Les hommes de la rue du Bac

Note : Bien que cette affaire ne concerne pas l’Église, son ampleur en fait clairement une affaire à part. Des faits glaçants sont dénoncés, et il est d’ailleurs étrange qu’un faible écho médiatique leur soit accordé.

Edito

Les épisodes

Episode 1 : comment une «bande» pédocriminelle a sévi pendant des années au cœur de Paris

Inès Chatin témoigne d’abus et de viols commis, de ses 4 à ses 13 ans, par un groupe d’hommes gravitant autour de son père adoptif, Jean-François Lemaire, médecin magouilleur auprès des assurances, fasciné par les cercles de pouvoir et les sociétés secrètes. Perpétrées dans plusieurs lieux, dont l’épicentre était le domicile familial du 97, rue du Bac, les violences ont débuté non loin, rue de Varenne, dans un appartement mis à disposition par des amis de Jean-François Lemaire. Des «jeux» sexuels sordides – autre euphémisme, qu’elle utilise devant l’Ofmin – y ont été réalisés sur des enfants, auxquels ont participé de façon certaine, selon Inès Chatin, le fondateur et directeur historique du Point, Claude Imbert, l’écrivain et membre de l’Académie française Jean-François Revel, l’avocat François Gibault, 92 ans, défenseur en leurs temps de Bokassa et Kadhafi, Gabriel Matzneff et Jean-François Lemaire, son père adoptif. Lors de ces séances, où ces hommes n’étaient pas forcément tous présents en même temps, plusieurs enfants étaient rassemblés, et devaient endurer des pénétrations réalisées tour à tour avec des objets métalliques.

Dans une mécanique bien huilée de la terreur, Jean-François Lemaire humiliait et battait sa compagne en cas de comportements jugés inappropriés des enfants, parmi lesquels, poser des questions. «Quand on était petits, la conséquence de la parole, c’était les coups, pas sur nous mais sur elle. Si on faisait quelque chose de travers, quoi que ce soit, une mauvaise note à l’école, il y avait des coups sur elle», explique Inès Chatin. Cette dernière s’est donc entraînée à se taire et à rester impassible en toutes circonstances. Pour cela, elle a même inventé une expression : «Pleurer à l’intérieur.»

Episode 2 : aux origines de l’adoption de la jeune Inès Chatin, une procédure nébuleuse et une «entremetteuse»

Ce qui est décrit dans Libération dépasse de loin ce que les pires complotistes pouvaient imaginer : l’organisation pédocriminelle semble être structurée dès l’adoption. L’article, très détaillé est ahurissant.

Pour comprendre la façon dont elle est arrivée chez Jean-François Lemaire, qu’elle accuse d’avoir participé à un groupe pédocriminel dont elle fut la victime, Inès Chatin a remonté le fil de son adoption. Celle-ci comporte de nombreuses irrégularités, et laisse entrevoir un trafic d’enfants organisé au sein même de l’association «la Famille adoptive française».

Episode 3 : pour Inès Chatin, dix ans de violences sexuelles et des décennies de silence

Dans son huis clos familial, un schéma pervers a longtemps eu cours : pour attiser la culpabilité de ses deux enfants – Inès Chatin a un grand frère, également adopté – et les asservir, leur père adoptif, le médecin Jean-François Lemaire, s’acharnait sur son épouse. «Si on posait une question, c’est maman qui prenait», en cauchemarde encore Inès Chatin. Elle reste hantée par le soir où Lemaire l’a projetée dans le grand escalier de leur domicile, situé au 97, rue du Bac.

Il suffit parfois d’évoquer un nom, un lieu, un objet, pour en voir certains se réactiver violemment. Elle se recroqueville, son élocution ralentit, allant parfois jusqu’à fixer le sol, mutique. En un instant, Inès Chatin redevient à 50 ans la petite fille qu’elle était rue du Bac.

« Ils apportaient des objets comme s’il y avait une soirée à thème. […] Ils les utilisaient pour tester la résistance à la douleur de nos endroits intimes »

Episode 4 : Les influentes amitiés de la bande de Jean-François Lemaire

Mes amis pédophiles peuvent témoigner que ce n’est qu’exceptionnellement que j’utilise les réseaux de notre secte [parle-t-il ici des hommes de la rue du Bac ? Matzneff n’a pas répondu à Libération, ndlr], où l’on se refile les gosses, et où l’unique séduction est celle du portefeuille

— Matzneff, dans Les Passions schismatiques

Tant qu’une improbable explosion (sociétale) n’aura pas révélé que tout le monde est pédéraste, l’amant de l’extrême jeunesse devra, pour survivre, s’avancer masqué, et sera condamné à être un Janus bifrons, homme à double visage, et à double vie. Jadis, je croyais être seul de mon espèce, ou quasi. Mon amour de ce troisième sexe que forment les moins de 16 ans était une singularité qu’autour de moi personne ne semblait partager. A présent, je sais que nous sommes nombreux, très nombreux. Seulement, nous sommes une société secrète, la dernière des sociétés secrètes, et nous n’avons pas fini de l’être.

— Matzneff, dans Les Passions schismatiques

Episode 5 : «Le responsable, c’est le gosse au départ», les aveux du docteur Lemaire

«Le responsable, c’est le gosse au départ». Cette phrase résume m’état d’esprit du docteur Lemaire, jusqu’à la fin de sa vie. Incapable de reconnaitre l’étendue de la souffrance qu’il a pu causer.

— Je crois qu’il peut y avoir un certain goût pour…

— De l’enfant ?

— Oui. Parce que l’homme mûr est le sachant. Alors…

— C’est comme un apprentissage tu veux dire ?

— Oui, si l’adolescent sait qu’il se soumet à des règles condamnées par la société, mais finalement qui apportent une certaine jouissance, euh pourquoi pas ?

— Oui, mais alors comment est-ce qu’après il peut arriver à retomber sur ses pieds et à sortir de cette relation ?

— Mal. Généralement mal.

— C’est ça. Oui. […] Bah, ça laisse des traces…

— Oui.»

— Conversation entre Inès Chatin et son père adoptif, à la fin de sa vie

Episode 6 : Le long parcours d’Inès Chatin «sur le chemin de la parole»

J’ai un rêve : ne jamais revoir celle que j’étais dans le regard d’une petite fille.

Portraits des hommes de la rue du Bac

Claude Imbert accusé de pédocriminalité, un patron de presse entre influence et opacité

La lecture de certains passages de son livre hommage [celui de Jean-Luc Imbert, le fils de Claude Imbert] à l’aune des viols qu’a perpétrés Claude Imbert, selon Inès Chatin, se révèle aujourd’hui plus que troublante. Ainsi, ces lignes dans lesquelles Jean-Luc Imbert décrit un homme cultivant le secret en «veillant à maintenir une certaine opacité autour de lui, ne laissant transparaître que ce qu’il voulait bien, il avait plusieurs vies, assez cloisonnées les unes par rapport aux autres, au point que certains ignoraient purement et simplement ses autres vies». Il poursuit : «Très rares étaient ceux, parmi ses amis, qui avaient une connaissance de l’ensemble de ses centres d’intérêt.»

Jean-François Revel accusé de pédocriminalité, un pamphlétaire emblématique devenu académicien

François Gibault, l’avocat qui avait «l’ascendant sur les autres»