Bétharram : toujours pas de réelle prise de conscience
« En un an, le travail accompli est considérable, mais il n’y a toujours pas de réelle prise de conscience. En Béarn, l’omerta est toujours forte ». Ancien élève de Notre Dame de Betharram, un établissement privé près de Pau, Alain Esquerre est aussi un lanceur d’alerte. Depuis octobre 2023, il a réuni 110 plaintes qui mentionnent une vingtaine d’agresseurs. Des auteurs présumés de violences physiques et surtout d’abus sexuels sur des enfants, tous scolarisés dans l’établissement béarnais, qui ont perduré des années 1950 pour les témoignages les plus anciens, aux années 2010 pour les faits les plus récents.
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« Aujourd’hui, les victimes déposent dans toutes les gendarmeries de France. Comment le procureur de Pau peut encore attendre pour ouvrir une information judiciaire ? « , s’interroge Alain Esquerre.
— France3
Le parquet a confié l’enquête à la section de recherche de la gendarmerie de Pau. « Les enquêteurs ont pu auditionner trois quarts environ des personnes s’étant manifestées par lettre plainte. Les dernières auditions auront lieu avant la fin de l’année. Nous progressons donc sensiblement. À l’issue de ces auditions, une décision sera prise sur l’orientation de ce dossier », assure Rodolphe Jarry, procureur de la république de Pau, dans un mail en date du 13 novembre.
— France3
Le rectorat de Nouvelle-Aquitaine qui contrôle les enseignants du secteur privé, a répondu par mail, très laconique. « Les faits évoqués remontent aux années 70 à 90. À ce stade de la procédure, le rectorat n’a pas suffisamment d’éléments pour répondre sur les éventuels agissements des enseignants de cette période, mais les services académiques sont en lien avec l’autorité judiciaire au sujet de la procédure judiciaire en cours ».
— France3
Informations complémentaires
Notre-Dame de Bétharram
Un groupe Facebook a été créé pour réunir les victimes : Les anciens du collège et lycée de Bétharram, victimes de l’institution.
Dans au moins 25% des cas signalés, l’enfant est à la fois agressé par un prêtre ou deux et un laïque 🡵.
Chronologie
- 1996 🡵 ou 1997 🡵 Un parent d’élève dépose plainte pour mauvais traitements.
- 2000 Suicide du père Pierre Silviet-Carricart, ancien directeur de l’établissement, mis en examen pour viol sur mineur et incarcéré 🡵. Une victime sera dédommagée de 50 000 euros par l’institution 🡵 mais la justice n’a pas poursuivi son enquête après le suicide du père Carricart 🡵.
- 2009 Les religieux du Sacré Cœur de Jésus, qui ont fondé l’école en 1837, quittent Bétharram qui est rebaptisé Le Beau Rameau 🡵.
- 2010 Lancement d’une enquête canonique. Même si les faits étaient prescrits, Jean-Marie Delbos a été reconnu comme victime. A l’époque, l’institution a fait passer l’adolescent pour un fou et il a été interné dans un hôpital psychiatrique. La direction avait même menacé de saisir les biens de sa grand-mère 🡵.
- Décembre 2023 Lancement du groupe Facebook Les anciens du collège et lycée de Bétharram, victimes de l’institution 🡵.
- Décembre 2023 20 anciens élèves portent plainte 🡵 pour des violences physiques et sexuelles commises essentiellement au début des années 1980 🡵.
- Février 2024 13 autres plaintes sont déposées 🡵 et une enquête préliminaire est ouverte 🡵.
- Février 2024 Un surveillant visé par huit plaintes d’anciens élèves et toujours en poste, a été écarté de l’ensemble scolaire Le Beau Rameau (nom de l’Institution Notre-dame-de-Bétharram depuis 2009). Il signera une rupture conventionnelle de contrat fin mai 🡵 après quarante ans passés à Bétharram 🡵
- Avril 2024 Quarante nouvelles plaintes sont déposées. La moitié concerne des faits à caractère sexuel. Contrairement aux plaintes précédentes, les accusations d’agressions sont plus récentes et concernent les années 2000 🡵.
- Juillet 2024 26 nouvelles plaintes sont déposées portant leur total à 102 🡵 ou 108 🡵. Ces plaintes mettent en cause 22 adultes et un mineur au moment des faits dont la moitié sont encore en vie. Parmi eux, 9 religieux sont incriminés, dont 8 pour violences sexuelles, révèle le communiqué de presse du collectif de victimes de Bétharram 🡵. Parmi les nouveaux témoignages, ceux de jeunes filles, anciennes élèves dont une est aujourd’hui âgée de 24 ans. Elle raconte avoir été victime de harcèlement physique et psychologique en 2010 et 2011, « puis renvoyée pour éviter que cela fasse des vagues » 🡵. Pour la première fois aussi, trois 🡵 parents ont déposé plainte « pour abus de confiance et tromperie » et une enseignante affirme avoir tiré la sonnette d’alarme à l’époque 🡵. Enfin, il y a également au moins un dossier concernant des viols entre élèves 🡵.
- Juillet 2024 Le directeur actuel de l’établissement de Bétharram a indiqué que « l’école s’était portée partie civile dans cette affaire 🡵.
- Septembre 2024 Publication d’un long communiqué de la congrégation de Bétharram 🡵. Le vicaire général de la congrégation de Bétharram a confié à une ONG de Bayonne une mission de médiation avec les victimes. Dans les faits, depuis ce message, elle est absente des démarches 🡵.
- Novembre 2024 Le total est maintenant de 110 plaintes qui mentionnent une vingtaine d’agresseurs. Des auteurs présumés de violences physiques et surtout d’abus sexuels sur des enfants, tous scolarisés dans l’établissement béarnais, qui ont perduré des années 1950 pour les témoignages les plus anciens, aux années 2010 pour les faits les plus récents 🡵.
Encore de nouvelles plaintes en France ? « [Alain Esquerre] a reçu récemment de nouvelles plaintes dont les faits se sont déroulés entre 2013 et 2016. Il s’agit d’actes de violences physiques, et d’abus sexuels » 🡵.
Une congrégation internationale
La congrégation des Pères du Sacré Cœur de Jésus de Bétharram (s.c.j.), ou plus simplement des Pères bétharramites, est aujourd’hui implantée dans près de quinze pays répartis sur les cinq continents 🡵, notamment en Afrique, en Asie et en Amérique du Sud. 🡵. La crainte d’Alain Esquerre, c’est que « là où les prêtres qui ont dirigé Bétharram sont passés par la suite, il y ait eu d’autres agressions sexuelles » 🡵