Le pardon, les conditions dans lesquelles il peut être demandé et accepté
Dans le contexte de Mazan, trois éléments au moins posent question : la gravité des faits, la qualité du repentir et le moment de la demande.
1. La gravité des faits
N’y a-t-il pas des crimes trop graves pour être pardonnés ? C’est ce que pensait Hannah Arendt. Elle avait couvert le procès du criminel nazi Eichmann et considérait que certains crimes détruisaient jusqu’à la conscience de l’auteur, rendant impossible le pardon. Ce n’est cependant pas la position d’autres philosophes comme Levinas, Derrida et Ricœur, pour qui une prise de conscience est toujours possible, aussi incertaine, longue et difficile soit-elle. C’est aussi le message biblique dans lequel Dieu ne cesse d’appeler à la conversion, gardant ouverte cette espérance.
2. La qualité du repentir
Un signe de repentir qui trompe rarement est l’ouverture à la souffrance de l’autre.
3. Le moment de la demande
Un procès peut être l’occasion d’une demande de pardon, si les débats ont été l’occasion d’une prise de conscience de la gravité des faits et des souffrances infligées à l’autre.
Mais le premier jour ? Le pardon est un processus qui implique une pluralité d’acteurs, chacun avec son rythme propre : victime, proches, auteur, témoins… Pour l’auteur, la qualité de son repentir se mesure à sa capacité d’écoute et d’empathie. Ceci se traduira notamment par l’attention à attendre, pour demander pardon, le moment où la personne victime pourra l’entendre, y trouver un élément de réparation.
Pardonner n’est pas oublier
Pardonner n’est pas oublier, mais devenir capable de se souvenir de manière apaisée. Ce processus s’apparente à bien des égards au travail de deuil, d’acceptation de la perte et de l’irréparable, laissant place peu à peu, à du possible nouveau. Ce travail peut être long, incertain, parfois jamais achevé, et peut nécessiter le soutien de psychologues, mais aussi d’associations, de proches, d’amis.
Le pardon, lorsqu’il nous arrive de le donner, n’est pas l’effacement du mal que l’autre nous a fait subir, il est la manifestation que la vie, en nous, a été plus forte, et l’espérance, signifiée à l’autre, qu’il guidera désormais ses choix sur le désir d’une vie bonne pour chacun et d’un respect mutuel.