Abbé Pierre : tentative de synthèse des septs derniers mois

Six mois après les premiers témoignages d’agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre, il est encore difficile de savoir combien de victimes peuvent être concernées, qui savait exactement et quelles responsabilités peuvent être engagées 🡵.

Les rapports produits par le groupe Egaé

Les données de ce paragraphe sont tirées de la synthèse de fin de mission publiée le 13 janvier 2025 par le groupe Egaé.

Cela porte à 33 le nombre de témoignages qui ont été publiés. En tout, 57 personnes accusant le prêtre se sont fait connaître depuis le début de l’affaire, mais 24 accusations n’ont pas pu être vérifiées 🡵.

Sur ces 33 personnes

Les faits rapportés dans les témoignages s’étalent sur une période allant de 1951 à 2006

La nature des faits, pour 29 des témoignages, consiste en des contacts sexuels sur les seins, les fesses, la bouche ou le sexe. 2 témoignages font état d’une violence sexuelle avec pénétration. 2 témoignages font état de comportement sexuel sans préciser la nature du comportement de l’abbé Pierre. Certains témoignages font état d’exhibition sexuelle ou de messages sexuels répétés.

Parmi les 33 personnes, plusieurs personnes étaient particulièrement vulnérables au moment des faits : plusieurs étaient mineures, une personne fait partie de la famille de l’abbé Pierre, au moins deux personnes étaient en situation de vulnérabilité économique dans le cadre d’une recherche de logement.

L’abbé Pierre, un manipulateur

Utilisation de situation de vulnérabilité

M. cherchait un logement. Elle a écrit à l’abbé Pierre qui l’a hébergée quelques jours dans un lieu où il résidait et l’a aidée dans ses démarches. M. a eu une dizaine d’entretiens avec l’abbé Pierre lors de ce séjour. Elle a subi à chaque fois des baisers forcés et des contacts sur sa poitrine. L’abbé Pierre mettait la main sur son sexe à travers le pantalon. Elle avait une vingtaine d’années.

Deuxième rapport d’Egaé

Plusieurs personnes étaient particulièrement vulnérables au moment des faits : plusieurs étaient mineures, une personne fait partie de la famille de l’abbé Pierre, au moins deux personnes étaient en situation de vulnérabilité économique dans le cadre d’une recherche de logement 🡵.

Conseils pour éviter des accusations

Lettre de l’abbé Pierre adressée à un homme mis en cause pour son comportement avec deux jeunes filles mineures, dans laquelle il lui donne des conseils pour éviter des accusations.

Enfin, les familles de deux jeunes filles avec lesquelles tu t’es lié et sur qui ton influence semble bien pernicieuse, et qui si je suis bien informé, sont des jeunes filles mineures, pourraient très vite en venir à porter contre toi des accusations.

Tout cela n’est pas catastrophique, mais à une condition et il n’y en a pas plusieurs, c’est que l’on puisse montrer que toutes ces bêtises proviennent de ton mauvais état de santé nerveuse. J’ai pris contact avec le Dr xxxxxxxx, le Patron de la clinique où le xxxxxxxx son adjoint, t’a déjà soigné.

Le Dr xxxxxxxx te donne rendez-vous vendredi 12 mai à 11 h30 à la polyclinique.

Il est plein d’amitié et fera tout pour te sortir de cette impasse. Je suis certain qu’il n’y a pour toi aucune autre solution. Ne la néglige pas. Sois au rendez-vous de vendredi.

J’avertis l’Archiprêtre de la cathédrale. Si tu as, d’ici vendredi, quelque inquiétude, vois avec lui à te faire héberger quelque part. Peut-être chez les amis de Solignac. Mais surtout, ne manque pas le rendez-vous de vendredi matin.

Deuxième rapport d’Egaé

Inversion de culpabilité

Lundi 28 mars 2005 - Lundi de Pâques

Madame,

Ce dont [ANONYMISE] me parle, croyez que je n’ai aucun souvenir. A 93 ans, il n’est pas facile de se souvenir de tant d’années avec leurs difficultés, si un jour il m’est arrivé quoi que ce soit qui ait pu vous faire un mal, je vous demande de le pardonner, vous souvenant de ses (illisible) du « Notre Père » « Pardonnez nous comme nous pardonnons ».

Dieu vous comble de Paix.

Abbé Pierre

Deuxième rapport d’Egaé

Des menaces

Dans une missive griffonnée à la fin de l’année 1955, Henri Grouès (le nom à l’état civil de l’abbé Pierre) s’adresse à un étudiant américain, Marshall Suther, quelques mois après son retour d’un séjour aux Etats-Unis : « Tu promettais de ne plus te mêler de cette multitude de choses où tu ne sais accumuler que des ravages, chaos et infection », écrit le religieux. « Sache que pas une récidive ne restera sans réponse, et s’il le faut [mes réponses seront] brutales, chirurgicales. »

Libération

Le document [le troisième rapport d’Egaé] décrit également « des mécanismes de mise sous silence des victimes, notamment par des propos ou comportements menaçants ». Il rapporte ainsi le témoignage d’une femme, mineure au moment des faits : « [l’abbé Pierre] me dit qu’il est très puissant, que les gens l’aiment, et qu’il ne faudra jamais au grand jamais parler de ce qui vient de se passer à quiconque, qu’on ne me croirait pas et que j’aurais des gros problèmes si je venais à en parler ».

Le Monde

Une personne méthodique et organisée

C’est ce que révèle un article de Libération, à propos de la relation qu’il avait entretenue avec Sanda Slag, qualifiée par le journal d’égérie que le prêtre a entretenue pendant presque dix ans.

Un prédateur

« Le crescendo des rapports montre qu’il y a de la manipulation, de la stratégie, des menaces, du chantage, des pressions et, parfois, ce qui peut relever d’une organisation. Tout cela mis bout à bout dessine le portrait d’un prédateur qui commet des choses extrêmement graves. C’est un terme qu’il faut assumer car je crois que c’est la réalité ».

Tarek Daher, délégué général d’Emmaüs France, dans Le Parisien

La difficulté des victimes pour parler

Une des personnes entendues en entretien a confié au groupe Egaé : « J’ai l’habitude de me défendre. Mais là, c’était Dieu. Comment vous faites quand c’est Dieu qui vous fait ça ? »

Toutes parlent d’une forme de sidération lors des faits. Elles disent : « Est-ce que cela se passe réellement ? », « Est-ce qu’il se rend compte ? », « C’est l’abbé Pierre, je ne peux rien faire ». Le groupe Egaé a perçu dans certains des récits une forme d’emprise alimentée par la différence d’âge, le statut de l’abbé Pierre et une forme d’idolâtrie, ou la situation de subordination entre lui et les personnes (proximité familiale, travail).

Rapport d’Egaé, p7

Vous imaginez le courage qu’il a fallu aux victimes pour oser dénoncer cette figure ? C’est presque comme toucher au sacré. Il était considéré comme tel par tant de personnes dans la société. Nous avons un vrai problème avec les personnalités charismatiques. Soit parce qu’elles emportent les foules, soit parce que, comme l’abbé Pierre, elles ont réalisé des actions très importantes. D’un seul coup, face à ces hommes, il n’y a plus aucun esprit critique. Ce que cela dit de l’Église catholique, c’est que, décidément, nous manquons de la vigilance la plus élémentaire sur les comportements des hommes, d’autant plus lorsqu’ils sont célèbres. Et je pense que ça, c’est extrêmement grave et c’est une tragédie.

Sœur Véronique Margron

Un problème connu de nombreux évêques

Mgr Villot proposera dans plusieurs courriers de l’envoyer définitivement au sein d’un pays « sous-alimenté » ou dans « un pays de lépreux ».

La Croix

Les informations sur ses frasques sexuelles circulaient largement parmi les évêques dès 1955, comme le montrent les nombreuses lettres entre le secrétariat de l’épiscopat et les évêques français de l’époque.

[…]

La connaissance des problèmes liés à l’abbé Pierre se répand progressivement dans l’épiscopat français. En 1959, une lettre de l’évêque de Limoges à Mgr Villot l’atteste. Surpris par un article élogieux sur le fondateur d’Emmaüs dans la presse catholique, il interpelle Mgr Villot : « Est-il vrai que l’abbé Pierre a été chassé de tel pays ? Qu’il s’est vu interdire tel autre ? Est-il opportun que sa personne soit ainsi étalée, grandie ? »

La Croix

« L’Assemblée des cardinaux et archevêques » est citée dans plusieurs de ces courriers, il semble donc que toute la hiérarchie était informée. Plusieurs noms de hauts dignitaires de l’Église reviennent, dans des lettres datées de 1956, 1958 ou 1959. Ainsi l’ecclésiastique Jean Villot, alors secrétaire général de l’épiscopat, écrit en ces termes au cardinal Gerlier, le 10 janvier 1958 : « Le prétexte de santé qui a été invoqué ne sert qu’à couvrir son maintien dans une clinique des environs de Genève. Si je me permets d’écrire à Votre Éminence, alors qu’elle est peut-être informée, par ailleurs, de cette situation si pénible, c’est pour que l’on évite, autant qu’il sera possible, de faire des compliments publics à l’abbé, et pour que l’on s’en tienne strictement aux lois d’un accueil fraternel ».

« Il ne faut pas se dissimuler, en effet, que tout cela pourra, un jour ou l’autre, être connu et que l’opinion serait bien surprise alors de voir que la hiérarchie catholique a maintenu sa confiance à l’abbé Pierre. Il y a longtemps déjà que le PC a un dossier à son sujet. Toute la psychologie de l’abbé, attachante par l’humilité avec laquelle il parle de ses faiblesses, n’en est pas moins fort inquiétante et trouble par la facilité avec laquelle il les accepte et en minimise la gravité. »

RTL

A partir de la fin des années 50, l’abbé Pierre est placé sous surveillance, accompagné de deux « socius » 🡵

C’est bien collectivement que l’épiscopat a dû gérer le dossier très épineux de l’abbé Pierre, d’après les divers documents d’archives consultés par Libération. En 1957, le secrétariat de l’Assemblée des cardinaux et archevêques traite directement de ce qui concerne le prêtre. Ce qui n’est pas une procédure habituelle. En effet, l’abbé Pierre relevait hiérarchiquement de l’évêque André-Jacques Fougerat à Grenoble, là où il avait été ordonné prêtre. Fougerat, d’après ses nombreux courriers, semble dépassé par la situation. En mars 1958, le nom de l’abbé Pierre est inscrit à l’ordre du jour de l’assemblée générale de l’ACA. Celle-ci rassemble au moins une vingtaine de cardinaux et d’archevêques, les plus importants et les plus influents dans l’Église catholique en France, un quart de la totalité de l’épiscopat. Avec la discrétion habituelle lorsqu’il s’agit des dérives sexuelles des prêtres, aucun compte rendu n’a été retrouvé, à ce jour, par les historiens. Une nouvelle fois, le cas de l’abbé Pierre est examiné par l’assemblée générale en 1964.

A la fin des années 50 et des années 60, de nombreux évêques écrivent au secrétariat de l’Assemblée des cardinaux et archevêques pour demander quelle conduite tenir vis-à-vis de l’abbé Pierre. Signe qu’ils sont, eux aussi, au courant des scandales provoqués par le fondateur d’Emmaüs.

Libération

Une lettre du 13 novembre 1964 émanant peut-être du secrétaire général de l’épiscopat, résume l’affaire en parlant de « grand malade mental » faisant l’objet de « perte de tout contrôle de soi, notamment après des livres à succès » et assure que « de jeunes filles en ont été marquées pour la vie » 🡵.

L’abbé Pierre a bien fait l’objet de sanctions. D’après les documents consultés par Libération, il lui a été interdit de recevoir des confessions, une sanction dont il a demandé la levée à plusieurs reprises.

Libération

En 1966, le vicaire général de Versailles sollicite auprès de Mgr Roger Etchegaray, sur demande de l’abbé Pierre, que le prêtre puisse donner la confession dans le diocèse.

Ce à quoi Mgr Etchegaray, à l’époque secrétaire général de l’épiscopat, répond « qu’il ne serait pas sage de lui donner (ces) pouvoirs ». « Même s’il s’est calmé ces derniers temps, il reste très fragile », ajoute ce dernier, relevant même un mensonge de l’abbé Pierre : « Il prétend avoir les pouvoirs (de confesser) déjà dans l’archidiocèse de Rouen. Ce n’est certainement pas vrai pour la province ecclésiastique, ce serait à vérifier pour ce qui regarde le diocèse même de Rouen », précise-t-il.

La Croix

2005 Le témoignage d’une victime remonté au diocèse de Grenoble par les capucins 🡵. La réponse de Mgr Dufaux, retrouvée dans les archives du diocèse de Grenoble est d’une incroyable froideur : « Pour le moment, je ne compte pas donner suite de quelque façon que ce soit. Vous avez signalé à cette dame que l’abbé Pierre était incardiné au diocèse de Grenoble, si elle veut insister sur son problème, elle m’écrira directement et je verrai ce qu’il faut lui répondre à ce moment-là » 🡵.

Malgré ces paroles, « les évêques informés et les responsables d’Emmaüs ont étouffé les affaires », écrivent les membres de la commission indépendante. « Les témoignages de la Ciase ont conduit l’un d’entre nous à interroger le diocèse de Grenoble, dont dépendait l’abbé Pierre. Il a reconnu disposer de données, sans les avoir communiquées », précisent-ils.

Libération

Un problème connu de certaines personnes à Emmaüs

3 juin 1958 : Mgr Foucard écrit au Cardinal Liénart : « Les responsables d’Emmaüs ne souhaitaient pas voir revenir le fondateur malgré la reconnaissance et l’attachement personnel qu’il lui garde. »

Héloïse de Neuville

Des documents exclusifs consultés par « Libération » démontrent que des personnalités importantes du mouvement étaient au courant des agressions sexuelles reprochées au religieux, et des risques de réitérations, dès les années 1957-1958 🡵.

Une personne entendue dans le cadre de l’enquête, qui connaît bien le Mouvement a dit : « Toute une génération [celle du début] savait que l’abbé Pierre dérapait ». La personne a ajouté : « Ce n’était pas un épiphénomène ».

En 1992, B. raconte avoir informé des dirigeants de l’époque des comportements de l’abbé Pierre. « Je leur en ai parlé. C’était dans le bureau où l’abbé Pierre avait essayé de me bloquer. Ils m’ont dit « On pensait qu’il s’était calmé ». Ils m’ont dit que je n’étais pas la seule dans les secrétaires d’Emmaüs International. »

En 1995, D. a dit avoir alerté les responsables d’une communauté.

En 2001, plusieurs personnes d’un groupe Emmaüs ont été destinataires du témoignage de G.

Une des personnes entendues a été destinataire de témoignages après la mort de l’abbé Pierre, en 2007, de la part de secrétaires d’Emmaüs International. Il dit « Je les ai crues, je n’ai pas de raison de pas les croire. C’est déstabilisant d’entendre des choses comme ça. Je n’en n’ai pas parlé. »

Une des personnes entendues dit : « J’ai entendu très tardivement qu’on prévenait les secrétaires de faire attention à l’abbé Pierre ». Il raconte également qu’une personne proche de l’abbé Pierre lui a précisé au sujet de l’abbé Pierre que « vieillissant, il avait du mal à réfréner ses instincts. Il ne pouvait pas s’empêcher de toucher les seins des femmes »

Une salariée de l’époque a indiqué que la consigne était donnée à ses collègues féminines de ne pas aller voir l’abbé Pierre seules. Elle dit être toujours allée le voir en étant accompagnée au moins d’une autre collègue et précise qu’il ne s’est jamais rien passé.

Rapport d’Egaé, p8

« Les dirigeants d’Emmaüs », […] se sont « contentés de mettre en garde de manière officieuse et elliptique des femmes » travaillant pour l’association, soulignent les auteurs de la tribune. Ils n’expliquent toutefois pas pourquoi eux-mêmes n’ont pas dévoilé ces informations.

Libération

Quoi qu’il en soit, Emmaüs était au courant de la relation nouée par l’abbé Pierre avec l’ex-compagne de Mouloudji [Sanda Slag]. Selon la copie d’une lettre écrite par un responsable du mouvement que Libérationa pu consulter, Emmaüs verse, en juillet 1996, 10 000 francs (2 300 euros) à Sanda Slag pour qu’elle puisse déménager, et encore 10 000 francs pour rembourser des dettes. « Il est évident,lit-on dans ce courrier, que nous ne pouvons plus accorder d’autres aides, étant donné que tant de gens se bousculent et qui, comme vous, sont aux abois. »

Libération

Un discernement vocationnel défaillant

Elle [la sœur de l’abbé Pierre] savait très bien que le célibat, pour lui, c’était quelque chose d’insupportable. En fait, elle lui en a énormément voulu quand il est devenu prêtre parce qu’elle savait que ça ne correspondait pas à ce qu’il était.

Guy Tuscher, neveu de l’abbé Pierre, cité par Libération

Un article du journal Le Monde décrit l’abbé Pierre extrêmement tourmenté, une véritable cocotte minute prête à exploser. Avant son ordination diaconale, il somatise, et se voit devenir fou, selon ses propres mots. A deux jours de son ordination diaconale, il sera examiné par un médecin pour savoir s’il faut ou non l’ordonner. Après son ordination sacerdotale, il sort du couvent sans autorisation, ne tenant plus nerveusement à l’intérieur des murs. L’abbé Pierre est alors prêt à exploser. Conscients de cela, les capucins acceptent sa sortie pour rejoindre le clergé séculier dans le diocèse de Grenoble, moins d’un an après son ordination sacerdotale. L’article du journal Le Monde brosse donc le portrait d’un homme qui n’aurait vraisemblablement jamais dû être ordonné. C’est d’ailleurs l’avis de frère Daniel Painblanc, provincial des capucins de France : « avec le recul que nous pouvons avoir aujourd’hui, j’estime qu’Henri Grouès, dont le caractère était incompatible avec la vie conventuelle, n’aurait jamais dû être capucin, ni être ordonné prêtre chez nous. »

La non-dénonciation : un délit trop peu poursuivi ?

C’est bien de dire aux victimes qu’on les croit, mais cela ne suffit pas quand on apprend que le diocèse de Grenoble avait l’information, tout comme Martin Hirsch, longtemps à la tête d’Emmaüs France, ou le directeur du lieu de mémoire de l’abbé Pierre à Esteville.

[…]

On demande l’ouverture d’une enquête, que le parquet s’autosaisisse. La non-dénonciation est un délit trop peu poursuivi.

Arnaud Gallais

Il est mort maintenant, à quoi cela sert ?

Le tribunal des hommes jugent les vivants. C’est normal. Mais seul le tribunal de Dieu juge les morts. Ne nous prenons pas pour Dieu et laissons-le exercer sa miséricorde quand « Amour et Vérité se rencontrent ».

Mgr Michel Aupetit

Il est mort maintenant, à quoi cela sert ? « , ont lancé avec colère les habitants. Et la réponse a fusé, elle, immédiatement : " Les victimes, elles, sont en vie « .

Actu.fr

La non reconnaissance des faits entraîne le silence, entraîne l’impunité de l’auteur et fait qu’il y a tant et tant de victimes. Donc à vrai dire, ça met très en colère. Encore une fois, il faut bien mesurer qu’on parle de faits très graves. On parle de violences sexuelles. L’abbé Pierre est mort, mais les victimes, elles sont vivantes, vous comprenez ? Et donc il n’est pas question de dire « On va faire une sorte de procès fantoche, d’un mort qui ne peut pas se défendre ». On est en train de dire qu’il faut tenter de réparer ce qui peut l’être des vivants d’aujourd’hui. Et pour ça, il faut faire la clarté sur hier sur ces pages si sombres, parce qu’hier c’est dans la chair des victimes. Donc on doit cela aux vivants.

Véronique Margron, L’Heure du Monde

La gestion des archives de l’Église : l’« exemple » du diocèse de Grenoble

Samedi 24 aout 2024 : un dossier de trois pages

Ces archives [le dossier de l’abbé Pierre au diocèse de Grenoble], nous avons cherché à les consulter, pour l’instant sans succès. Le diocèse indique toutefois qu’il s’agit d’un dossier purement administratif, qui doit faire trois pages, avec l’ordination et la démission de l’abbé Pierre à son poste de vicaire de la cathédrale, et qui ne contient aucun document personnel ou de correspondance.

Le Dauphiné

Dimanche 25 août 2024 : une lettre a été retrouvée dans la nuit !

Un témoignage à charge contre l’abbé Pierre avait été transmis au diocèse de Grenoble en 1965 [en réalité 2005, selon la correction apportée le lendemain], révèle ce dimanche le Dauphiné Libéré. Dans un entretien, l’évêque de Grenoble-Vienne Mgr Jean-Marc Eychenne révèle qu’une lettre de la communauté des Capucins –à laquelle l’abbé Pierre a brièvement appartenu– relate le témoignage d’une femme.

Le Progrès

19 octobre 2024 : la réponse de Mgr Dufaux est retrouvée dans le dossier de trois pages

Jusqu’ici, on ne savait pas ce que Mgr Dufaux, évêque en 2005, avait répondu aux Capucins. Mais, le courrier en question, retrouvé dans les archives du diocèse de Grenoble est d’une incroyable froideur. Mgr Dufaux répondait ainsi : « Pour le moment, je ne compte pas donner suite de quelque façon que ce soit. Vous avez signalé à cette dame que l’abbé Pierre était incardiné au diocèse de Grenoble, si elle veut insister sur son problème, elle m’écrira directement et je verrai ce qu’il faut lui répondre à ce moment-là ».

Le Dauphiné

Des courriers absents des archives

On sait pourtant qu’il y a eu plusieurs échanges épistolaires entre Mgr Villot et Mgr André-Jacques Fougerat, évêque de Grenoble au sujet de l’abbé Pierre. Les lettres ont été retrouvées dans les archives parisiennes… mais rien à Grenoble ! Ni réception, ni envoi de courrier d’après les minces archives.

Ouvrir ou non les archives : la réponse de Mgr Eychenne

Un prêtre dont aucun évêque ne se sent responsable

Et manifester à Grenoble, c’est cohérent ?

« Je dirai que les manifestants se trompent un peu de cibles, car l’abbé Pierre a occupé plusieurs fonctions au sein du diocèse de Grenoble-Vienne entre 1939 et 1944, au début de sa vie de prêtre. Après, il n’était plus du tout chez nous. Bien sûr, il est repassé plusieurs fois en Isère, mais on était en incapacité d’exercer une quelconque tutelle sur lui, du fait notamment de son aura. Il était presque intouchable, avec son passé dans la Résistance, sa lutte contre la grande précarité. C’est d’ailleurs un sujet : quand on place des personnes au-dessus de la mêlée, on prend un risque, celui d’installer la possibilité d’abus de domination. »

Le Dauphiné Libéré

L’abbé Pierre, dans les années 50, je ne pense pas qu’il se souciait beaucoup de l’évêque de Grenoble.

Mgr Eric de Moulins-Beaufort (4:26)

La question, c’est plutôt de savoir si un évêque se souciait de lui… ou plus exactement des victimes. Parce que pour proposer à l’abbé Pierre de se faire oublier, l’évêque de Grenoble semble avoir été actif. Par contre, pour les victimes…

L’abbé Pierre a presque toujours vécu à distance de tout cadre proprement ecclésial. Mettre en cause l’Église et le célibat sacerdotal n’est pas à la hauteur de ce que les agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre nous obligent encore à voir.

Mgr Eric de Moulins-Beaufort

Pour Mgr Eric de Moulins-Beaufort, comme l’abbé Pierre était un électron libre, ce n’est pas la faute de l’Église. Il semble que les évêques ne soient les responsables hiérarchiques que des prêtres parfaits, soumis, rentrant dans le cadre. Pour les autres, c’est pas leur job !

Les victimes ne seraient-elles inéressées que par l’argent ?

Sinon, le montant moyen d’indemnisation en matière d’agression sexuelle est de 5000€. Comme c’est une moyenne, cela prend en compte les faits les plus graves sur les personnes les plus faibles. Les seins c’est dans la partie basse de l’indemnisation. Avec du bol, cela donne 1000€ (avec des frais de justice à payer).

Donc 1000€ moins les frais. Mais par contre, se payer des mois voire des années de procédure, les auditions, le procès, le regard et les cons sur les réseaux sociaux qui insultent.. surtout quand on touche à une icône.

Ah, mais bien sûr que c’est pour les gros sous, tout cela !

@palais_au

Comme le résume Pascale, victime de l’abbé Pierre : « La somme, je m’en fiche. Le mal qui a été fait n’a pas de prix. Mais payer serait une forme de reconnaissance de culpabilité » 🡵.

En conclusion

Véronique Margron, présidente de la Conférence des religieuses et religieux de France, qui a recueilli en 2023 le premier témoignage à l’origine du scandale, ne cache pas son dégoût. Le chiffre avancé de 57 victimes se situe en deçà de la réalité, pressent-elle : « Avec le recul que l’on a sur ce type d’affaires, il faut en craindre deux à trois fois plus au minimum — entre ceux qui n’oseront pas parler, ceux qui font une dissociation traumatique… »

La sœur, qui a contribué à la mise en place de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), voit aussi dans ces révélations « sordides » « une faillite institutionnelle » constatée dès les années 1950, date des premiers écrits de l’Église faisant mention de comportements inadaptés de l’abbé. Ceux-ci avaient été jugés assez graves pour qu’on l’envoie pour six mois à Prangins (Suisse), dans une clinique psychiatrique pour VIP, face aux eaux bleues du lac Léman.

« On a pris des mesures à son égard qui n’étaient pas assez coercitives, même si l’on peut penser qu’il s’est appliqué à tromper son monde, manipuler ses victimes mais aussi les autorités, estime Véronique Margron. Il y a eu une responsabilité d’Emmaüs, de l’Église, mais aussi politique. Sans cette faillite, il n’y aurait sans doute pas eu autant de faits ».

Le Parisien

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