Mgr Pascal Wintzer réintègre un prêtre excommunié pour pédocriminalité
🚨🚨🚨 Allez, je vous raconte.
— Natalia Trouiller (@ntrouiller) January 5, 2025
Encore une histoire de dingue.
Un évêque qui se pose publiquement en champion de la cause des victimes, et qui en réalité réintègre un prêtre excommunié pour pédocriminalité.
Sans en avoir le droit.
Et s'obstine, même quand on lui dit stop.
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🚨🚨🚨 Allez, je vous raconte.
Encore une histoire de dingue. Un évêque qui se pose publiquement en champion de la cause des victimes, et qui en réalité réintègre un prêtre excommunié pour pédocriminalité. Sans en avoir le droit. Et s’obstine, même quand on lui dit stop.
Cet évêque, le voici. Mgr Pascal Wintzer, ancien archevêque de Poitiers devenu en août 2024 archevêque de Sens-Auxerre. Auteur en 2023 de ce petit opuscule tout à fait passionnant. Cinq mitres dans le dernier Trombinoscope de Golias qui l’appelle : « un grand Monsieur ».
AHEM.
Nous sommes donc dans l’archidiocèse de Sens-Auxerre, le 20 mars 2017. Mgr Giraud en est alors l’archevêque.
Il reçoit un mail. Une femme, victime entre 14 et 18 ans d’un prêtre qui commet sur elle des agressions de plus en plus graves. Il prend immédiatement rdv avec elle. (Je le précise, parce que c’est rare: Mgr Giraud sera tout au long de cette affaire d’une délicatesse et d’un soutien infinis envers la victime). Il apprend que la jeune femme a été agressée de ses 14 à ses 18 ans par l’abbé Jean T. Jean T., c’est une « figure » du diocèse. Un curé charismatique, sympa, toujours le mot pour rire, serviable, avec des homélies qui font mouche, ah s’il y avait plus de prêtres comme lui les églises seraient pleines. N’empêche que ce que Mgr Giraud entend ce jour-là est horrible.
Ainsi, la victime raconte comment, à la fin de la dernière agression, Jean T lui a expliqué en substance qu’elle ne pourrait pas communier à la messe qu’il s’apprêtait à célébrer, vu ce qu’ELLE venait de faire. Qu’il fallait donc qu’il la confesse avant. Ça porte un nom, ça. En droit canonique, ça s’appelle « absolution du complice ». Le terme n’est pas terrible, mais la réalité, c’est qu’un prêtre qui fait ça est excommunié latæ sententiæ. Automatiquement. Pas besoin de procès : c’est tellement grave que l’acte comporte en lui-même sa condamnation.
Mgr Giraud déclenche immédiatement les procédures, étatique et canonique. Il avertit la procureure de Sens. Une enquête est lancée. Elle sera classée sans suite, au motif de la prescription, ce qui ne signifie pas que Jean T. n’a rien fait. Je cite la procureure :
Mais l’affaire tourne au vaudeville sordide. Convoqué par son archevêque, Jean T. ignore ce qu’on lui reproche. Alors il décide de reconnaître spontanément les faits… sur une 2ème victime, majeure celle-ci. « Alors voilà j’ai touché le sexe de Mme X, vraiment je suis désolé ».
Car Jean T., c’est un peu le François Pignon des pédocriminels. Si bien qu’à chaque instance canonique, sa culpabilité ne fera guère de doute. Dès qu’il n’est plus en face de gens qui boivent ses paroles et qu’on pointe ses contradictions, il s’enferre.
Autre exemple:
Bref. Le 26 février 2020, l’officialité de Paris, qui a pu contourner la prescription grâce à Mgr Giraud qui a obtenu une procédure administrative,
🟠 juge Jean T. coupable d’abus sur mineure,
🟡 confirme l’excommunication,
🔴 et le condamne à 5 ans de privation de ministère.
Ici, un peu de droit canonique s’impose.
Ça peut paraître bizarre qu’un prêtre excommunié soit en plus privé de ministère. Quand on est excommunié, on ne peut recevoir aucun sacrement, donc on ne peut évidemment pas les célébrer non plus. En fait en droit canonique vous avez deux types de sanctions.
- Les sanctions dites « médicinales », qui sont là pour soigner votre âme et vous amener au repentir. Elles prennent fin… Quand vous vous repentez. L’excommunication en est une.
- Les sanctions pénales, pour punir.
La privation du ministère, c’est une sanction pénale. Le raisonnement des juges, c’est de dire: Si jamais Jean T. se repent dans les 5 années à venir, il faudra encore qu’il purge sa peine avant d’être pleinement réhabilité.
Sauf que Jean T. ne s’est pas repenti. Au contraire. D’abord il a fait appel.
L’instance suivante, c’est le Dicastère pour la Doctrine de la Foi (DDF) à Rome. Il dépose un recours.
Ensuite, il hurle dans tout le diocèse à la persécution. Il se garde évidemment bien d’évoquer les vraies raisons de sa disgrâce. C’est le méchant évêque qui le persécute. C’est une femme (évidemment pas mineure, hein) déséquilibrée qui lui en veut. C’est une histoire d’abus d’autorité qu’on lui reproche, rien de sexuel voyons. Sur les réseaux sociaux, à l’archevêché, des réactions délirantes.
Le 30 octobre 2020, le DDF confirme la culpabilité, l’excommunication et la privation de ministère, ramenant à deux ans au lieu de 5, en considérant que comme Jean T. est suspendu depuis 2017, dans 2 ans les 5 ans seront accomplis.
Et que fait Jean T ? Bah il refait un recours.
Ultime décision de Rome. Qui souligne au passage la crédibilité de la victime, mais aussi le traumatisme qu’elle a subi. Et le discrédit de Jean T. aux yeux des juges.
La sentence finale confirme la culpabilité (donc l’excommunication) mais lève la privation du ministère. On arrive quasi au bout des 5 ans initiaux, c’est peut-être pour ça. Ou peut-être que les juges commencent à avoir de sérieux doutes sur la capacité de Jean T à se repentir.
D’ailleurs Jean T n’accepte toujours pas sa condamnation. Son fan-club, dans le diocèse, continue de traîner l’évêque et la victime dans la boue. Au point que Mgr Giraud envisage de publier les sanctions.
Il en parle à son vicaire judiciaire, l’inénarrable chanoine Nison. Nison explique donc en bon canoniste old school, en gros, que toute publication de sentence provoquera immédiatement une épidémie de peste, une pluie de grenouilles, les eaux de l’Yonne changées en sang et la chute des dons au Denier.
La sentence reste secrète. On arrive en 2024. Mgr Giraud quitte Sens-Auxerre pour retrouver son Ardèche natale.
À peine a-t-il tourné les talons que Jean T fait le siège du vicaire général, devenu administrateur diocésain : le père Joël Rignault. Celui-ci ne résiste pas longtemps. Il réintègre Jean T.
Jean T. a fini par avoir ce qu’il veut à l’usure : il est réhabilité de fait. Pourtant, Rignault n’a absolument pas le droit de lever son excommunication, seul le DDF peut le faire. Mais ça… Après tout, vu que personne n’est au courant des sanctions, hein.
Puis Mgr Wintzer est nommé. La messe d’installation est belle. Jean T, tout content, concélèbre.
C’est ballot. Ça rend la messe d’installation de Mgr Wintzer illicite, bien que valide.
§1. À l’excommunié il est interdit :
- de célébrer le Sacrifice de l’Eucharistie et les autres sacrements ;
- de recevoir les sacrements ;
- d’administrer les sacramentaux et de célébrer les autres cérémonies du culte liturgique ;
- de prendre part activement aux célébrations mentionnées ci-dessus ;
- d’exercer des offices, des charges, des ministères et des fonctions ecclésiastiques ;
- de poser des actes de gouvernement.
§2. Si l’excommunication ferendae sententiae a été infligée ou l’excommunication latae sententiae déclarée, le coupable :
- s’il veut agir contre les dispositions du § 1, nn. 1-4, doit en être écarté, ou bien il faut interrompre l’action liturgique, à moins qu’une raison grave ne s’y oppose ;
- pose invalidement les actes de gouvernement qui selon le § 1, n. 6, ne lui sont pas permis ;
- a l’interdiction de jouir des privilèges qui lui avaient été précédemment accordés ;
- ne perçoit pas les rétributions reçues à titre purement ecclésiastique ;
- est incapable d’obtenir des offices, charges, ministères, fonctions, droits, privilèges et titres honorifiques.
J’appelle donc Mgr Wintzer, persuadée que c’est un malentendu. Je tombe sur un évêque qui me semble soucieux de bien faire, un peu perdu dans les méandres du droit canonique (comme beaucoup). Il me donne son interprétation : Rome a réduit l’excommunication à 2 ans. Je lui explique que ce n’est pas possible: la condition pour lever une excommunication, c’est la résipiscence du coupable. On ne peut pas la réduire comme ça. C’est implicite dans le texte parce que pour un canoniste, c’est évident. Ou ça devrait.
Il n’est pas convaincu.
Ce n’est pas grave: je lui propose que nous envoyions un mail au Tribunal Pénal Canonique National pour leur demander leur avis, qui fait force de loi. Il accepte. J’écris donc un mail au TPCN, avec Mgr Wintzer en copie.
Au TPCN, on confirme que Jean T est bien excommunié. On le signifie à Mgr Wintzer le 16 décembre. Je retourne à mes accompagnements de personnes victimes, rassurée.
Deux jours plus tard, je reçois un mail de Mgr Wintzer:
Je rappelle le TPCN en mode « C’est quoi ce bazar ». Ils tombent des nues. Rappellent Wintzer. Qui s’entête, parce qu’il a eu au téléphone (si on lit entre les lignes) l’officialité de Paris, donc le chanoine Nison, qui a une fois de plus fait n’importe quoi. Et Wintzer de réclamer confirmation du DDF.
J’avoue, je tombe des nues.
J’ai en tête ses grandes déclarations sur la nécessité de tout changer pour mettre fin aux abus. Ces lignes où il va jusqu’à dire qu’un pédocriminel ne peut être prêtre… ni même croyant (ah bon ?).
Donc là, si vous voulez, je m’agace un brin. J’envoie une réponse salée à Wintzer.
Je termine ainsi :
Wintzer me répond en mode communication non-violente, et ah là là j’aimerais tellement mais j’peux point, je suis lié par le droit canonique, j’aimerais tellement que Jean T soit toujours excommunié mais qu’est-ce que je peux faire. En gros, il me prend pour une truffe.
Très bien, jouons donc les truffes. Je fais comme si j’ignorais que le TPCN lui avait déjà soufflé dans les bronches.
Ah ben il a pas aimé. Et là, Mgr Combattons-Le-Cléricalisme me fait une réponse d’autorité.
Magnifique.
Cher Monseigneur, l’injonction à croire en l’honnêteté épiscopale, fût-ce la vôtre, AHEM. (d’ailleurs vous en parlez très bien dans votre livre. Vous devriez vous lire.)
La réponse du DDF arrive. Oui, ils re-re-re-re-re-confirment l’excommunication de Jean T. Wintzer s’exécute-t-il pour autant ? Non.
Là, j’avoue, je perds la trace de ce qui se passe entre Wintzer, le TPCN, le DDF, etc. Tout ce que je sais, c’est que Jean T continue de célébrer des messes illicites à tire-larigot. En entraînant non seulement le petit peuple de Dieu (ça tout le monde s’en fout) mais… …Mais aussi, et j’avoue que ça ne me déplaît pas que ça leur pète au nez pour une fois, pas mal d’évêques.
Parce qu’il y a eu la messe illicite d’installation de Mgr Wintzer, où étaient présents: le nonce apostolique…
ALORS CELESTINO ON CÉLÈBRE ILLICITEMENT?
De gauche à droite : Mgr Drouot du @diocese_nevers, devant Mgr Hérouard de @DiocesedeDijon, Mgr Blaquart de @cathos45, Mgr Rivière de @catholique71, Mgr Lebrun de @DioceseRouen,
Mgr Patenotre émérite de Sens-Auxerre, Mgr Kalist de @DioceseClermont,@episcopus19de Tulle, Mgr Nourrichard émérite d’Evreux.
Et Jean T dans le groupe des prêtres, donc.
Rebelote le 2 décembre à la messe de funérailles de Mgr Gilson, où Jean T rend illicite l’eucharistie en présence de Mgrs Fonlupt de @dioceseavignon, Cador de Coutances, Vuillemin de @diocese72.
Mgr Hérouard, deux messes illicites en 2 mois, c’est presque de la gourmandise😋.
Mgrs Giraud et Wintzer étaient là aussi. Une petite souris de sacristie m’a raconté que lorsque Giraud a vu Jean T en train de revêtir sa chasuble, il a eu une explication virile avec Wintzer. Qui l’a envoyé aux fraises.
Quelles sanctions pour Mgr Wintzer, M. le nonce ?
Reprenons. Nous sommes peu avant Noël, Wintzer a eu confirmation de l’excommunication de Jean T par le DDF. Au-dessus, c’est Dieu. Il faudra attendre le 4 janvier pour qu’il cède et signifie à l’olibrius que cette fois, la fête est terminée. J’imagine que Rome est intervenue.
Un mois. Un mois de bras de fer pour qu’un évêque applique une sanction canonique déjà appliquée par son prédécesseur. C’est à hurler.
Comme si obtenir des sanctions n’était pas déjà assez difficile, maintenant il faut faire le juge d’application des peines. Mais vous voulez la mort de l’Eglise ?
Dans votre bouquin sur les abus, vous dites que vous êtes prêt à démissionner si cela sert les intérêts de l’Évangile. Ce n’est pas à moi de vous dicter votre conscience; mais franchement, bon courage pour être crédible désormais. ⏹️