Deux victimes de l'ex-père Moulay assignent la Communauté de l'Emmanuel en justice
- https://www.20minutes.fr/justice/4102511-20240722-violences-sexuelles-eglise-communaute-emmanuel-assignee-justice-deux-victimes-viol
- https://www.ouest-france.fr/pays-de-la-loire/le-mans-72000/violees-par-un-pretre-au-mans-et-a-rennes-deux-femmes-poursuivent-sa-communaute-en-justice-a33936e4-4914-11ef-ae43-8601f2d4302d
- https://france3-regions.francetvinfo.fr/bretagne/ille-et-vilaine/rennes/une-action-inedite-au-civil-la-communaute-de-l-emmanuel-poursuivie-en-justice-par-deux-femmes-violees-par-un-pretre-a-rennes-et-au-mans-3009248.html
- https://www.rcf.fr/articles/actualite/violees-par-un-pretre-de-lemmanuel-deux-fideles-dont-une-sarthoise-attaquent
- https://www.francebleu.fr/infos/faits-divers-justice/violees-par-un-pretre-au-mans-et-a-rennes-deux-femmes-poursuivent-en-justice-la-communaute-de-l-emmanuel-4729414
« Il n’est pas normal qu’une communauté religieuse se lave les mains de ces faits en disant que c’est seulement la faute de l’auteur, s’indigne Aymeric de Bézenac. Nous avons une quinzaine de témoignages de personnes qui racontent avoir émis des signalements. La communauté aurait dû mettre en place des mesures pour faire cesser ces agressions, et elle n’a jamais rien fait de probant. Par exemple, il aurait pu y avoir une interdiction de confesser, puisque plusieurs signalements concernaient des attouchements sexuels commis sur d’autres personnes lors de confessions ».
Selon lui [Maître Aymeric de Bézenac], les défaillances de la communauté de l’Emmanuel, qui est une association publique internationale de fidèles de droit pontifical, sont « un fil rouge dans une histoire de 20 à 25 ans. À deux reprises et à l’unanimité, les responsables du diocèse de Nantes, où Benoît Moulay a suivi sa formation, s’étaient opposés à son ordination » et affirme avoir décelé dans des courriers entre le diocèse du Mans et la communauté « une forme de pression exercée par l’Emmanuel pour que ce prêtre soit ordonné. » Autre négligence pointée du doigt par Me de Bézenac, le fait que Benoît Moulay ait été prêtre « sans aucune restriction de ministère ou suivi étroit alors qu’il y avait plusieurs signalements [Ndlr : pour attouchements sexuels] au début des années 2000 et que ceux-ci n’ont jamais été traités convenablement, que ce soit par le diocèse du Mans que par la communauté de l’Emmanuel. »
— RCF
C’est une procédure rare qui vient d’être lancée devant le tribunal de Nanterre, car le choix de la voie civile est fait pour que désormais l’Institution qui a laissé faire assume ses responsabilités et ne se cache plus derrière le prêtre agresseur.
(…)
Avec cette affaire, on écrit l’histoire de l’Église de France. Car cette action inédite au civil pourrait faire jurisprudence, avec de nombreuses conséquences sur l’Institution"
— Maître Aymeric de Bézenac, avocat des deux femmes victimes
Informations complémentaires
Au sujet de Benoît Moulay
Le contexte pour comprendre
Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite à consulter :
- les threads twitter de @ntrouiller (premier thread, second thread) qui expliquent le parcours du combattant des victimes ;
- ce thread passionnant de @AgirNotreEglise analyse l’enchaînement des causes ;
- cet article de Libération Violences sexuelles dans le diocèse du Mans : l’incompréhensible indulgence de l’évêque Yves Le Saux par Bernadette Sauvaget.
Chronologie rapide des faits
- 1997 le conseil du séminaire avait recommandé par deux fois de ne pas l’ordonner. À l’unanimité. Pour l’ordination diaconale, puis presbytérale. « Importante immaturité psycho affective. » Benoît « n’a ni la liberté intérieure, ni l’intention droite, ni les aptitudes requises par la tradition et les lois de l’Église pour exercer le ministère de prêtre diocésain, et probablement de prêtre dans quelque contexte que ce soit. » 🡵
- 1997 Jacques Benoit-Gonnin, alors responsable des clercs (prêtres et diacres) et des séminaristes de la communauté de l’Emmanuel fait pression pour que Benoît Moulay soit ordonné 🡵
- 28 juin 1998 Benoît Moulay est ordonné prêtre par Mgr Jacques Faivre, nouvellement arrivé au Mans 🡵
- 2002 Yves Le Saux succède à Jacques Benoit-Gonnin et devient le nouveau responsable des clercs (prêtres et diacres) et des séminaristes de la communauté de l’Emmanuel 🡵. Il reçoit à ce titre de multiples alertes qui n’ont pas tardé à remonter dès l’ordination du père Benoît Moulay. 🡵
- 21 novembre 2008 Yves Le Saux est nommé évêque au Mans 🡵. Il devient donc l’évêque du père Benoît Moulay
- 2017 Pour des raisons floues, Benoît Moulay est déplacé à Rennes en 2017. Son nouveau diocèse d’affectation n’est pas prévenu de son passé problématique (ce qui a été officiellement confirmé à Libération). 🡵
- Fin 2019 Deux plaintes sont déposées contre le Benoît Moulay🡵. En garde à vue il reconnaît les viols sur les deux femmes.🡵
- Décembre 2019 Benoît Moulay avait été suspendu en décembre 2019 par Mgr Yves Le Saux, alors évêque du diocèse du Mans. Une première victime avait effectué un signalement dans le diocèse de Rennes suivi d’un second dans la Sarthe.🡵
- Janvier 2020 Une enquête canonique est ouverte🡵. Mgr Yves Le Saux est donc à la fois l’évêque de la victime et l’évêque du père Benoît Moulay
- 27 Juillet 2020 Les plaintes sont classées sans suite. Interrogé par Le Maine Libre le 21 juillet 2023 sur une éventuelle procédure, le procureur Philippe Astruc confirme qu’une enquête avait « été diligentée du chef de viol » après des relations intimes dénoncées par deux femmes majeures. Il précise que « les faits de nature sexuelle ont été reconnus par l’intéressé, toutefois la procédure a été classée sans suite le 27 juillet 2020, la contrainte n’apparaissant pas suffisamment caractérisée ». 🡵
- Automne 2020 Yves Le Saux prend une mesure disciplinaire contre Moulay qui est assigné à résidence pour trois ans à l’abbaye de Saint-Wandrille (Seine-Maritime) 🡵
- Décembre 2020 D’après le témoignage de l’abbé de Saint-Wandrille, les négociations entre Le Saux et Moulay auraient, en fait, commencé dès décembre 2020 pour qu’il quitte l’abbaye et reprenne une mission. 🡵
- 10 novembre 2021 Les deux victimes apprennent le possible départ de Moulay de saint Wandrille. Devant la détermination des deux femmes, Le Saux repousse sa décision. Quand Moulay l’apprend, il quitte définitivement l’abbaye, désobéissant à l’Église catholique. Et contraignant son évêque à rouvrir la procédure canonique le 10 novembre 2021. 🡵 🡵
- 27 juin 2022 Mgr Le Saux est nommé au diocèse d’Annecy. 🡵
- Septembre 2022 Après le départ de Le Saux, Mgr Grégoire Cador, aujourd’hui évêque du diocèse de Coutances, alors administrateur général du diocèse du Mans après en avoir été le vicaire général « retrouve » les rapports du séminaire du père M dans les archives diocésaines, alors que Mgr Le Saux avait assuré aux victimes qu’il n’y avait rien dans les archives du Mans ni celles de la Domus, et qui les fait verser in extremis au procès. 🡵
- 1er décembre 2022 Michel-Bernard de Vregille rencontre la seconde victime, qui souhaite lui faire part de tous les dysfonctionnements qu’elle et la première victime ont eu à affronter depuis quatre ans. Michel-Bernard de Vregille enregistre l’entretien à l’insu de la victime, qui découvre la situation quand Michel-Bernard de Vregille fait tomber son téléphone. 🡵
- 4 juillet 2023 Benoît Moulay est renvoyé de l’état clérical 🡵. Les juges de l’officialité interdiocésaine de Rennes ont considéré qu’il y avait un risque de «récidives» à cause de «son attitude ambiguë envers les femmes», mais aussi de «sa personnalité immature, manipulatrice, autoritaire». 🡵
- La sentence du procès pénal canonique reconnaît la responsabilité de la Communauté de l’Emmanuel. Le tribunal a en outre décidé qu’il reviendra à la Communauté de l’Emmanuel (Association publique internationale de fidèles de droit pontifical) de discerner comment l’accompagner dans les trois prochaines années, y compris financièrement. 🡵. Et pour les victimes : rien.
- Avril 2024 Classement sans suite de la plainte contre Michel-Bernard de Vregille pour abus de confiance suite à l’enregistrement d’un entretien avec une victime, à son insu. Le procureur reconnaît donc qu’il y a eu infraction pénale. Il choisit de ne pas poursuivre. Mais il dit explicitement que Michel-Bernard de Vregille a enfreint la loi. 🡵
- 22 juillet 2024 Deux victimes de l’ex-père Moulay assignent la communauté de l’Emmanuel en justice. 🡵
- Octobre 2024 Après cinq longues années de combat, deux femmes victimes de violences sexuelles de la part de l’ex-prêtre Benoît Moulay, membre de la communauté de l’Emmanuel, ont obtenu des réparations financières au titre des dommages qu’elles ont subis grâce à la pugnacité de leur avocat, Aymeric de Bézenac. Conformément à l’accord signé, les parties sont tenues à la plus stricte confidentialité. Toutefois, ce protocole prévoyant le versement de réparations financières constitue, selon plusieurs spécialistes, une démarche inédite en France. 🡵. Voir également le communiqué de la communauté de l’Emmanuel.