Fidei Donum » a été particulièrement pertinente pour ces transferts internationaux. Dans cette encyclique missionnaire, le pape Pie XII avait appelé en 1957 à libérer les prêtres diocésains de leurs diocèses pour qu’ils aillent travailler dans des régions touchées par le manque de prêtres, principalement outre-mer. En 1972, la Conférence des évêques suisses a approuvé les « Directives des prêtres Fidei Donum », dans lesquelles les Églises locales étaient appelées à réaliser « pour leur part la Communio et la missio ». Sur cette base, des prêtres ont été envoyés en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud dans les années qui ont suivi.

Comme les prêtres Fidei-Donum étaient libérés du contrôle de leurs évêques et voyageaient dans des structures sociales qui ne sanctionnaient souvent pas ou peu les abus sexuels, un grand nombre de possibilités d’abus sexuels sont apparues. Le Verband der Diözesen Deutschlands (Association des diocèses d’Allemagne) a mandaté l’avocate Bettina Janssen pour réaliser une enquête sur les prêtres Fidei Donum allemands. Dans le cadre de l’étude, elle a identifié différentes situations d’abus sexuels qui s’étendaient jusqu’aux plus hauts cadres de l’organe de coordination.

Rapport concernant le projet pilote sur l’histoire des abus sexuels dans le contexte de l’Église catholique romaine en Suisse depuis le milieu du 20ème siècle, pp.88-89

Voir aussi l’étude allemande mentionnée ci dessus.