Violences sexuelles : briser le silence, pour quoi faire ?
C’est tout le paradoxe de révéler des abus. D’un côté, la victime devient « plus légère », comme Lucile de Pesloüan – « J’ai senti quelque chose se décharger, vraiment comme un poids en moins. » Et dans le même temps, « cela peut vous confronter à la méfiance de vos interlocuteurs, à une culpabilisation ou une remise en cause de votre témoignage », décrypte Muriel Salmona, psychiatre spécialisée dans la prise en charge des violences sexuelles. Hélène Devynck, l’une des vingt femmes accusant Patrick Poivre d’Arvor d’agressions sexuelles ou de viol, confirme. En 2021, elle signait une tribune dans Le Monde, accompagnant une enquête sur les agissements présumés de l’ancien présentateur. Elle y expliquait comment ce dernier l’aurait violée dans les années 1990. « Quand une victime parle, c’est souvent elle que l’on accable, en premier. On m’a dit que je voulais faire ma publicité, que je l’avais peut-être cherché. Dans l’imaginaire collectif, le viol, ça se passe la nuit, dans un parking. Quand on est adulte, on est censée se débattre, se défendre… Ne pas le faire suggère une présomption de consentement. » C’est oublier le phénomène de sidération des victimes. « Briser le silence m’a valu des torrents d’emmerdes. Des amis m’ont tourné le dos, des employeurs ont rompu leurs contrats. Je me dis parfois que le silence m’allait bien. Que ma vie était plus facile. »
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« Regretter ? ça arrive !, réagit Hélène Devynck. Je vous ai peut-être dressé un tableau assez noir, mais témoigner a aussi eu des effets positifs. Nos témoignages ont fait boule de neige et aidé la justice en en suscitant d’autres. Rien que cela valait la peine. »
— La Croix