Père Benoît Moulay : une deuxième victime sort de son silence
Autodéfense de @CteEmmanuel, si identique à ce qui se fait aussi ds diocèses...
— Antoine (@browser_antoine) January 16, 2024
1. Tu souffres bcp (tu as un pb)
2. ça a changé (il n'y a plus de pb)
3. quelle leçon tu en tires ? (tire un bien de cela)
4. attention à ne pas reproduire (tu peux être un pb) https://t.co/X1NR1EKTRw
Bien.
Cela fait maintenant une semaine que j’ai raconté ici l’effroyable histoire de Marie . Une semaine que, pour toute réponse, la @cteEmmanuel a pondu un communiqué lamentable, se contentant de me mettre en cause, et au-delà de moi, de porter atteinte à la parole des victimes qui m’ont confié leur douloureux parcours.
Voici ma réponse, et celle de Marie.
À RT⬇️
https://twitter.com/ntrouiller/status/1746823651062681928
En préambule, sachez, chers dirigeants de @CteEmmanuel, que votre communiqué a réussi à faire sortir une deuxième victime de son silence. Écœurée par vos manœuvres, la voici qui rejoint Marie dans son combat pour la vérité. Elles sont toutes deux désormais représentées par un avocat pour la suite. Toutes mes félicitations à elle. Nous l’appellerons ici Flore.
J’ai commencé à compulser son dossier. Je ne pensais pas que l’on puisse maltraiter une victime davantage que Marie ne l’a été. Vous savez quoi? C’est possible, Flore en est la preuve vivante.
On en reparlera.
Revenons à votre communiqué du 16 janvier, visible toujours ici . Quand je l’ai lu, j’ai commencé par froncer le sourcil.
Voyez-vous, lorsqu’on vous accuse publiquement « d’erreurs, d’imprécisions et d’amalgames », et que l’on dit que « certains propos pourraient relever de la diffamation et de l’atteinte à la présomption d’innocence », le tout sans préciser quoi que ce soit, on fait… de la diffamation. https://emmanuel.info/communique-16-janvier-2024/
Nous leur avons demandé, dans le cadre d’une démarche amiable, de rectifier leur communiqué ou, à tout le moins, de m’accorder un droit de réponse. Six jours après, on attend toujours leur retour. Rien.
Néanmoins, une heure plus tard, mon nom disparaissait du communiqué, après plus de 24h de publication. Les accusations demeuraient, mais elles étaient imputées au seul thread. Qui donc s’était écrit tout seul. Depuis, rien.
C’est pourquoi, devant leur absence totale de réaction, j’ai demandé à mon avocate de déposer plainte contre la @cteEmmanuel, comme cela leur avait été annoncé préalablement.
Tout ce que j’avance dans le thread incriminé est sourcé. Le communiqué se garde bien de donner des précisions sur les éventuels « erreurs, imprécisions et amalgames » et il serait bien en peine de le faire. Je ne peux pas accepter que l’on me salisse et surtout que l’on porte atteinte à travers moi à la parole des victimes, sans fondement.
Mais si vous me trouvez « imprécise », chers dirigeants de la @cteEmmanuel, je peux reprendre toute l’histoire par le menu et vous donner une foule de détails éclairants que j’ai sautés pour ne pas fatiguer le lecteur. Préciser, par exemple, comment l’archevêque de Rennes avait dit à Marie et Flore qu’en tant qu’évêque métropolitain, il pourrait ouvrir une enquête sur les agissements de Mgr Le Saux, avant de perdre, visiblement, les coordonnées des deux femmes.
Ou comment les alertes concernant le père M sont remontées à plein d’autres responsables de l’Emmanuel, aujourd’hui mitrés ou mitrables, dont je pourrai donner le détail ici à l’occasion histoire de ne pas rester dans « l’imprécision ».
Il y a, quand même, une « précision » à l’honneur d’un évêque. Elle concerne Mgr Grégoire Cador, aujourd’hui évêque du diocèse de Coutances, alors administrateur général du diocèse du Mans après en avoir été le vicaire général.
C’est lui qui, en septembre 2022, « retrouve » les rapports du séminaire du père M dans les archives diocésaines, alors que Mgr Le Saux avait assuré aux victimes qu’il n’y avait rien dans les archives du Mans ni celles de la Domus, et qui les fait verser in extremis au procès.
C’est de lui dont je parlais ici : https://twitter.com/ntrouiller/status/1718158973512143088
Mais voyez-vous, plus que la mise en cause de ma probité (je peux me regarder dans la glace, moi), ce qui me choque, c’est cette phrase de votre communiqué: « Le courrier récemment reçu de la part de l’avocat de la plaignante envisageait la saisine de la justice pour faire valoir ses droits. La Communauté de l’Emmanuel regrette le choix de cette mise en accusation par réseau social interposé plutôt que de saisir la justice ».
J’ai dû mal comprendre. Vous regrettez que Marie ait décidé de porter vos horreurs sur la place publique plutôt que de se ruiner une fois encore en frais d’avocats, d’y perdre sa santé physique et mentale? Vous déplorez le fait que l’argent de la dîme, que vous versent les communautaires, dont je connais et admire tant d’entre eux, serve à régler vos magouilles dans le silence feutré des prétoires plutôt qu’à indemniser justement les victimes?
Mais vous étiez bourrés en écrivant ça ou bien ? Alors allez-y. Allez maintenant leur expliquer, aux communautaires, comment vous utilisez l’argent dont vous êtes comptables et non propriétaires, comment vous le faites partir en frais d’avocats contre elles et moi et en indemnisation uniquement du violeur. Bon courage.
Les victimes de cette Église dont vous faites partie, me semble-t-il, jusqu’à preuve du contraire, méritent réparation. Vous refusez d’adhérer aux instances mises en place par la CEF @Eglisecatho et la CORREF @VieReligieuse. Vous faites partie de ces rares exceptions, avec la @CteBeatitudes et la @FSSPXFR , qui refusent de le faire. Comme eux, vous vous pensez au-dessus de tout ça. C’est un scandale qui jette le doute et la honte sur votre fonctionnement interne et vos priorités.
Vous prétendez que vous ne pouvez pas adhérer à la CRR, n’étant pas membres de la CORREF. C’est faux. Vous pouvez adhérer indépendamment de la CORREF. D’autant que tant que cela ne vous touchait pas publiquement, ça y allait, les belles déclarations.
Voyez par exemple celle-ci, dans le mag communautaire Il est Vivant! en 2019, dans la bouche de Michel-Bernard de Vregille, le modérateur: https://emmanuel.info/ne-nous-laissons-pas-voler-notre-foi-notre-joie-et-notre-esperance-michel-bernard-de-vregille-iev-342/
J’ignore si c’est cette déclaration, cette autre , le communiqué du 18 janvier ou juste le ras-le-bol général: toujours est-il que je ne suis pas seule à porter plainte ce matin. Une deuxième plainte vient d’être déposée. Par Marie. Scandalisée par tant de mépris pour son calvaire de victime au sein de l’Église, qui manifestement dérange les dirigeants de la @cteEmmanuel.
https://www.youtube.com/watch?v=zE1O8K0t9_Q
Sa plainte est dirigée contre Michel-Bernard de Vregille, modérateur de l’Emmanuel. Pour un épisode bien sordide de plus, pour lequel je vais vous donner un maximum de « précisions ».
Le 1er décembre 2022, Michel-Bernard de Vregille rencontre Marie, qui souhaite lui faire part de tous les dysfonctionnements qu’elle et Flore ont eu à affronter depuis quatre ans. La scène qui suit est lamentable. L’entretien commence. À la demande de Vregille, Marie évoque son parcours dans la communauté. Vregille avait eu connaissance quelques semaines avant d’un épais dossier reprenant tous les dysfonctionnements qui avaient jalonné ces années de calvaire. La voilà qui raconte toute l’affaire, donne des détails, lit des pièces du dossier. Je rappelle qu’on est dans une affaire de viols, vous imaginez le sordide de la conversation. Pendant l’entretien, Vregille tapote sur son téléphone, ce qui n’attire guère l’attention de Marie, pensant qu’il prend quelques notes. Au bout de vingt minutes, il fait un geste maladroit… Le portable lui échappe des mains et tombe sous le nez de Marie. Il était ouvert sur la fonction enregistreur, en train de fonctionner. Marie, abasourdie, lui demande si c’est bien ce qu’elle croit. Vregille nie, prétend que « tu sais, les iPhone ça se met en route tout seul », récupère son téléphone, éteint l’enregistrement et le met dans la corbeille. Il ne vide pas la corbeille.
Dans une sidération totale, Marie, submergée par cette nouvelle trahison, fait abstraction de ce qui vient de se passer. C’est trop violent, son instinct de survie prend le dessus, et elle termine l’entretien en pilote automatique.
Ce n’est que le soir qu’elle envoie un message à Vregille. Elle lui dit qu’elle sait. Qu’elle se sent « sidérée », « attristée », « trompée », « trahie ». Le ton du message est doux et profondément triste. Il se termine par cet emoji: 🙏, qui chez les chrétiens signifie « union de prière ».
Lui, répond en avouant qu’effectivement il l’a bien enregistrée à son insu, mais que bon, c’était parce qu’il s’était fait engueuler très fort par un ex-frère de communauté sur sa gestion de cette affaire (tu m’étonnes) et qu’il avait peur d’être « instrumentalisé ». Et qu’en plus à cause de ça il s’est fait traiter « d’agent du KGB ». Oh ben oui, ça a dû être désagréable. Mais maintenant qu’il a avoué, il se sent « heureux ». Pas un mot d’excuse. Mais une injonction à Marie: « Tu comprendras ».
Donc voilà. Le modérateur du plus gros mouvement charismatique français fait désormais l’objet d’une plainte pour avoir, au mépris de la loi, enregistré une victime de viol l’appelant à l’aide afin de… Afin de quoi au juste? De la faire chanter? De se repasser le récit du viol le soir? De diffuser le témoignage de Marie en s’asseyant sur la confidentialité? On peut tout imaginer. Bravo l’artiste.
Et certains me demandent pourquoi j’ai refusé l’invitation de Vregille à me rencontrer? Mais s’il est capable de cela avec une victime, de quoi serait-il capable avec moi?
D’autre part, la @CteEmmanuel a mis en place sa propre structure interne de lutte contre les abus, la Commission de prévention et de lutte contre les abus (CPLA). Vregille en est le président. Enregistre-t-il toutes les victimes à leur insu? Quelle confiance désormais accorder à cette commission, dont un des membres est le dircom de la communauté, ce qui ne lui donne guère de compétence en matière de victimologie, mais en dit long sur la volonté des dirigeants de la Communauté de maîtriser la parole des victimes?
@Eglisecatho, il est temps de siffler la fin de la récré. https://emmanuel.info/eglise-maison-sure-content-menut-iev354/
Une dernière chose.
Certains me posent cette question, sous une forme ou une autre, m’invitant à plus de modération… et moins de bruit. « Que ferait Jésus à ta place? » Croyez bien que cette question, je me la pose sans cesse.
Tout ce que je sais, c’est que la plainte que je dépose, c’est aussi pour ne pas laisser Marie seule dans l’enfer des procédures. Comme le Christ nous le demande, je « pleure avec ceux qui pleurent », et je vis désormais ce que vivent ces gens; je ne les regarde pas se battre, je me bats avec eux. Les dirigeants de la @cteEmmanuel n’ont pris au sérieux aucun des avertissements qu’ils ont reçu selon Matthieu 18.
Je crois que maintenant, c’est à vous, membres de la @cteEmmanuel, de vous poser cette question: que ferait Jésus à votre place? Que dirait-Il à vos dirigeants? Qu’attend-Il que vous fassiez pour Marie et Flore?
Je vous laisse discerner.⏹️
Informations complémentaires
Au sujet de Benoît Moulay
Le contexte pour comprendre
Si ce n’est pas déjà fait, je vous invite à consulter :
- les threads twitter de @ntrouiller (premier thread, second thread) qui expliquent le parcours du combattant des victimes ;
- ce thread passionnant de @AgirNotreEglise analyse l’enchaînement des causes ;
- cet article de Libération Violences sexuelles dans le diocèse du Mans : l’incompréhensible indulgence de l’évêque Yves Le Saux par Bernadette Sauvaget.
Chronologie rapide des faits
- 1997 le conseil du séminaire avait recommandé par deux fois de ne pas l’ordonner. À l’unanimité. Pour l’ordination diaconale, puis presbytérale. « Importante immaturité psycho affective. » Benoît « n’a ni la liberté intérieure, ni l’intention droite, ni les aptitudes requises par la tradition et les lois de l’Église pour exercer le ministère de prêtre diocésain, et probablement de prêtre dans quelque contexte que ce soit. » 🡵
- 1997 Jacques Benoit-Gonnin, alors responsable des clercs (prêtres et diacres) et des séminaristes de la communauté de l’Emmanuel fait pression pour que Benoît Moulay soit ordonné 🡵
- 28 juin 1998 Benoît Moulay est ordonné prêtre par Mgr Jacques Faivre, nouvellement arrivé au Mans 🡵
- 2002 Yves Le Saux succède à Jacques Benoit-Gonnin et devient le nouveau responsable des clercs (prêtres et diacres) et des séminaristes de la communauté de l’Emmanuel 🡵. Il reçoit à ce titre de multiples alertes qui n’ont pas tardé à remonter dès l’ordination du père Benoît Moulay. 🡵
- 21 novembre 2008 Yves Le Saux est nommé évêque au Mans 🡵. Il devient donc l’évêque du père Benoît Moulay
- 2017 Pour des raisons floues, Benoît Moulay est déplacé à Rennes en 2017. Son nouveau diocèse d’affectation n’est pas prévenu de son passé problématique (ce qui a été officiellement confirmé à Libération). 🡵
- Fin 2019 Deux plaintes sont déposées contre le Benoît Moulay🡵. En garde à vue il reconnaît les viols sur les deux femmes.🡵
- Décembre 2019 Benoît Moulay avait été suspendu en décembre 2019 par Mgr Yves Le Saux, alors évêque du diocèse du Mans. Une première victime avait effectué un signalement dans le diocèse de Rennes suivi d’un second dans la Sarthe.🡵
- Janvier 2020 Une enquête canonique est ouverte🡵. Mgr Yves Le Saux est donc à la fois l’évêque de la victime et l’évêque du père Benoît Moulay
- 27 Juillet 2020 Les plaintes sont classées sans suite. Interrogé par Le Maine Libre le 21 juillet 2023 sur une éventuelle procédure, le procureur Philippe Astruc confirme qu’une enquête avait « été diligentée du chef de viol » après des relations intimes dénoncées par deux femmes majeures. Il précise que « les faits de nature sexuelle ont été reconnus par l’intéressé, toutefois la procédure a été classée sans suite le 27 juillet 2020, la contrainte n’apparaissant pas suffisamment caractérisée ». 🡵
- Automne 2020 Yves Le Saux prend une mesure disciplinaire contre Moulay qui est assigné à résidence pour trois ans à l’abbaye de Saint-Wandrille (Seine-Maritime) 🡵
- Décembre 2020 D’après le témoignage de l’abbé de Saint-Wandrille, les négociations entre Le Saux et Moulay auraient, en fait, commencé dès décembre 2020 pour qu’il quitte l’abbaye et reprenne une mission. 🡵
- 10 novembre 2021 Les deux victimes apprennent le possible départ de Moulay de saint Wandrille. Devant la détermination des deux femmes, Le Saux repousse sa décision. Quand Moulay l’apprend, il quitte définitivement l’abbaye, désobéissant à l’Église catholique. Et contraignant son évêque à rouvrir la procédure canonique le 10 novembre 2021. 🡵 🡵
- 27 juin 2022 Mgr Le Saux est nommé au diocèse d’Annecy. 🡵
- Septembre 2022 Après le départ de Le Saux, Mgr Grégoire Cador, aujourd’hui évêque du diocèse de Coutances, alors administrateur général du diocèse du Mans après en avoir été le vicaire général « retrouve » les rapports du séminaire du père M dans les archives diocésaines, alors que Mgr Le Saux avait assuré aux victimes qu’il n’y avait rien dans les archives du Mans ni celles de la Domus, et qui les fait verser in extremis au procès. 🡵
- 1er décembre 2022 Michel-Bernard de Vregille rencontre la seconde victime, qui souhaite lui faire part de tous les dysfonctionnements qu’elle et la première victime ont eu à affronter depuis quatre ans. Michel-Bernard de Vregille enregistre l’entretien à l’insu de la victime, qui découvre la situation quand Michel-Bernard de Vregille fait tomber son téléphone. 🡵
- 4 juillet 2023 Benoît Moulay est renvoyé de l’état clérical 🡵. Les juges de l’officialité interdiocésaine de Rennes ont considéré qu’il y avait un risque de «récidives» à cause de «son attitude ambiguë envers les femmes», mais aussi de «sa personnalité immature, manipulatrice, autoritaire». 🡵
- La sentence du procès pénal canonique reconnaît la responsabilité de la Communauté de l’Emmanuel. Le tribunal a en outre décidé qu’il reviendra à la Communauté de l’Emmanuel (Association publique internationale de fidèles de droit pontifical) de discerner comment l’accompagner dans les trois prochaines années, y compris financièrement. 🡵. Et pour les victimes : rien.
- Avril 2024 Classement sans suite de la plainte contre Michel-Bernard de Vregille pour abus de confiance suite à l’enregistrement d’un entretien avec une victime, à son insu. Le procureur reconnaît donc qu’il y a eu infraction pénale. Il choisit de ne pas poursuivre. Mais il dit explicitement que Michel-Bernard de Vregille a enfreint la loi. 🡵
- 22 juillet 2024 Deux victimes de l’ex-père Moulay assignent la communauté de l’Emmanuel en justice. 🡵
- Octobre 2024 Après cinq longues années de combat, deux femmes victimes de violences sexuelles de la part de l’ex-prêtre Benoît Moulay, membre de la communauté de l’Emmanuel, ont obtenu des réparations financières au titre des dommages qu’elles ont subis grâce à la pugnacité de leur avocat, Aymeric de Bézenac. Conformément à l’accord signé, les parties sont tenues à la plus stricte confidentialité. Toutefois, ce protocole prévoyant le versement de réparations financières constitue, selon plusieurs spécialistes, une démarche inédite en France. 🡵. Voir également le communiqué de la communauté de l’Emmanuel.