Abbé Pierre : l'interview catastrophique de Mgr Eric de Moulins-Beaufort
En résumé, selon Mgr Eric de Moulins-Beaufort : on ne sait pas vraiment, c’est pas clair, c’est pas simple. On n’a pas de certitude, il va falloir un travail d’enquête historique. Bref, la défense habituelle qui consiste à semer le doute, faire semblant d’être prudent et sage, alors que les preuves s’accumullent…
Mais qui savait ?
Je ne sais pas quels évêques savaient quelque chose.
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort (1:42)
Bien sûr, vous ne pouvez pas dresser une liste exhaustive. Mais il ne faut pas chercher loin pour trouver des noms ! D’ailleurs vous dites vous même :
Assez vite, un certain nombre de mesures sont prises [après le voyage de l’abbé Pierre aux Etats Unis].
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort (1:40)
Donc on sait que des mesures sont prises… ça met sur la voie, non ?
Le bureau central de l’assemblée des cardinaux et archevêques de France [ancêtre de la CEF] a pris connaissance du comportement de l’abbé Pierre.
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort (3:02)
ça donne aussi des pistes, pour avoir une idée de qui savait quelque chose ?
L’évêque de Grenoble, je ne sais pas s’il savait à l’époque
Mgr Eric de Moulins-Beaufort (3:31)
Si on en croit la lettre de Prosper Monier adressée à l’abbé Pierre : OUI. Et comme la CEF de l’époque (le bureau central de l’assemblée des cardinaux et archevêques de France) savait, il y avait sans aucun doute eu une communication de l’information à l’évêque de son lieu d’incardination… c’est à dire Grenoble.
C’était il y a si longtemps…
A la fin de sa vie, « personne ne pouvait imaginer que cela pouvait être par la violence ou la brutalité »
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort
Pas même l’évêque de Grenoble, qui avait reçu via les capucins le témoignage d’une victime en 2005, si on en croît Mgr Jean-Marc Eychenne ?
Aucun évêque aujourd’hui en fonction en France n’avait plus de 10 ans à cette époque là.
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort
Si on parle des premiers signalements, c’est vrai, même si ça ne rend pas la gestion de cette afaire moins scandaleuse pour autant. Et à la mort de l’Abbé Pierre, qui savait ? Qui a préféré des obsèques en grandes pompes à la vérité pour les victimes ? L’évêque de Grenoble savait pour au moins une victime, c’est certain. De plus, le vatican savait également, donc l’alerte est forcément remontée à la CEF.
Comment se fait-il qu’on ait complètement oublié cela ?
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort (9:23)
Il n’y a pas eu des alertes uniquement dans les années 1950 puis plus rien ! Mais des signalements en continu, y compris peu avant sa mort ! Il ne s’agit donc pas d’amnésie, mais de cécité voulue et entretenue pour « sauver » l’institution du scandale.
Pas d’alertes
Des femmes n’ont pas pu parler à cette époque.
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort (6:45)
NON. Certaines ont parlé, mais n’ont été ni écoutées, ni soutenues par peur du scandale.
Qui était responsable de l’abbé Pierre ?
L’abbé Pierre, dans les années 50, je ne pense pas qu’il se souciait beaucoup de l’évêque de Grenoble.
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort (4:26)
La question, c’est plutôt de savoir si un évêque se souciait de lui… ou plus exactement des victimes. Parce que pour proposer à l’abbé Pierre de se faire oublier, l’évêque de Grenoble semble avoir été actif. Par contre, pour les victimes…
A propos du voyage de l’abbé Pierre aux Etats-Unis
On découvre [maintenant] son comportement gravement défaillant.
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort
Que dire…
D’importantes personnalités de l’Église catholique sont alertées, à partir de 1955 de l’inconduite (au minimum) de l’abbé Pierre, d’après les informations de Libération, des prélats très influents tels que le cardinal américain Francis Spellman archevêque de New York de 1939 à 1967 ou le cardinal français Maurice Feltin, archevêque de Paris de 1949 à 1966. Au moins deux autres évêques français ont connaissance, eux aussi, du comportement extrêmement problématique d’Henri Grouès (le nom à l’état civil de l’abbé Pierre) : André Fougerat, alors évêque de Grenoble, le diocèse dont dépend le fondateur d’Emmaüs et Alexandre Renard, l’évêque de Versailles qui a, sous sa juridiction épiscopale, plusieurs communautés du mouvement.
En 1958 le curé chargé de le surveiller suggère à l’abbé Pierre de se cacher un an !
Nous avons vu l’évêque de Grenoble. Comme tout le monde, il souhaite que vous puissiez vous cacher un an.
— Lettre de 1958 adressée à l’abbé Pierre par le curé chargé de le surveiller. Source France Info
De la com, de la com'
Dans les années 50 (…), l’Église essaie de l’aider [l’abbé Pierre]. Pas d’aider (il se reprend) pas tellement d’aider les personnes victimes.
— Mgr Eric de Moulins-Beaufort (8:32)
Non, l’Église n’a juste pas aidé les victimes.
Conclusion
C’est triste pour les victimes.
C’est triste pour l’Église.
C’est triste.