Rapport d’audit de la société des Missions Etrangères de Paris
- https://missionsetrangeres.com/communique-rapport-daudit-gcps-de-la-societe-des-missions-etrangeres-de-paris/
- https://www.la-croix.com/religion/missions-etrangeres-de-paris-63-allegations-de-violences-sexuelles-et-des-zones-d-ombre-20241212
- https://www.lavie.fr//christianisme/eglise/les-missions-etrangeres-de-paris-publient-un-rapport-pour-avancer-sur-les-violences-sexuelles-97325.php
- https://www.leparisien.fr/societe/religions/pretres-francais-a-letranger-un-audit-choc-met-en-lumiere-des-abus-sexuels-sur-mineurs-en-asie-12-12-2024-5KA4A5WBANB3LPL6SE747YHWBM.php
- https://www.lemonde.fr/societe/article/2024/12/12/violences-sexuelles-dans-l-eglise-le-grand-silence-autour-des-faits-commis-a-l-etranger-par-des-pretres-francais_6444251_3224.html
3% des prêtres MEP sont mis en cause
3% des prêtres MEP sont mis en cause, entre 1950 et 2024. Cependant, il est possible que la proportion soit bien plus importante. En effet, d’une part la libération de la parole est récente, et d’autre part, les effectifs des MEP étaient bien plus importants dans les années 50 qu’aujourd’hui. Il faut aussi ajouter à cela les difficultés à se plaindre de prêtres dans des pays de mission.
Au total, 63 allégations sont mentionnées dans le rapport, dont 8 sont « avérées ». Elles mettent en cause 46 prêtres, soit 3 % des 1 491 prêtres actifs au sein des MEP depuis 1950. Un chiffre comparable à celui rapporté par la Ciase (environ 2,8 % des prêtres).
— La Croix
Rapport d’audit : focus sur une section
N’ayant pas le temps d’analyser l’ensemble du document, j’ai focalisé mon attention sur la section 1.2, « Des structures de gouvernance qui évoluent pour répondre aux besoins de safeguarding ». Il décrit les différents acteurs responsables du safeguarding, ainsi que leur périmètre de responsabilité.
Résumons les informations sur l’organisation des MEP
- Le conseil permanent est constitué de cinq membres élus pour 6 ans : un supérieur général, un vicaire général, un secrétaire général ainsi que deux autres membres.
- Les pays de mission sont répartis en groupes. Chaque groupe contient un ou plusieurs pays et est coordonné par un responsable de groupe élu. Il est prévu que chaque groupe dispose d’un délégué local à la protection dans le cadre des activités de safeguarding.
- Un conseil d’évaluation doté de cinq membres a été créé en mars 2024. Il est composé d’un délégué général à la protection, de son adjoint et de trois experts laïcs extérieurs aux MEP.
- Depuis mars 2024, les cas signalés ne sont plus gérés par le supérieur général mais par le conseil d’évaluation.
Si les différents acteurs semblent définis, leurs rôles le sont nettement moins
- « Le conseil a développé une feuille de route pour les délégués à la protection, incluant des missions de gestion des cas et de pilotage de la politique de prévention des MEP ».
- « Aucune communication claire n’a été faite sur le rôle, le fonctionnement et les membres du conseil d’évaluation, ni sur les responsabilités du délégué général et des délégués locaux à la protection. Ces nouvelles entités n’apparaissent également pas dans la charte des MEP, ni dans les procédures de gestion d’incidents décrite dans ses annexes ».
- « Les Constitutions des MEP (ensemble de règles qui régissent la société des MEP) et les contrats qui lient les prêtres MEP à la société lors de leur nomination n’indiquent pas de responsabilités spécifiques en termes de lutte contre les violences sexuelles ou de promotion du safeguarding pour les membres du conseil permanent et les supérieurs régionaux ».
- « Les responsables de groupe ne sont actuellement pas dotés de responsabilités spécifiques ni de ressources dédiées au safeguarding. Ils n’ont pas de feuille de route ni d’objectifs de performance pouvant être mesurés ».
- « L’audit a constaté que certains responsables de groupes ne sont pas au fait du cadre safeguarding en place dans les diocèses de mission, même dans des pays où il y a eu des allégations de violences sexuelles à l’encontre de prêtres ou volontaires MEP ».
Malgré un ton neutre du rapport d’audit, la situation est donc absolument catastrophique. Les responsabilités de la plupart des acteurs ne sont ni clairement établies, ni communiquées. De plus, les responsables de groupe, qui sont donc proches du terrain, n’ont ni ressources, ni feuille de route, ni objectifs mesurables relatifs au safeguarding. Face à la situation plus qu’insatisfaisante, on est surpris que l’audit ne s’alarme pas avec davantage de vigueur de l’étendue du travail qui reste à faire.
Voici maintenant les recommandations (p19-20)
- Élaborer un plan global safeguarding qui inclut la prévention et la gestion des cas et allouer les ressources matérielles, humaines et financières nécessaires à son application.
- Réviser la charte et rédiger une politique spécifique pour les employés MEP.
- Renforcer les moyens humains dédiés au safeguarding par le recrutement d’un référent safeguarding à plein temps pour appuyer le délégué général à la protection et par l’identification de délégués locaux à la protection dans chaque groupe ou pays de mission.
- Actualiser et enrichir la page dédiée à la lutte contre les abus dans le site internet des MEP, avec des informations sur le rôle du délégué général à la protection, de la cellule de gestion des cas et de la cellule d’évaluation, et des outils clefs en matière de safeguarding.
Même si la formulation totalement générique du premier point dit très clairement que tout est à faire (« Élaborer un plan global safeguarding… ») le ton neutre masque l’ampleur de la tâche. Et cela est d’autant plus marquant que ce point est mis au même niveau que le quatrième qui est… la mise à jour d’une page du site internet. Au lieu de cela, on aurait été en droit d’attendre de la part de l’audit une liste concrète d’actions à mener pour « Élaborer un plan global safeguarding », ainsi que le périmètre de ce qui devrait être couvert par ce plan. Et un ton un peu plus assertif pour rendre compte de l’ampleur et de la gravité de l’enjeu.