« Taisez-vous face au mal » : une homélie du père Éric Jacquinet
Le contexte
Depuis plusieurs années, et avant l’arrivée du père Rochas, la paroisse saint Nizier étaient en proie à de profondes divisions. Remis en cause dans sa communauté, le père Rochas a demandé une enquête canonique préalable… contre lui-même ! Si on en croit @ntrouiller « C’est le résultat d’un harcèlement continu depuis presque 4 ans, très documenté, de la part d’une tendance de l’Emmanuel qui n’accepte pas qu’on fasse du catholicisme à Saint Nizier plutôt que des dingueries charismato-nawak en roue libre. Le tout assaisonné de rancœurs perso ».
Cette enquête a conclus que rien ne pouvait être reproché au père Rochas… tout en recommendant son départ. Le père Rochas a remis sa chage de curé à la demande de Mgr de Germay.
C’est dans ce contexte qu’est publié le communiqué suivant (un véritable monument en termes de communication).
Message du diocèse de Lyon et de la Communauté de l’Emmanuel concernant la situation de la paroisse Saint-Nizier
L’annonce du changement de l’équipe des prêtres de la paroisse de Saint-Nizier de Lyon a suscité des réactions diverses.
L’archevêque de Lyon et les responsables de la Communauté de l’Emmanuel ont reçu des messages d’incompréhension, d’opposition, voire d’insulte mais aussi de remerciement et de soutien.
Les personnes exprimant leur incompréhension rapportent des informations qui sont partielles voire fausses. La critique principale se résume ainsi : « calomnié par des paroissiens, le Père Charles Rochas a demandé une enquête canonique qui l’a totalement innocenté. Malgré cela, il est injustement condamné et doit quitter la paroisse ».
Afin de permettre à la paroisse de retrouver la sérénité nécessaire à sa mission ecclésiale et éviter les prises à partie non constructives, il est rappelé les éléments suivants
- Cela fait plusieurs années que la paroisse de Saint-Nizier connait des dissensions qui ont entrainé le départ de plusieurs personnes. En 2020, le Père Rochas a reçu la charge de cette paroisse dans des conditions difficiles.
- Malgré un beau dynamisme pastoral qu’il est juste de reconnaitre, les difficultés et les blessures n’ont pas disparu. Après avoir écouté, consulté et tenté des médiations, l’archevêque de Lyon et les responsables de l’Emmanuel ont dû constater l’existence d’une situation de blocage persistante. Le Père Charles Rochas a alors été invité à recevoir une autre mission.
- Se considérant victime d’une atteinte à sa réputation, puisqu’il était accusé par certains d’abus de pouvoir, il a demandé à l’archevêque d’ouvrir une enquête canonique préalable.
- Une enquête canonique préalable a alors été menée afin d’apprécier d’une part si un abus de pouvoir pouvait être reproché au curé et d’autre part s’il avait fait l’objet de cabale et d’atteinte à sa réputation.
- En mars 2024, l’enquête préalable concluait à l’absence d’éléments suffisamment objectifs selon le droit canonique pour établir d’un côté un abus de pouvoir et de l’autre une atteinte à la réputation d’autrui,
- Parallèlement, l’enquête confirmait la profondeur des divisions et recommandait, pour le bien de tous, le départ simultané du curé et du vicaire.
- Le risque d’une atteinte à la réputation du Père Charles Rochas étant écarté, il a été décidé, dans un esprit d’apaisement, le changement de l’ensemble de l’équipe des prêtres.
- Il a alors été demandé au Père Rochas de remettre sa charge de curé, ce qu’il a accepté. Cette décision demande maintenant à être respectée.
Sous le coup d’une incompréhension que l’on peut comprendre, certaines protestations ont dépassé le cadre de la bienveillance. II convient maintenant d’œuvrer à l’apaisement. Avant leur départ, il sera bien sûr légitime de remercier le Père Rochas, le Père Tertrais et le Père de Lafforest pour ce qu’ils ont fait de beau au sein de cette paroisse, sans pour autant remettre en cause les décisions qui ont été prises pour la continuité du service pastoral. Implorons le Seigneur pour que les paroles et prises à parties excessives cessent, pour que les blessures guérissent et pour que la paix revienne durablement dans la paroisse de Saint-Nizier.
Suite au départ du père Rochas demandé par Mgr de Germay, Le Père Eric Jacquinet, de la Communauté de l’Emmanuel, en accord avec son supérieur, est nommé administrateur de la paroisse Saint Nizier pour une durée d’un an à compter du 1er septembre 2024 🡵. Bien entendu, sa mission est de pacifier la paroisse plus que jamais divisée avec le départ brutal du père Rochas.
L’homélie du père Eric Jacquinet
C’est dans ce contexte que le Père Eric Jacquinet, de la Communauté de l’Emmanuel, qui est arrivé en septembre 2024 prononce cette homélie le 8 décembre 2024. Alors que sa tâche est de pacifier la paroisse en proie à de profondes divisions, son message est le suivant : « Voilà frères et sœurs le chemin du salut. Si nous voulons accueillir le Christ pour nous-mêmes, taisons-nous face au mal. »
Sa stratégie pour permettre à la paroisse de retrouver son unité est donc de demander le silence face au mal… Une attitude bien peu évangélique qui pose d’autant plus question dans le contexte actuel post CIASE ! De plus, le père Eric Jacquinet utilise sa position de prètre et « théologien » : « Taisez-vous, sinon comme les arbres qui ne portent pas de bons fruits vous serez coupé, jeté au feu sous peu car vous vous êtes éloignés de la charité qui est le cœur de l’Eglise et ainsi vous vous coupez d’une façon ou d’une autre de l’Église qui est l’épouse du Christ. » Le père Eric Jacquinet menace donc tout simplement de l’enfer ses paroissiens qui oseraient parler face au mal.
Comme le fait remarquer @ClemBarre : « C’est là le scandale ultime de ce discours. Il rend coupable ceux qui dénoncent le mal pour protéger ceux qui le commettent. C’est le ressort pervers de la règle de la non-critique, règle essentielle au sein de la communauté de l’Emmanuel. Elle impose une communion factice qui se fait au dépend de la vérité. Celui qui exprime une critique (à savoir tout avis divergent exprimé publiquement) est un danger pour l’unité du corps et doit donc être tu ou exclu ».
On notera également l’argumentation penant Marie pour modèle. Une argumentation également employée par Mgr Brincard vis-à-vis de Marie-Laure Janssens, pour lui demander le silence alors qu’elle est venu le trouver pour faire part des agressions subies à saint Jean. Et c’est en raison de cette demande scandaleuse qu’elle intitulera son livre témoignage « Le silence de la Vierge ».
Frères et sœurs, voilà la clé pour lutter contre l’orgueil : considérer les autres supérieurs à soi-même. Alors, je me permet d’en tirer une conclusion très concrète et très pratique. Si depuis 6 mois vous êtes tentés de reparler des événements qui sont passés ici le 2 juin en particulier, sachez que vous risquez fortement d’être pris par l’orgueil et l’œuvre du malin. Et si vous militez pour que l’évêque fasse ceci ou cela parce que ça vous paraît absolument nécessaire, sachez que vous êtes pris par l’orgueil et que vous faites du mal. Et je vous invite à réentendre la parole de Jean-Baptiste : engence de vipères, engence de vipères ! Qui vous a appris à fuir la colère qui vient. Et donc en clair, taisez-vous, taisez-vous au nom du Seigneur, taisez-vous et portez des fruits de conversion parce que tout arbre qui ne porte pas de bons fruits sera coupé et jeté au feu. En clair langue de vipères, taisez-vous une bonne fois pour toutes ! Parlez si vous en avez besoin à votre père spirituel, à votre confesseur, à votre psychologue et au prêtres responsables de la paroisse si vous en avez besoin, et maintenant taisez-vous. Il y aura un temps de relecture voulu par l’évêque dans les mois qui viennent des difficultés traversées, mais l’heure est au silence. Cessez en plus de regarder la paille dans l’œil de votre frère et occupez-vous de la poutre qui est dans le vôtre. Voilà ! Et donc, pour faire clair, après 6 mois de murmures maintenant, ça suffit ! Taisez-vous, sinon comme les arbres qui ne portent pas de bons fruits vous serez coupé, jeté au feu sous peu car vous vous êtes éloignés de la charité qui est le cœur de l’Eglise et ainsi vous vous coupez d’une façon ou d’une autre de l’Église qui est l’épouse du Christ.
Voilà frères et sœurs. Entrons dans ce chemin de conversion. Et nous allons le faire avec Marie, parce que quand nous nous mettons à l’école de Marie aujourd’hui, demain, fête de l’Immaculée Conception, nous comprenons le secret de Marie. Quel est-il ? Marie a été témoin de drames : la fuite en Égypte avec pendant ce temps-là le massacre des innocents. Marie l’a perçu, l’a vu, l’a vécu dans sa chair. Les injustices subies par son Fils Jésus pendant sa vie et encore plus pendant sa passion et sur la croix, Marie l’a vu et un glaive de douleur a transpercé le cœur de Marie. Est-ce que Marie a parlé ? Est-ce qu’elle a murmuré ? Est-ce qu’elle a dit tout le mal dont elle était le témoin ? Non ! Marie est entrée dans le silence. Elle a sans doute pleuré, elle a offert en silence pour le salut du monde. Voilà frères et sœurs le chemin du salut. Si nous voulons accueillir le Christ pour nous-mêmes, taisons-nous face au mal. Si nous voulons permettre à d’autres d’accueillir le salut, offrons-nous en silence à l’école de Marie l’humble servante. Alors, si nous la suivons, rapidement nous ne retarderons plus notre salut et le salut nos frères et nous entrerons à nouveau dans la joie parce que le Seigneur vient. AMEN
Réaction de @Un_Lezard
« Il faut imiter Marie, qui a gardé le silence face au massacre des innocents »
« Pour accueillir Jésus, il faut se taire face au Mal »La perversion luciférienne de cette homélie du temps de l’Avent n’est pas servie par un un obscur clerc gyrovague mais par celui qui était jusqu’en 2013 responsable de la section jeunes du Conseil pontifical pour les laïcs à la Curie romaine, qui a notamment organisé plusieurs Journées Mondiales de la Jeunesse, grand représentant du savoir faire de @CteEmmanuel. L’homélie complète est juste un peu ennuyeuse, à l’exception de ses 5 dernières minutes qui sont un condensé alchimique des pires formes de perversion pastorale de ces 40 dernières années. C’est tellement brut que ça a une sorte d’intérêt pédagogique. En quelques minutes, le père Jacquinet illustre de la façon la plus frontale qui soit l’injonction au silence, la conception perverse du scandale, le néant moral et intellectuel sur la violence et la justice, l’incapacité à distinguer son intérêt clérical et la volonté divine. Son brillant parcours, son aplomb et sa situation présente permet de comprendre l’enracinement profond de ces perversions morales, intellectuelles et spirituelles dans les plus hautes sphères de l’Eglise, notamment celles en charge de la pastorale des plus jeunes et, il faut bien le dire, dans les sphères décisionnaires de la Communauté de l’Emmanuel, qui ne se confondent pas avec l’ensemble des membres de la communauté. Pour offrir une réponse de fond à la chiasse théologique que ce clerc a eu l’impolitesse de baver sur ses paroissiens, ont peut inviter le père Jacquinet à une lecture plus sérieuse des premières pages de l’Evangile selon Matthieu auquel il fait référence. Car oui, ces premières pages ont bien pour fil rouge la question du secret ou du silence et de son discernement à travers deux figures royales opposées. D’un côté, Joseph « fils de David », qui choisit de répudier Marie « en secret », « parce que c’est un juste » : le silence qui veut épargner le faible, la femme, l’enfant, la victime par excellence de la violence, le silence qui permet l’avènement du Messie. De l’autre, Hérode, qui alors que « tout Jérusalem » veut légitimement savoir pourquoi les Mages sont arrivés en ville, choisit de s’entretenir avec eux « en secret » : le silence qui permet l’exercice sans contrôle du pouvoir, le silence qui permet le Massacre des Innocents. Alors que nous nous acheminons vers Noël, on ne peut rien souhaiter de mieux à l’Eglise que de bruisser d’autant de bruits que Jérusalem qui s’interroge sur les manœuvres de ceux qui sont censés diriger le Peuple de Dieu. Une rumination plus sérieuse des mystères chrétiens nous aidera peut-être à éviter de nouveaux Massacres.
Réaction de @ClemBarre
Puisque ce prêtre, que je connais bien, a dit en chaire et publiquement quelque chose d’aussi grave, je crois qu’il est important de faire exactement l’inverse de ce qu’il dit et de ne pas nous taire face au mal !
https://x.com/Un_Lezard/status/1866898547859197966
Quelques éléments de contexte : https://x.com/ntrouiller/status/1866901881374515292
Déjà il est odieux, en soi, d’entendre cette injonction au silence pour faire taire celui qui dérange. Encore plus après la CIASE qui a mis en lumière combien ce mécanisme pervers a contribué au système qui a permis des milliers d’agressions au sein de l’Eglise. Ce message est un véritable crachat à la figure des victimes. Il n’offre aux victimes qu’une alternative : le silence ou l’enfer. Merci de souffrir en silence, le salut de votre âme est à ce prix. Ensuite parce que ce qu’il dit est faux et c’est une instrumentalisation scandaleuse et profanatoire de la Sainte Vierge Marie et de l’Ecriture Sainte. Car si l’Ecriture Sainte ne rapporte pas les paroles de la Vierge, elle ne reste pas silencieuse. L’évangile dénonce le mal aussi bien du massacre des innocents que de la Passion du Christ. Et le silence d’un protagoniste ne signifie pas pour autant le silence du texte sacré. Enfin parce que ce propos est contradictoire, puisqu’il faudrait garder le silence face au mal au risque de commettre un péché d’orgueil et de se damner, pourquoi lui n’imite-t-il pas la Saint Vierge en se taisant ? Les murmures seraient-ils plus graves que ce qu’ils dénoncent ? (spoiler : non).
Car c’est là le scandale ultime de ce discours. Il rend coupable ceux qui dénoncent le mal pour protéger ceux qui le commettent. C’est le ressort pervers de la règle de la non-critique, règle essentielle au sein de la communauté de l’Emmanuel. Elle impose une communion factice qui se fait au dépend de la vérité. Celui qui exprime une critique (à savoir tout avis divergent exprimé publiquement) est un danger pour l’unité du corps et doit donc être tu ou exclu. Or ce qui blesse la communion c’est bien celui qui commet le mal, pas celui qui le dénonce, quel que soit la forme que prend cette dénonciation. C’est sur le terreau de l’injustice que fleurissent les murmures, et c’est parce que la justice n’a pas été faite qu’ils persistent.
L’Emmanuel gagnerait à redécouvrir la vertu de tolérance dont parle Thomas d’Aquin, vertu par laquelle nous apprenons à supporter le mal dans la mesure où le fait de le corriger entraînerait un mal plus grand. Dieu nous a laissé libres de nous exprimer pour pouvoir le bénir et dire la vérité. Cela implique le risque de la médisance, de l’erreur, de l’insulte même et chacun doit, en conscience examiner l’exercice qu’il fait de cette liberté. Mais chercher à faire taire tout discours divergent au moyen d’une règle totalitaire ne protège pas l’âme des fidèles ou la communion fraternelle, cela protège simplement l’institution défaillante.
Une personne victime ou témoin d’un mal n’est pas toujours capable de l’exprimer dans les formes convenables à la bien-pensance ecclésiale, et nul n’a le droit de l’exiger d’elle. La critique, « les murmures » sont peut-être un mal mais il nous faut les tolérer pour permettre à la vérité d’être dite. La connaissance de la Vérité c’est-à-dire du Christ est à ce prix-là.