Abbé Pierre : quand Mgr Villot veillait à éviter le scandale
Mgr Villot alertait les évêques avant la venue de l’abbé Pierre
On retrouve notamment dans les archives des correspondances adressées à l’archevêché du Mans. Ici, c’est à à l’archevêque de Lyon :
Si je me permets d’écrire à votre éminence […], c’est pour que l’on évite, autant qu’il sera possible, de faire des compliments publics à l’abbé […] Il ne faut pas se dissimuler, en effet, que tout cela pourra, un jour ou l’autre, être connu et que l’opinion serait bien surprise alors de voir que la hiérarchie catholique a maintenu sa confiance à l’abbé Pierre.
Mgr Villot et l’évêque de Grenoble : la patate chaude abbé Pierre
Alors qu’il a reçu la visite de l’abbé Pierre, Mgr Villot écrit encore à l’évêque de Grenoble le 11 septembre 1958 : « Il ne faudrait donc pas, ai-je dit à l’abbé Pierre, créer un imbroglio à la faveur d’une pluralité d’interventions : c’est avec Mgr l’évêque de Grenoble que doit être, en définitive, cherchée la solution du problème […] L’abbé Pierre m’a alors affirmé sa résolution d’obéir, de ne rien faire qui puisse amener un risque de scandale et de se conformer aux directives qu’il recevrait. « Mais, a-t-il ajouté, faut-il, par crainte d’un scandale, achever un pauvre homme ? » […] J’ai tenu à mettre le résumé de cette conversation sous les yeux de votre Excellence puisqu’elle aura sans doute la tâche difficile d’aider l’abbé Pierre à trouver un point d’atterrissage. Il est vrai que ce ne sera sans doute pas avant quelques mois, car il m’a paru bien délabré et plus émotif que jamais. »
Face à l’absence de réponse de Mgr Fougerat, Mgr Villot insiste par peur du scandale
« N’ayant jamais reçu de réponse de votre chère Excellence, je suis un peu découragé. Si l’abbé Pierre était un inconnu, je classerais le dossier. Mais, devant le grave danger de scandale que comporterait son retour aux activités antérieures, je ne crois pas, en conscience, pouvoir rester purement passif […] Je ne voudrais pas, en effet, avoir à me reprocher, dans quelques mois, les conséquences d’un abandon de cette affaire, alors que je sais, par ailleurs, de quelle gravité sont les faits qui pourraient revenir à la surface. »
Et Mgr Fougerat cherche à lui refourguer la « patate chaude » !
« Je demeure surpris de la façon dont il semble rejeter sur le seul évêque de Grenoble la responsabilité de la situation actuelle : la majorité des détails et des décisions ont été si tardivement et si incomplètement connues de lui… […] et récemment encore, que d’imprécisions… J’aimerais reprendre avec vous le fil de tout cela. Votre lettre témoigne d’un éventuel recours au concile. Si cette démarche devient un jour nécessaire, je pense bien qu’elle serait faite par vous au nom des plus hautes autorités que vous représentez dans cette affaire. »
Retour sur la tribune de Mgr Eric de Moulins-Beaufort
Il y a seulement quelques jours, Mgr Eric de Moulins-Beaufort indiquait dans une tribune que si l’abbé Pierre était un électron libre, c’était du fait de son mode de vie.
L’abbé Pierre a presque toujours vécu à distance de tout cadre proprement ecclésial. Mettre en cause l’Église et le célibat sacerdotal n’est pas à la hauteur de ce que les agressions sexuelles commises par l’abbé Pierre nous obligent encore à voir.
Non seulement ce n’est pas une excuse, mais en plus, nous découvrons aujourd’hui que l’évêque de Grenoble qui avait autorité sur lui assumait peu ses responsabilités, et cherchait surtout à renvoyer la responsabilité à Mgr Villot et au bureau central de l’assemblée des cardinaux et archevêques de France.