Père Benoît-Emmanuel Peltereau-Villeneuve

L’Eglise a-t-elle les moyens de faire respecter des sanctions ?

Renvoyé de l’état clérical, le père Benoît-Emmanuel Peltereau-Villeneuve fait comme s’il était encore prêtre « en exercice ».

Comment l’Eglise catholique tolère-t-elle encore aujourd’hui que l’individu se moque de ses prescriptions qui le privent du droit de se dire et de s’afficher religieux? L’évêque du diocèse LGF, Charles Morerod, s’est dit impuissant l’année passée pour sanctionner cette présence tonitruante au festival Agapé de musique sacrée en mai 2023. Il a néanmoins obtenu que l’organisatrice, elle-même liée à Jean-Noël, ne puisse plus mettre sur pied des concerts dans des églises et temples genevois.

Qu’en est-il du respect de l’interdiction de porter la soutane en public? «L’Eglise catholique n’a pas les moyens de se faire obéir de ses anciens clercs», déplore l’évêque. L’institution ne dispose en effet pas de moyens de contrainte. «Quant à la justice suisse, elle ne peut sanctionner le port d’un habit religieux.»

La liberté

Des procédures longues et opaques

Entre 1986 et 2008, 13 noms de frères et celui d’une sœur qui auraient commis des abus à Genève ont été dénoncés comme abuseurs sexuels à l’évêché. Comment ces plaintes ont-elles été traitées? Certains religieux avaient déjà quitté la ville lorsque l’évêque Bernard Genoud a congédié, en juin 2008, le reste de la communauté toujours menée par [le père Benoît-Emmanuel Peltereau-Villeneuve]. A l’époque, ni le chef du diocèse romand, ni le prieur général des frères Saint-Jean en France n’avaient fourni d’explications à cette décision brutale.

L’actuel responsable du diocèse, Charles Morerod, estime ne pouvoir légalement donner d’éléments sur les plaintes reçues à l’évêché dans les années 1988 à 2008. L’évêque se réfère à la loi fédérale sur la protection des données et de la transparence pour garder le silence sur les 13 noms d’abuseurs à Genève. «J’en suis désolé car je tiens à bloquer ces abuseurs…» Il promet de livrer des noms si le préposé fédéral le prie d’ouvrir ses dossiers. Affaire à suivre. Il refuse aussi de dire si des procédures canoniques ont été transmises au Vatican.

La liberté

Quel regard portez-vous sur la procédure qui a mené à cette décision [le renvoir de l’état clérical du père Benoît-Emmanuel] ?
Sophie Ducrey : Un regard de dégoût, gigantesque, pour chaque phrase de suspicion, mensonge, hypocrisie, inversion de réalité et parfois injure ou menace que j’ai dû essuyer alors même qu’il y avait tellement d’autres plaignantes ! À chacune d’entre nous, les autorités ont longtemps laissé croire que nous étions seules, la seule. Ainsi, nous ne suffisions pas pour établir la vérité. Mon livre a permis à d’autres victimes de me contacter.

La Vie

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