En Suisse, une situation extrêmement préoccupante

Selon Rome, les évêques suisses ont commis des «erreurs», mais pas de «fautes»

Une lecture rapide de cet article peut laisser penser que la situation n’est pas très grave. Mais quand on regarde de près, c’est autre chose.

«Des erreurs, des omissions et des négligences ont été constatées dans l’application des normes de procédure canonique, ce que les évêques regrettent profondément», affirme la CES dans un communiqué. «Cependant, il ne s’agit pas de comportements fautifs qui nécessiteraient aujourd’hui l’ouverture d’une procédure pénale interne à l’Église. […] Le Dicastère pour les évêques a [toutefois] émis des réprimandes canoniques, invitant les mêmes évêques et l’ensemble du corps épiscopal suisse à être plus attentifs à l’avenir et à traiter les cas d’abus signalés avec la plus grande diligence et expertise, en observant strictement toutes les normes en vigueur dans les procédures d’enquête».

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En d’autres lieux, quand on « balade » les victimes de manière totalement inadmissible, le Dicastère pour les évêques ne réagit pas si « fermement »… Cela laisse imaginer l’ampleur des erreurs, des omissions et des négligences.

Mgr Morerod n’a cependant «pas toujours respecté les procédures canoniques». L’évêque répond qu’il «n’a pas automatiquement ouvert une enquête canonique puisqu’il donnait la primauté à la justice de l’État, notamment à cause de plaintes de victimes précisément par rapport aux procédures internes».

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En France, « 3% seulement des viols et agressions sexuelles commis chaque année sur des enfants font l’objet d’une condamnation des agresseurs et seulement 1% dans les cas d’inceste », si on en croit la CIIVISE. Si les chiffres sont similaires en Suisse, on imagine sans peine ce que le noble souhait de laisser la « primauté à la justice de l’État » signifie.

Le cardinal Prevost juge aussi regrettable «l’absence de vérification préalable de l’aptitude de certains candidats aux charges ecclésiastiques sur la base de critères objectifs et prédéterminés». Des reproches qui ont déjà été formulés à Mgr Morerod, par des prêtres et autres collaborateurs, et qui ne font, dit-il «que conforter le travail de discernement actuel».

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On imagine sans peine les conséquences catastrophiques d’une absence de discernement des candidats aux sacerdoce. Absence de discernement qui semble d’ailleurs unanimement reconnue.

Quoi qu’il en soit, les agents pastoraux francophones du diocèse de LGF recevront un code de conduite d’ici la fin de l’année 2024, pour leur rappeler que la prévention des abus dans l’Église est l’affaire de tous.

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Faut-il en rire ou en pleurer…

La prévention des abus en Église doit être l’affaire de tous

C’est dans ce contexte que la représentante de l’évêque pour la prévention et la chancelière ad interim font la promotion du code de conduite des agents pastoraux francophones du diocèse de LGF.

On reproche très souvent à l’Église son omerta sur les abus.
MCA: On a souvent mis la dissimulation des abus sur la volonté de protéger l’institution et c’est vrai, mais il faut aussi tenir compte d’autres éléments comme la surcharge de travail et le manque de suivi des dossiers qui ralentissent le processus et qui font que des affaires finissent par tomber dans l’oubli. Aujourd’hui on ne peut pas se le permettre. C’est pourquoi la prévention est un défi constant. Il faut instaurer une culture du respect tout en se rappelant que l’Église est composée de pécheurs en chemin, d’où l’importance d’avoir des repères communs de comportement.

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Rien ne va ici

Le traitement des prêtres mis en cause dans des affaires d’abus est un des problèmes difficiles auxquels l’autorité est confrontée.
MCA: C’est une question à laquelle il n’a pas été répondu de façon satisfaisante. Le problème est d’une grande complexité et mérite une étude approfondie qui sera un des thèmes à traiter par le conseil prévention du diocèse.

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C’est difficile. Il faut réfléchir. Il faut faire une étude approfondie…

Dans les affaires d’abus, la prescription est souvent très discutée.
LCG: La question se complique encore lorsqu’il y a une décision de non entrée en matière de la justice civile pour raison de prescription. Que doit faire la justice de l’Église? Elle a la possibilité de lever la prescription et de prendre des sanctions. Mais c’est une démarche délicate. En fait, la question de la prescription dépasse le cadre de l’Église et concerne la société entière.

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On sait que la prescription est le grand allié des criminels sexuels grâce à l’amnésie traumatique. Alors comme c’est le cas avec la justice civile, autant que ce le soit également dans l’Église.

L’Église peut-elle envisager de réintégrer un prêtre qui a fauté mais qui est repentant?
MCA: En droit pénal, lorsqu’une personne a été condamnée et a accompli sa peine, elle réintègre la société. Dans l’Église, nous sommes moins favorables à réintégrer un prêtre qui a commis un abus, même s’il a fait un chemin de demande de pardon, de pénitence et s’engage pour le futur à ne plus avoir de comportements inappropriés. Je crains la tentation de devenir une Église de parfaits où le péché et surtout la rédemption n’ont plus leur place. J’appartiens à une Église pécheresse dans laquelle nous cheminons tous. Quelle pourrait-être alors la démarche ecclésiale pour réintégrer le pécheur lorsqu’il est possible de le faire ?

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