Faire face, le monde religieux après la Ciase
Faire face, le monde religieux après la Ciase
Ce travail est le fruit d'échanges de pas moins de 226 supérieurs de congrégations avec deux spécialistes, la sociologue Véronique Le Goaziou et l'ancienne secrétaire de la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église (Ciase) et membre de la Commission reconnaissance et réparation (CRR) Sylvette Toche. Le but de ce travail : faire un point d'étape sur la réflexion et l'action du monde religieux sur les violences sexuelles, quatre ans après la remise du rapport de la Ciase. https://www.la-croix.com/religion/abus-dans-l-eglise-un-rapport-revele-les-avancees-et-quelques-impenses-dans-le-monde-religieux-20251120
Les constats de ces entretiens, menés par téléphone avec 82 responsables de congrégations masculines (par Véronique Le Goaziou) et 144 responsables de congrégations féminines (par Sylvette Toche) sont aussi riches que variés. Parmi les congrégations masculines, 71 supérieurs disent avoir identifié ou comptabilisé un agresseur parmi leurs congrégations, soit trois quarts des instituts religieux masculins membres de la Corref. En outre, 20 % des supérieurs ont eu connaissance de frères ayant subi des violences sexuelles dans le monde religieux (et 12 % en dehors).
Dans les congrégations féminines, 17 % des supérieures ont eu connaissance d'agressions commises par des religieuses en France ou à l'étranger (85 % des congrégations féminines étant implantées à l'étranger), tandis que 56 % des supérieures ont estimé que certaines de leurs sœurs avaient été victimes d'abus (dont 36 % dans l'Église).
« Les congrégations masculines sont principalement traversées par la question des abus sous l'angle des agresseurs, lorsque les congrégations féminines sont principalement traversées par la question des abus sous l'angle des victimes, souligne Véronique Le Goaziou dans l'hémicycle. Comme le reste de la société, le monde religieux est traversé par la question du genre. »
Dans son intervention, Sylvette Toche a insisté sur le fait que dans ses entretiens, les formes d'abus revenant le plus au sein des congrégations féminines sont les autres formes que les abus sexuels. Selon cette enquête, les abus de pouvoir et d'autorité affectent plus d'un quart (27 %) des congrégations féminines implantées uniquement en France et 40 % des congrégations internationales. 17 % des congrégations citent des abus spirituels ou de conscience.
« En France, beaucoup considèrent à tort que les abus sont à comprendre au passé, insiste Sylvette Toche, qui a notamment échangé avec de nombreuses responsables de congrégations internationales. Mais dans les pays du Sud, les religieuses en parlent beaucoup, surtout en Afrique. Le sujet commence à monter et les supérieures sont très préoccupées par ce sujet. »
Depuis son poste de président de la CRR, Antoine Garapon relève, lui, depuis quatre ans, un changement de mentalité considérable chez les supérieurs religieux sur la question des abus : « Nous avons pu échanger avec des supérieurs de congrégations qui, après avoir montré une forme de résistance, nous ont tous dit que la crise des abus les avait profondément tourmentés, qu'ils avaient compris l'ampleur de la tâche, assure Antoine Garapon. Mais pour faire descendre cette prise de conscience aux frères et sœurs de leurs communautés, cela prendra plus de temps. »